12-Rechute

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Evelyn força le contenu de son estomac à sortir par sa bouche. Depuis son hospitalisation, elle était restée forte. Quelques fois, il lui arrivait de craquer, mais la surveillance constante de l'infirmière l'avait grandement aidée. Jusqu'au lendemain de la fête de victoire des serpents. Sans crier gare, Théo ne lui parlait plus et l'évitait. À ce moment, son monde était parti en vrille. Avec son absence, elle avait réalisé que Théo était son pilier. Il soutenait pratiquement tout son poids, la rassurant à son plus bas et l'aidant à surmonter la tentation de se faire vomir. C'était son meilleur ami, la personne en qui elle avait le plus confiance, et il l'avait abandonné. Ou peut-être que Draco avait mis ses menaces à exécution.

Elle envoya la toilette, puis s'adossa au mur. Elle prit de longues inspirations, essayant de vider son esprit aux pensées débordantes. Malgré tout, elle avait cette douleur à la poitrine, logée à même son cœur. Des larmes lui piquèrent les yeux, mais elle leur interdit de descendre ses joues. Les souvenirs, quant à eux, refusaient d'être oppressés, se battant avec violence jusqu'à prendre toute la place.

Son sang, ses cris étranglés, le sourire satisfait de Léo Dupuit...
L'impuissance, les caresses indésirables, la violation de son corps...
Aucun baisers, l'intimité se limitant aux organes du plaisir...
La destruction de sa réputation, la victimisation de Léo Dupuit...
Anna-Rose Huet qui croit l'agresseur plutôt que sa meilleure amie...
Les rumeurs, l'humiliation, l'harcèlement, son renvoi...
La violence psychologique de sa mère, ses troubles d'alimentation, son manque d'estime de soi...
Son stupide sang de vélane.

Sa respiration était trop courte et ses tremblements, incontrôlables. Son cœur palpitait et sa vision se brouilla de larmes. On cogna à la porte. Evelyn voulut assurer qu'elle allait bien, mais les mots se perdirent en chemin. La porte s'ouvrît sur Daphné qui se précipita à ses côtés.

-Respire avec moi, Evelyn.

Celle-ci suivit le rythme de son amie jusqu'à ce que le poids sur sa poitrine cède, non sans nombreux mots d'encouragements et une intensification de la panique.

-As-tu envie d'en parler?

Evelyn secoua la tête. Daphné l'aida à se relever et la mena au lavabo pour qu'elle se lave le visage, les mains et qu'elle se brosse les dents.

Peu après, elles sortirent du dortoir et tombèrent nez-à-nez avec Théo.

-Est-ce que je peux te parler, Evelyn?
-Non.
-Oui, dirent-elles d'une même voix.

Daphné haussa les sourcils, puis sourit.

-Bien sûr que tu peux lui parler, Théo. Rien ne t'y empêches.

Evelyn lui lança un regard noir, mais Daphné avait déjà tourner les talons. Quelques instants plus tard, ils étaient à la tour d'astronomie.

-Je n'ai pas toute la journée, Théo, commenta Evelyn en croisant les bras.

Il sortit de ses pensées en sursaut.

-Désolé, je... désolé. Pour ces deux dernières semaines. Je n'ai pas été très juste avec toi et je suis venue m'expliquer.
-Si tu me sors une excuse bidon à la Tracey, je ne veux rien entendre.

Évidemment, Théo étant son meilleur ami, Evelyn lui avait cassé les oreilles durant de longues heures avec cette histoire.

-T'inquiètes, ce n'est rien de ce genre.

Il raconta en détail la ruse du polynectar. Evelyn n'en crut pas ses oreilles.

-Je suis tellement désolé d'avoir pensé que tu pouvais me faire un truc pareil. Je comprendrais si tu ne veux pas me pardonner.
-Ne sois pas ridicule. Tu n'es aucunement en faute, Théo.
-Tu me pardonnes, alors?
-Bien sûr...

Aussitôt, Théo l'étouffa dans une étreinte.

-...que oui, souffla-t-elle.

Théo s'esclaffa de soulagement et Evelyn sourit devant ce son qui lui avait tant manqué.

-J'avais vraiment peur que tu m'en veuilles jusqu'à la fin de mes jours, espèce de rancunière.

Evelyn éclata de rire et posa sa joue contre son épaule.

-C'est une blague?

Ils se tournèrent vers la source du son. Draco observa avec dégoût le bras de Théo sur la hanche d'Evelyn.

-Déçu que ton plan n'ait pas fonctionner? railla cette dernière.

Il arbora un rictus condescendant.

-Tu verras bien.

Puis, il quitta la tour d'astronomie en coup de vent.

-Il voulait dire quoi par là?

Théo haussa les épaules.

*

Quelques jours plus tard, Evelyn étudiait à la bibliothèque avec Daphné.

-Les professeurs veulent notre mort! s'exclama Théo en s'affalant dramatiquement sur une chaise et en claquant ses livres sur la table.
-Arrête de gémir, dit sèchement Daphné, le nez dans ses travaux.
-Si ça c'est gémir pour toi, j'imagine même pas au l...
-La ferme, Théo, murmura Evelyn, plaquant une main sur sa bouche.

Mme Pince passa devant leur table et les scruta de ses yeux perçants. Ne trouvant rien de suffisamment discriminant, elle continua son chemin vers les allées. Une fois hors de vue, Théo lécha la paume d'Evelyn, qui retint un cri de dégoût.

-T'es vraiment un gamin, désapprouva Evelyn.

Il lui fit un grand sourire. Celui-ci disparut lorsqu'il se tourna vers Daphné.

-Ta compagnie est rare de nos jours. Est-ce que je devrais me sentir honoré aujourd'hui?

Daphné soupira.

-J'ai été occupée.
-Tellement occupée que tu ne peux même plus manger avec nous.
-Arrêtes de t'acharner sur elle et profite de sa présence, contra Evelyn.

La vérité était qu'elle ne voulait pas apprendre la réelle cause de cet éloignement progressif. Daphné la remercia d'un sourire.

-Tu sais que tu peux tout nous dire, Daph', persista Théo.
-Peut-être, mais je n'ai pas envie de mettre de l'huile sur le feu qu'est votre rivalité avec Pansy et Malfoy.

Et Zabini, songea Evelyn. Après tout, il n'était que la source et le cerveau de ses ennuis et trop peu de gens le tenaient aussi pour responsable.

-Maintenant, tais-toi et étudie. À moins que tu ne veuilles rater tes examens.
-Relaxe Daphnéchou, les examens commencent dans une semaine, dit Théo.
-Justement, une semaine et tu n'as toujours pas ouvert un seul livre.

L'obstination à voix basse continua alors qu'Evelyn divagua vers ses pensées. Dans un mois, elle allait revoir sa mère. Dans un mois, l'infirmière ne sera plus là pour l'aider avec ses troubles. Dans un mois, Théo ne sera plus constamment à ses côtés.

Mais, d'un côté plus positif, elle allait revoir ses sœurs et elle pourra tout conter à Fleur. Elle n'avait pas osé écrire ses péripéties sur papier par peur que la lettre soit lue par d'autres. De plus, elle préférait être témoin de la réaction de son interlocutrice.

Et, encore mieux, elle n'aurait ni Pansy, ni Draco dans les pattes durant deux mois.

Elle soupira. Malgré tout, l'été risque d'être très long.

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