Adrielle est escortée par le colonel jusqu'aux salles d'entraînement. Des gémissements d'effort et des ordres lancés ici et là résonnent dans les couloirs qui les séparent. À la convergence de tous ces corridors, trône une large table de laquelle s'élève un hologramme. Sur celui-ci, la liste des salles est indiquée ainsi que les agents qui l'occupent et le type d'entraînement en cours. Un planning est attribué à chaque équipe et l'intelligence artificielle se charge de tout organiser, l'homme n'a plus besoin de s'occuper de rien, l'informatique et la robotique le soulagent des détails du quotidien. Marcéus repère l'une des salles et y conduit Adrielle.
Depuis l'entrée de la salle particulièrement grande, l'orpheline observe la scène. Plusieurs équipes s'entraînent face des hologrammes pour certains ou en corps-à-corps pour d'autres. La sueur marque les tenues d'entraînement, l'odeur de transpiration envahit les lieux et les cris d'effort prouvent à quel point les combattants prennent au sérieux ces séances. Marcéus pénètre dans la salle quant un ordre est lancé par l'intelligence artificielle qui gère cette pièce. Aussitôt, tous interrompent leurs gestes et se placent face à leur supérieur, droits, la main positionnée en salut.
« Repos, soldatoj. Je vous présente Adrielle Jasme. L'Assemblée Intergouvernementale a approuvé son intégration et l'a affectée à notre vaisseau en la plaçant sous mon commandement.
Fidèle à elle-même, la terrienne reste stoïque, son éternel masque bien ancré sur son visage. Elle ne se laisse pas décontenancer pas ces regards qui la détaillent sans discrétion. Certains la jaugent, se demandant certainement comment une répudiée comme elle a pu gagner le droit de les rejoindre. D'autres la fixent avec mépris ou désapprobation. Peu sont ceux qui semblent peu ou pas déranger par sa présence. À vrai dire, ces derniers sont l'équipe d'Alaric et elle seule. Ils lui adressent quelques petits sourires de soutien, mais c'est un regard brun profond qui la percute et s'accroche au sien. Durant une seconde, elle n'entend plus ce qu'il se passe autour d'elle. C'est lorsque Marcéus mentionne son nom qu'Adrielle retrouve ses esprits et quitte décroche ses yeux de ceux d'Alaric.
— Étant donné sa connaissance de la surface terrestre et sa propre expérience du terrain, fraŭlino Jasme aura pour mission de nous aider à améliorer nos entraînements et notre façon d'intervenir. Elle nous aidera également à en apprendre plus sur les groupes terriens, notamment sur les Scars.
À la mention de ce nom, Adrielle se tend imperceptiblement, mais suffisamment pour que Priam le remarque. Il sait qu'un combat intérieur fait rage en elle pour ne rien laisser paraître. Il n'y a pas à dire, cette femme a une parfaite maîtrise d'elle-même.
— Sommes-nous sûrs de pouvoir lui faire confiance ?
Des voix sortent Priam de ses pensées. Adrielle n'est pas étonnée de devoir faire face à ce genre de questionnement. Elle aurait été la première à réagir de cette manière et surtout, elle n'aurait jamais accordé sa confiance même si on lui avait ordonné de le faire.
— C'est vrai ça ! Elle est la répudiée, qui nous dit qu'elle ne va pas chercher à se venger ?
— Et qui nous dit qu'elle n'est pas là pour récupérer le vaisseau pour son peuple ?
Son peuple ? Les gens de l'Eliro estiment-ils que les terriens sont une race à part et qu'ils valent moins qu'eux ?
— Ou pire, est-on sûr qu'elle n'est pas de mèche avec les criminels et qu'elle n'est pas là pour leur envoyer des informations sur nous ?
— Ils ont raison ! Pourquoi l'affecter au vaisseau militaire ? C'est trop risqué !
Quelques voix s'élèvent. Alaric bout littéralement, mais il se doit de garder sa neutralité. Toutefois, il prend l'initiative d'intervenir pour calmer les troupes.
— Ça suffit ! Si l'Assemblée a validé l'intégration d'Adrielle, c'est parce qu'elle a estimé qu'elle le mérite. Vous connaissez l'Assemblée, vous savez qu'elle est particulièrement stricte et difficile à convaincre. Et vous l'avez vu comme moi, elle a des compétences et une adaptation à la surface que nous n'avons pas. Elle ne peut être qu'un très bon atout pour nos équipes.
