[Aramis]
Elle rajusta ses manches, s'assurant par le même coup que son habit ne comportait pas de plis. Un léger brouhaha venant des conversations autour d'elle emplissait le corridor. Celui-ci se tarit lorsque les portes devant elle s'ouvrirent. Et voilà qu'elle entrait dans la pièce toute de rouge recouverte, relevée par les touches de feuille d'or. Aramis se plaça derrière la chaise qu'il lui avait indiquée puis l'attente commença. Voilà quelle se retrouvait encore une fois au beau milieu de gens qu'elle ne connaissait pas le moins du monde. Puis le roi fit son apparition.
Car oui, elle était allée à sa rencontre. Vaincue par cette envie de mettre les choses au clair une bonne fois pour toute, la comtesse avait suivi les instructions du message qu'il lui avait laissé et s'était rendue à l'endroit indiqué. Il l'avait rejointe peu de temps après et ils s'étaient expliqués. Maintenant il apparaissait clairement la teneur des sentiments qu'elle éprouvait à son égard. Et cela la laissait plus perdue que jamais.
Aramis ne lui avait en rien caché sa situation, mais aussi clarifié ce qu'elle ressentait. Le souverain acceptait ce déchirement dans ses émotions, et lui avait donc donné rendez-vous à cette heure, en ce lieu si elle le désirait afin de connaître plus de son monde. Et ici elle se tenait dans sa robe bleue la mystérieuse, qu'elle aimait tant. Il s'agissait également de celle qui semblait la plus riche de toute sa garde robe. Et à voir celles des autres dames elle avait bien fait.
Toutes les personnes présentes s'assirent et le repas commença bien vite. Toujours à la hauteur de la classe et de l'opulence qui régnaient en maître dans ces lieux. Des conversations endiablées fleurirent tout autour de la table et la comtesse prit parfois part à quelques unes. Elle échangea de temps en temps des œillades avec le souverain. Ce dernier sollicita même son avis sur certaines questions.
Le dîner se finit alors et les gens sortirent de table au fur et à mesure. Elle alla rejoindre le roi qui la regardait.
« Comment se déroule votre soirée jusque-là ?
— Très bien, très bien.
— Je sais que ce ne sont pas des champs ni un bord de rivière donc la tranquillité reste modérée mais j'espère que cela ne pèse pas trop d'être ici.
— En effet, ce n'est pas le même milieu, sourit Aramis. Cela dit, je pense que je pourrais m'accoutumer à cette pièce.
— Tant mieux alors. »
Une femme vint à leur rencontre, une belle femme avec une splendide robe jaune et des cheveux bruns foncés.
« Votre Majesté.
— Madame, la salua-t-il en retour. Comment allez-vous ?
— Fort bien je vous en remercie. Les mets de ce soir étaient exquis, votre générosité n'a pas d'égal.
— Ce n'est rien.
— Si ce n'est trop déplacé, auriez-vous une idée de quand se tiendra la prochaine réception ? interrogea la courtisane rejointe par une autre plus jeune toute de rose vêtue.
— Je n'en sais trop rien mais je pense pouvoir vous dire que ce sera pour bientôt.
— Merci à vous.
— Nous les attendons toujours avec impatience » ajouta la plus petite avec un sourire rêveur, presque niais.
Le roi lui adressa un petit rictus et elles prirent congé, la blonde sautillant comme une enfant. D'autres courtisans s'approchèrent pour adresser leurs salutations au roi et Aramis se retira un peu plus loin afin de leur laisser tout l'espace. Dans son dos la comtesse sentit une ombre s'approcher, puis une présence la frôler. Elle se retourna et la femme en jaune se tenait devant-elle.
« Bien le bonsoir.
— À vous aussi, répondit Aramis, peu sûre de ce à quoi s'attendre.
— Nous ne vous avions encore jamais vue ici.
— En effet, c'est la première fois que je participe à ce genre d'évènement privé.
— Puis-je vous demander votre nom ? Cela pourrait être intéressant d'apprendre à vous connaître.
— Mon nom n'est pas très intéressant, les gens qui m'ont invitée sont bien plus importants, plaisanta la jeune femme dans une tentative de détourner l'attention de son interlocutrice. Il n'était pas forcément prudent de commencer à dévoiler des informations maintenant tant que ses intentions n'étaient pas claires.
— Si vous les dites, sourit la femme. J'espère ne pas trop faire de suppositions hâtives, mais entretenez-vous de proches relations avec Sa Majesté ? Il m'a semblé voir une proximité.
— À vrai dire pas vraiment, il m'est arrivé de le croiser à quelques reprises mais point plus.
— Je vois... Me permettriez-vous de vous donner un conseil ? »
Aramis acquiesça, attendant la suite avec doute.
« Restez loin de Son Altesse, ça ne vous apportera rien de bon, faites-moi confiance. Dans cet entourage les dangers sont nombreux et les risques sont grands.
— Eh bien je vous remercie pour cet avertissement que je ferai en sorte de garder à l'esprit. » salua Aramis mettant par le même coup fin à la discussion. Celle qui lui faisait face s'éloigna et rejoignit ses compagnons. Quelle rencontre... étrange. Tous les gens n'étaient pas forcément très nets.
Elle se retourna et vit que le roi n'était plus accaparé. La comtesse se rapprocha et lorsqu'il n'eut plus personne à voir, le souverain vint se mettre à sa hauteur.
« Bon eh bien je pense que vous voudriez y aller désormais. Si comme vous m'avez dit vous préférez effectivement la tranquillité de la nuit, je ne vais pas vous retenir, déclara-t-il en attrapant l'une de ses mains.
— À vrai dire même si cet endroit n'est pas totalement la définition de calme je lui trouve un certain charme, une certaine atmosphère qui n'est pas déplaisante.
— Ravi que vous le voyiez de la sorte.
— Mais vous avez raison, je pense que je vais rentrer.
— Sinon..., commença-t-il.
— Oui ?
— Il pourrait il y avoir une seconde solution, continua l'homme en attrapant la deuxième main de la jeune femme. Que diriez-vous de continuer cette soirée de notre côté pour discuter ? »
Aramis le fixa brièvement et le laissa l'entraîner vers la porte d'où il était entré.
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Double Jeu
Narrativa StoricaAprès quinze ans d'exil, Aramis, fille de comte, est de retour à la Cour de Versailles pour sauver sa famille des problèmes d'argent, avec un plan ancré en tête. Mais elle va vite s'apercevoir que tout est bien plus compliqué qu'il n'y paraît au pre...