Chapitre 8

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[Aramis]

Plusieurs mois auparavant

     De retour dans sa chambre, la jeune femme réfléchissait. Après leur quasi-fuite de Versailles il y a une quinzaine d'années, ses parents avaient été occupés à essayer de sauver les miettes et elle n'avait pas été embêtée avec le mariage. Il en avait été quelque peu question durant les mois précédant leur départ, mais rien de vraiment concret n'était arrivé, pas de fiançailles ni rien. De toute façon, elles auraient sûrement été rompues par l'autre famille. Ces alliances étaient purement monétaires, et elle n'aurait plus rien eu à apporter après leur chute, perdant ainsi tout intérêt.

     Aramis avait donc toujours cru - naïvement peut-être - qu'elle y échapperait, étant à chaque fois passée entre les mailles du filet jusque là. De toute façon passé vingt-cinq ans, bien qu'en en étant complètement convaincue, il semblait assuré qu'elle finisse vieille fille définitivement. Cette "responsabilité" s'était donc reportée sur sa soeur lorsque sa mère n'avait plus été prise par autre chose. Elle avait bien eu quelques aventures, mais qui n'avaient jamais réellement comptées.

     Étant du genre solitaire, elle préférait garder une tranquillité et pouvoir se replier sur elle-même si besoin il y avait, en conservant tout de même un entourage proche qu'elle affectionnait. Mais souvent, le mariage amenait les enfants, c'était d'ailleurs le moyen plus ou moins dissimulé de consolider une union ; à la fois entre les époux et entre leurs familles respectives, enfants qui nuiraient possiblement à la quiétude qu'elle aurait réussi à conserver, bien qu'étant majoritairement, voire complètement élevés par une gouvernante et/ou des précepteurs.

     Alors se replonger maintenant dans l'état d'esprit de se trouver un parti, c'était ardu voire même invraisemblable. Oui, invraisemblable que le destin se retourne de la sorte, qu'il l'ait piégée en lui faisant miroiter qu'elle serait tranquille pour le reste de sa vie, même si elle avait conscience que ce plan n'était pas conçu pour elle à la base, n'étant que le deuxième choix de ses parents. Et honnêtement, sa cadette aurait été plus apte pour cette tâche à bien des égards - pas tous - mais beaucoup d'entre eux.

     Et puis la comtesse serait seule, larguée dans un monde dont elle n'avait maintenant guère plus que de vagues souvenirs. Bien sûr, elle y avait vécu une bonne partie de sa vie mais elle se demandait dans quelle mesure l'endroit pouvait avoir changé, et elle n'était pas sûre que cet endroit lui se rappelle d'elle.

     Il fallait le faire, elle le ferait, mais elle avait quelques doutes quant à la réussite de l'opération. Et puis à combien s'élevait sa dot ? Car s'ils prévoyaient qu'elle marie un homme assez riche pour les remettre à flot, peut-être faudrait-il qu'elle soit un parti suffisamment intéressant, financièrement parlant pour ce même homme.

     Quelques unions reposaient sur l'amour, dans lesquelles le prince charmant venait au secours de sa bien-aimée qu'importe son statut social, mais il ne s'agissaient que de gouttes d'eau dans une vaste mer. Il était utopique d'y croire.

     Mais bon, il faudrait d'abord se concentrer sur l'instant présent plutôt que de se focaliser sur l'avenir. Elle s'inquiéterait de tout cela plus tard, nul besoin de se torturer de la sorte.

     Sa mère lui avait dit qu'elle subirait une espèce d'entraînement, il serait mieux de préserver son énergie pour cela. Il devrait consister en une remise à jour de l'étiquette, cette dernière était parfois tellement changeante, tout en restant similaire en même temps, qu'il était difficile de s'y retrouver. Peut-être également aborderaient-ils la danse avec ses précepteurs et la remettraient-ils au goût du jour concernant la mode, elle qui était également si changeante ? Le Duc devait investir de l'argent dans ce projet, il lui semblait étonnant que, si ses précepteurs étaient effectivement le haut du panier, ses parents aient pu s'acquitter de tous les frais. Il faudrait qu'elle pense à le remercier, lui qui avait l'air de se dévouer à les aider.

     Elle verrait tout cela en temps voulu. Plus que quelques mois avant qu'elle ne retrouve une nouvelle vie.

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