21-Retenue

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Son mois de retenues touchait pratiquement à sa fin. Elle avait dû épousseter les trophées déjà impeccables, récurer presque toutes les toilettes et nettoyer le fond des chaudrons. Seulement, elle avait toujours été seule, ce qui rendait la conséquence endurable. Aujourd'hui, comme pour défier cette habitude, elle fut placée avec Malfoy pour nettoyer la dernière farce des jumeaux et de Lee Jordan.

Evelyn n'avait aucune idée quelle avait été leur intention en garnissant de nombreux murs de messages écrits avec du faux sang, mais ils allaient certainement en entendre parler lors de leur rencontre. Au moins, ils avaient eu droit à une retenue, eux aussi, donc Evelyn et Draco n'auront pas à tout nettoyer.

S'emparant d'une éponge, elle l'imbiba d'eau savonneuse et, lorsque le blondinet se pencha pour faire de même, elle l'essora sur ses cheveux platine parfaitement coiffés.

-T'es sérieuse? s'exclama-t-il, furieux.
-Très. C'est tout ce que tu mérites après ton petit plan à la con.
-Tu devrais plutôt être contente. Grâce à moi, Théo ne doute plus de tes bonnes intentions. Ça t'as permis d'en faire un parfait petit chien de poche.

Ce fut au tour d'Evelyn d'être énervée devant un Draco suffisant.

-Ce n'est pas mon chien de poche, c'est mon meilleur ami.
-Vraiment? s'enquit-il, ironique. Tu vois, quand il était mon meilleur ami, je ne me souviens pas qu'il m'ait suivi partout et qu'il accourt vers moi à la minute où je prononce son nom.

Elle voulut réfuter, mais elle réalisa qu'il avait raison, alors elle opta pour un autre argument.

-Ça ne t'aies jamais traversé l'esprit que s'il fait cela c'est peut-être parce que je le fais aussi?

Cette réplique le réduisit au silence. Ils commencèrent le nettoyage du mur. Bien évidemment, il ne tint pas sa langue longtemps.

-Pourquoi est-ce que tu l'embrasses si tu n'es pas en couple avec? Des amis, ça ne s'embrasse pas.

Evelyn leva un sourcil, ennuyée.

-Toutes les fois que je l'ai embrassé, j'étais stone.
-Ce n'est pas une raison. Quand je bois, je n'ai pas envie d'embrasser Pansy.

Evelyn haussa les épaules et Draco plissa les yeux dans sa direction.

-Je ne sais pas à quoi tu joues, mais tu es en train de le détruire.

Evelyn sourcilla.

-Tu ne le vois peut-être pas, mais, moi, je l'ai vue. Et je ne suis pas le seul. L'autre jour, dans la Grande Salle, quand tu le collais, il avait une expression qui brisait le cœur à regarder.

Evelyn frotta avec plus de vigueur. Peut-être que si elle l'ignorait, il se tairait et la douleur que ces mots ont déclenchée se dissiperait. Seul le premier souhait fut réalisé.

Après de longues heures à laver le faux sang des murs du château, ils furent relevés de leur retenue. Alors qu'ils se rendaient vers la salle commune, Evelyn entendit une voix qui la fit s'arrêter brusquement. Léo Dupuit. Draco continua son chemin, alors qu'elle courut se camoufler dans un corridor mal éclairé.

-Je n'arrive pas à croire que tu lui aies rasé la tête!

Les ricanements se rapprochaient. Evelyn se fondit encore plus dans les ténèbres.

-Je peux savoir ce qui s'est passé entre vous deux exactement?

Evelyn reconnut immédiatement la voix agaçante de Pansy.

-Pour faire bref, elle m'a charmée et les rumeurs se sont enflammées, alors elle m'a attaqué avec un foutu serpent.

Ils étaient maintenant devant son corridor. Evelyn se tut de peine et de misère devant ce semblant de vérité.

-C'est tout? s'enquit Pansy, boudeuse.
-Bien sûr que non ma chère, mais il faudra faire preuve de patience. Tout sera révélé en temps et en lieu.

L'excitation dans son ton glaça le sang d'Evelyn. Il avait énoncé cette dernière phrase comme un enfant impatient d'ouvrir ses cadeaux de Noël.

Lorsque leur voix ne devinrent plus qu'un murmure, Evelyn continua son chemin vers la salle commune, l'esprit bouillonnant.

*

Dimanche soir, elle rejoignit les jumeaux Weasley.

-Pourquoi est-ce que vous avez besoin de moi exactement?
-Comme vous êtes ravissante aujourd'hui, my lady! s'exclama Fred, sourire charmeur aux lèvres.

Lorsqu'elle haussa les sourcils, il porta une main sur sa poitrine.

-Suis-je le premier à vous informer de votre beauté à couper le souffle?

Evelyn l'observa avec un profond ennui.

-Pourquoi est-ce que vous avez écrits des messages flippants en faux sang sur les murs de l'école?

Fred balaya l'air de la main.

-Pour faire peur, voyons! Et rappelez à tous la mésaventure d'il y a deux ans, au cas où ils auraient le malheur de l'oublier.

Evelyn ne voulut même pas savoir quelle était cette mésaventure, alors elle répéta:

-Pourquoi est-ce que vous avez besoin de moi?
-La potion contient un ingrédient plutôt rare qui réacquiert tes dons de fourchelangue, répondit George.

Pratiquement aucun sorts n'affectaient les serpents puisqu'ils ricochaient sur leurs écailles. C'était une des raisons qui rendaient le don de fourchelangue si intéressant.

Les jumeaux l'entraînèrent jusqu'à la bordure de la forêt interdite. Arrivée là bas, elle refusa de continuer tant qu'elle n'aura pas un minimum d'explications. Sans compter que Nyx était particulièrement agitée contre sa nuque.

-Pour la potion, on a besoin du venin d'un serpent orange, résuma George. Ne me demandes pas pourquoi orange et pas vert ou n'importe quelle autre couleur, j'en ai pas la moindre idée.
-Savez-vous où en trouver un au moins?

Ils acquiescèrent et lui firent signe de les suivre. Ils s'enfoncèrent plus profondément dans la forêt. Evelyn sortit sa baguette et la serra fermement. Ils s'arrêtèrent devant une sorte de tanière.

-Sors, ordonna Evelyn.

Quelques secondes plus tard, un serpent d'un orange vibrant fendit l'air de ses crochets. Il rata de peu Evelyn.

-Assez. Reste immobile jusqu'à ce que je t'ordonne autrement.

Le serpent siffla, mais fut contraint d'obéir. Les jumeaux lui retirèrent du venin avec un sort. Evelyn ouvrit la bouche, sauf que la créature la devança.

-Ton père et toi êtes pareils.
-Tu connais mon père?
-Toujours à manipuler pour obtenir ce que vous désirez, continua-t-il.
-Tu connais mon père? répéta-t-elle.

L'animal la fixa et son ton devint impatient.

-Tous les serpents le connaissent.

Evelyn attendit la suite, mais rien ne vint. Elle lui ordonna donc de retourner dans sa tanière et d'y rester pendant une dizaine de minutes. Alors que les trois compagnons sortaient de la forêt, Fred commenta:

-Elle semblait intense ta conversation.
-Elle l'était, répondit-elle sèchement.

Et plus un mot ne fut prononcé sur le chemin du retour.

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