Chapitre 17

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[Angélique]

    Les secondes s'égrenaient lentement sur l'horloge. Que le temps pouvait être long... Un soupir franchit ses lèvres. La jeune fille était affaissée sur une table, la tête enfouie dans sa paume. Elle n'en pouvait plus, elle avait l'impression de sentir son corps se dessécher au fil des jours.

    La seule chose qui aurait pu éclairer sa journée était la petite assemblée ce soir dans le boudoir de la marquise. Malheureusement Marie ne pouvait pas y assister, elle n'irait donc pas non plus. Pourquoi son amie ne tenait-elle pas à la laisser aller seule, elle se le demandait. Mais bon, elles faisaient toujours tout ensemble. Sa main remua les papiers et lettres étalés sur la table. Parmi elles figuraient quelques unes de ses potentiels prétendants, mais ces correspondances ne l'intéressaient guère.

     Un autre soupir lui échappa. Son père était en affaires, sa mère en réception mondaine, de celles où, bin entendu, elle n'était pas conviée. Personne à qui parler. Et cela faisait bientôt plusieurs heures qu'elle s'ennuyait ainsi, même si le soleil se pavanait toujours haut dans le ciel.

     Et elle en eut assez. Angélique se leva, prit son chapeau, et sortit en claquant la porte. Elle réemprunta les couloirs, et toqua à la porte une série de coups hasardeux. La même serve que l'autre jour lui ouvrit et la fit rentrer.

     Franchement, la jeune fille ne voyait vraiment pas pourquoi Marie insistait pour l'accompagner à chaque fois, elle se débrouillait très bien toute seule.

     Elle rentra dans le boudoir et les têtes se tournèrent vers elle. Élisabeth esquissa un sourire et lui enjoignit de les rejoindre :

« Nous commencions à croire que vous ne viendrez point. Je suis heureuse que vous soyiez présente. Mademoiselle d'Enghien n'est point avec vous ?

— Non elle est absente.

— Je vois... Bien, avant tout, il serait bon de vous donner un code. C'est comme ça que je vous reconnais lorsque vous toquez. Que diriez-vous de un coup du doigt, deux du plat de la main, et un dernier du doigt ?

— Comme vous le voulez, répondit Angélique contente de posséder son propre code.

— Parfait. Assurez-vous de le retenir, il est unique. Pour continuer, j'ai quelques informations supplémentaires à vous transmettre. »

     La jeune fille opina, concentrée.

« Nous avons réfléchi et nous pensons qu'il est mieux que vous n'acceptez point de cavalier, comme cela vous ne serez point embarrassée si l'on vous demande une danse. Ce serait dommage de refuser car vous êtes obligée envers quelqu'un qui ne vous intéresse point.

— Cela ne risque-t-il pas de nous montrez comme moins désirable ? demanda l'une des amies de la marquise.

— Point du tout. Il vous suffira de participer activement au sein de groupes, et d'accepter les danses lorsque cela vous arrange. De ce que j'ai compris, vous ne devriez pas manquer de propositions. Vous montrerez ainsi que vous n'êtes point en reste et que vous occupez une place assez importante. Avez-vous d'autres questions ? »

     Personne ne répondit.

« Bien. Ensuite nous vous avons réservé une place de choix à la table du roi. Cependant il faudra vous dépêcher, car ces places ne sont jamais vraiment actées, si quelqu'un vous la prend il ne sera pas réellement possible de vous la récupérer, comprenez-vous ?

— Oui, je ferai attention.

— Madame m'excusera si je la dérange mais je dois vous prévenir que vous êtes attendue, informa la petite servante en écartant le rideau.

— Qui est-ce ?

— L'homme... à qui vous aviez envoyé une lettre hier. »

Le visage de Madame de Reynel se fendit d'un sourire.

« Oh, dites-lui que je le reçois dans quelques minutes, je finis d'abord avec ces dames

— Comme vous le voulez Madame, accepta la servante avant de disparaître.

— Mesdames, comme vous l'avez entendu, j'ai un petit contretemps, nous nous reverrons la semaine prochaine. »

     Les femmes se levèrent donc et quittèrent la pièce. En passant Angélique essaya d'apercevoir l'homme, elle qui était quasiment sûre qu'il s'agissait du tailleur. Cela l'avait quelque peu refroidie. Elle ne saurait expliquer pourquoi, mais c'était sûrement la jalousie qui envahissait son esprit. Elle tenta de chasser ce qui semblait son plus grand défaut à ce jour, un péché dont, à son plus grand désespoir, il lui était difficile de se défaire.

     Alors qu'elle remontait les couloirs, une silhouette arrivant en face accéléra en sa direction à mesure qu'elle la distinguait.

     Et elle vit qu'il s'agissait du comte d'Ableiges.

     Tiens ça faisait longtemps... pensa-t-elle.

« Bien le bonsoir Mademoiselle !

— À vous aussi mon cher, sourit-elle essayant de garder son calme.

— C'était une bien belle journée ne trouvez-vous pas ?

— Si en effet. Avez-vous quelque chose à me dire ?

— Vous avez deviné, acquiesça-t-il nerveusement. Bon, alors, il fallait que je vous demande...

— Venez-en simplement au fait.

— Il fallait que je vous demande si vous accepteriez de m'accompagner au bal la semaine prochaine ? »

Double JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant