Chapitre 3

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[Aramis]

Plusieurs mois auparavant

« Enfin vous voilà ma fille.

— L'on m'a dit que vous vouliez me voir père ?

— En effet, votre mère et moi avons quelque chose à vous annoncer. Vous n'êtes pas sans savoir que votre sœur est atteinte d'un mal dont nous ne parvenons pour l'heure, à la soulager. »

     Aramis acquiesça en silence, attendant la suite.

« Avant de se battre contre la maladie, elle s'était vue confier une tâche, une tâche de la plus grande importance. Du fait de son état, elle ne peut l'accomplir. Nous avons donc décidé que dorénavant, il vous incombera de la mener à bien.

— Bien sûr, nous vous prépareront, poursuivit Madame de Coligny, et feront en sorte que vous recevrez un enseignement approprié. »

     Tout cela intriguait la jeune femme au plus haut point. Une tâche ? Destinée à sa sœur ? On ne lui confiait pourtant pas grand chose du fait de sa naïveté profonde, ou du moins de petites choses sans importance... Mais peut-être cela avait-il un rapport avec le bal qui approchait. Oui, avec la fête du retour du printemps il allait y avoir de l'activité, une bonne occasion d'aller montrer sa jeune et jolie cadette, histoire d'assurer une présence dans le domaine et auprès des habitants. Cela justifierait également un « enseignement », elle qui n'avait pas dansé depuis une éternité.

« Enfin, j'aimerai vous présenter un ami qui m'est cher et qui nous a fourni de l'aide au cours des évènements que nous avons traversés, le Duc d'Elbeuf » continua l'homme.

     Un homme dissimulé jusqu'alors derrière les rideaux s'avança, et grands dieux ce qu'il était distingué ! Il déployait une aura majestueuse, un charisme tel qu'elle n'en avait vu depuis belle lurette. Sa tête relevée complétait une posture bien droite, comme celle que Madame de Coligny priait son mari de conserver lorsqu'il s'avachissait dans les sofas. Malgré cela, le duc dégageait une impression d'amabilité et de sympathie, presque comme si on le connaissait depuis toujours. Et dans son cas, c'était quasiment le cas.

« Je me souviens de vous, déclara Aramis, vous veniez parfois les après-midi, lorsque vous aviez fini de travailler.

— À cette époque déjà les affaires vous accaparaient mon cher, rebondit le maître des lieux sur un ton amusé. Toutes ces histoires d'héritage...

— Allons Charles, le reprit sa femme en baissant la voix, reste correct veux-tu, il a tout de même perdu son aïeule. »

     L'intéressé esquissa un sourire à l'attention du couple, pour montrer que ces paroles ne l'avaient point affecté, puis se tourna vers leur fille, se rapprochant afin de prendre sa main, y déposant galamment un baiser.

« Flatté de constater que je ne vous suis pas inconnu Mademoiselle, même si l'on m'avait averti de votre bonne mémoire. Je dois dire que vous semblez vous être magnifiquement épanouie au cours des dix dernières années. Vous n'aurez rien à envier aux dames de la Cour, elles vous jalouseront même. » affirma-t-il d'un ton charmant.

     Le cerveau de la jeune femme marqua un arrêt sur ces derniers mots. « aurez », « la Cour », « jalouseront ». Son sourire s'effaça progressivement. Elle se détourna vers ses parents.

« Et, puis-je savoir en quoi consiste exactement cette tâche, s'enquit-elle, d'une voix qui se voulait maîtrisée.

— Vous ne l'en avez pas encore informée ? renchérit le Duc, amplifiant son mauvais pressentiment.

— Informée de quoi ?

— Et bien, il s'agit d'une affaire d'une importance capitale, qui requiert votre départ pour le château de Versailles et sa Cour. Vous n'êtes malheureusement pas sans savoir que nous avons connu une déchéance financière qu'il est difficile d'arranger. C'est pourquoi nous vous envoyons trouver un époux. » finit par avouer le père.

     Aramis avait bien perçu qu'il tournait autour du pot, comme toujours lorsque quelque chose l'embarrassait, mais elle ne s'attendait clairement pas à une telle révélation. Elle prit quelques secondes pour la digérer, le temps de traiter les informations une à une, tout en essayant de garder contenance. L'une d'elles avait particulièrement du mal à passer, trois mots en vérité. Trouver un époux.

Double JeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant