Angélique
Au détour des allées, Angélique ruminait. Ce Jean-Eudes, toujours dans ses jambes, surtout lorsqu'il ne le fallait pas, cela l'irritait. Cet homme avait le don d'arriver au plus mauvais moment. Gentil, c'était indéniable, mais il l'épuisait à la suivre de partout comme un petit chien, remplaçant presque son ombre. Toujours à l'inviter à chaque occasion, à vouloir se faire remarquer alors qu'il ne possédait en lui rien d'intéressant que cela en devenait ridicule.
« Alors ? demanda une voix féminine, alors qu'elle arrivait près d'une fontaine.
— Oh ne m'en parlez pas, lui rétorqua la jeune duchesse boudeuse.
— Allons, qu'est-il arrivé cette fois-ci ? Sa Majesté n'a même pas daigné vous accorder un seul regard ? ironisa son amie su un ton mi-moqueur mi-amusé.
— Finalement je pense que cela aurait été préférable. » soupira la blonde.
Son interlocutrice restant muette, la fixant d'un regard pour l'inciter à développer, Angélique continua :
« Pour tout vous dire, après m'être relevée de ma révérence, il n'est pas reparti, et je mettrais ma main au feu qu'il allait me parler. Mais ce nigaud de comte d'Ableiges est arrivé et lorsque je me suis débarrassée de lui, ils s'étaient remis en route. J'aurais pu aller avec eux mais ma chance a été gâchée, finit-elle en passant une main sur son front.
— Oh voyons, il faut relativiser, vous ne pouvez savoir ce qu'il allait dire, peut-être n'était-ce pas une invitation à continuer à leurs côtés... Et, dans le cas contraire, cela reste merveilleux car cela signifie qu'il vous a remarquée. Si vous vous démenez de façon à être suffisamment présente non-loin de lui, il se pourrait que d'autres occasions comme celle-ci se présentent. C'est une belle avancée !
— Je ne sais comment vous arrivez à rester si optimiste » exhala la belle, rehaussant son visage d'un sourire.
Un clin d'œil lui fut adressé en guise de réponse. Les deux, dans leur lieu de rendez-vous de prédilection pour son intimité, s'assirent sur le rebord de la fontaine. Dans cette enclave de tranquillité, les secrets les plus profonds pouvaient être échangés sans crainte des oreilles indésirables, captés seulement des hautes haies protectrices. Les épisodes où elles avaient croisé d'autres personnes étaient assez rares pour se compter sur les doigts d'une seule main.
L'une, perdue dans ses pensées voguait au gré de ses rêveries, l'autre caressait l'onde paresseusement. Au terme de quelques minutes, Marie rompit le silence qui s'était installé :
« Vous tenez à séduire le roi ? Véritablement je veux dire... » demanda-t-elle pensivement.
Angélique la dévisagea d'un air surpris.
« Enfin Marie, pourquoi ferais-je tous ces efforts sinon ? »
Quelques secondes s'écoulèrent sans que la duchesse d'Enghien ne réponde, comme replongée dans ses pensées.
« Il faudrait que je vous présente quelqu'un, dit-elle en se levant, égouttant sa main au-dessus de la fontaine.
— Encore un autre de vos princes charmants ? se moqua gentiment Angélique.
— Non pas cette fois, se contenta de répondre la brune se mettant en marche.
— Qui est-ce alors ? Ne me faites pas languir de la sorte, vous savez que je ne le supporte point, s'exclama Mademoiselle d'Alincourt, relevant ses jupes pour rattraper son amie. Allons bon, qui est-ce ?
— Vous le découvrirez bien assez tôt. » la coupa Marie, résolue à garder le mystère.
Elle la mena hors du labyrinthe de haies jusqu'à une place dégagée où plusieurs personnes étaient réunies, avant de la diriger vers un groupe spécifique. Quatre femmes le composaient, chacune plus distinguée que la précédente. Elles rejoignirent ces dames et son amie prit la parole :
« Mesdames bonjour.
— Mademoiselle d'Enghien, c'est un plaisir que de vous voir, répondit la femme brune à la robe couleur bouton d'or. Mais qui est donc la jeune femme qui vous accompagne ? Demanda-t-elle, observant Angélique.
— C'est celle dont je vous ai parlé, la fille du Duc d'Alincourt, Angélique d'Alincourt, expliqua Marie en la désignant d'un geste.
— Enchanté de vous rencontrer, la salua l'inconnue avant de reporter complètement son attention sur son interlocutrice. S'il s'agit effectivement de celle dont vous m'avez parlé, je suppose que vous êtes prêtes à passer à l'action.
— C'est exact. Cependant nous ne pouvons finaliser les détails ici, il ne nous est point possible de rester plus longtemps.
— Bien alors que dites-vous de nous rencontrer, demain peut-être, pour en discuter au calme ?
— Cela est parfait, nous y serons. » conclut Marie en souriant.
Puis elle poussa discrètement Angélique pour l'amener à la suivre. Elles marchèrent un peu et se posèrent sur un banc dissimulé par l'angle d'un mur.
« Alors, qui était-ce ? pressa la jeune blonde.
— La Marquise de Reynel, Élisabeth de Reynel. Je l'ai rencontrée il y a de cela quelques mois lorsqu'elle est arrivée à la Cour après avoir épousé le Marquis. Elle a, de ce dont elle m'a révélé, les mêmes ambitions que vous, et je pense qu'elle peut être une alliée pour atteindre votre objectif.
— Vous lui aviez parlé de moi ?
— En effet, dès que j'ai ouï de ses projets. J'ai l'intuition que vous pourriez vous entendre sur la marche à suivre. Elle est déjà bien placée auprès du roi.
— C'est formidable, s'écria Angélique aux anges.
— Cependant je dois vous prévenir, la coupa vite Marie en baissant la voix, si elle peut paraître charmante à bien des égards, elle semble toutefois posséder un côté sombre. À ma connaissance, elle peut avoir des penchants manipulateurs et hypocrites. Même si, à mon sens, ce ne devrait pas être un problème, je vous conseille d'être prudente.
— Je sais prendre soin de moi, je suis grande, ne vous en faites point. » lui sourit la concernée.
Son amie lui répondit par un sourire également, et elles se mirent à épiloguer sur ce que cette future soirée leur réservait.
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Double Jeu
Ficción históricaAprès quinze ans d'exil, Aramis, fille de comte, est de retour à la Cour de Versailles pour sauver sa famille des problèmes d'argent, avec un plan ancré en tête. Mais elle va vite s'apercevoir que tout est bien plus compliqué qu'il n'y paraît au pre...