Un ricanement s'élève au milieu des rangs.
— J'imagine bien quels atouts elle doit avoir pour que tu sois autant convaincu. Ton excursion sur Terre a dû être particulièrement passionnante.
— Tu oublies à qui tu t'adresses Wyatt. De quel droit te permets-tu de nous insulter Adrielle et moi ?
— Ose le nier. Tu la dévores des yeux depuis qu'elle est arrivée. Au test de survie, tu ne la pas lâcher une seconde, je suis même étonné que tu aies pensé à respirer pendant ce temps !
Le ton monte entre les deux hommes. Marcéus leur ordonne de se calmer et un groupe de soldats les sépare. Le colonel jette un coup d'œil à Adrielle qui hausse les épaules, pas vraiment atteinte par les propos sous-entendus ou la réaction virulente d'Alaric. Marcéus se tourne vers le dénommé Wyatt.
— Gordon, présente tes excuses à Adrielle.
Seulement, la terrienne n'en a cure.
— Inutile. On peut bien penser ce qu'on veut de moi. Je sais qui je suis et je n'ai rien à prouver à personne. J'ai pris des engagements envers l'Assemblée et vous, Marcéus. Je les respecterai car je suis une personne de parole. En ce qui concerne les autres, ce ne sont pas deux insultes qui vont m'atteindre.
Elle se tourne et fixe le soldat Gordon.
— Vous ne tiendriez pas une minute face aux Scars.
Il tente un mouvement pour se défaire de ses collègues, mais ceux-ci ne desserrent pas leur prise. La terrienne avance de quelques pas pour se positionner au centre du groupe.
— Vous êtes là, à jouer les gros bras, à vous croire fort parce que vous vous entraîner constamment. Seulement, ce n'est pas ça qui vous sauvera la vie sur Terre. La preuve avec vos amis. Si je n'avais pas été là, ils seraient déjà digérés par les créatures terrestres. Vous pensez qu'en étant à l'abri entre ces murs confortables, chauffés et sécurisés, vous serez invincibles ? Votre prétention vous perdra. Si ce n'est pas la faune et la flore, ce seront les criminels qui s'occuperont de votre cas et, je peux vous l'assurer, il est préférable de mourir que de se laisser prendre par ces monstres.
La voix d'Adrielle tremble sur sa dernière phrase. Preuve de la gravité de ses sous-entendus. Alaric le comprend parfaitement. Il n'a aucune idée de ce qu'a subi Adrielle le jour où ils ont quitté la Terre. Priam n'a rien voulu lui dire. Du moins, du peu qu'il lui a dit il sait que c'est en grande partie faux et qu'il est loin de tout savoir. Wyatt, quant à lui, ne se laisse pas attendrir pour autant.
— Et bien sûr, tu es celle qui nous sauvera tous, hein, la répudiée ?
Le regard de la femme se fait plus froid, plus dur. L'homme qui la défi perçoit qu'elle n'est pas du genre à se laisser impressionner.
— Ce n'est ni mon but, ni ma mission. Je n'estime pas être une sauveuse ou quoi que ce soit dans ce style. La seule chose que je peux dire pour vous rassurer, puisqu'apparemment même en étant de grands gaillards, vous avez encore besoin qu'on vous réconforte... C'est que je suis isolée sur Terre depuis mes huit ans et que je suis totalement seule depuis que mon oncle m'a abandonnée à son tour pour rejoindre l'Eliro. Je n'avais que douze ans. Alors, vous voyez, que je sois affectée sur ce vaisseau ou un autre, cela n'a aucune importance pour moi. Que vous m'acceptiez ou non, cela n'a aucune importance pour moi. Mon unique but est de retrouver mes parents. Le reste, ce ne sont que des étapes sur mon chemin, rien de plus.
Un silence suit cette déclaration et personne n'a le temps de réagir, car Marcéus prend les choses en main.
— Bon, maintenant que tout le monde a dit ce qu'il avait à dire, reprenez l'entraînement. Vous n'êtes pas là pour jouer au roi du bac à sable. »
Personne ne bronche et tout le monde retourne à son occupation initiale. Alaric reste quelques minutes avec son père pour échanger quelques mots non sans lancer quelques coups d'œil à Adrielle. Cette dernière croise son regard à plusieurs reprises et contrairement à ce qu'elle espère, d'autres personnes remarquent leur petit jeu.
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La promesse de l'exode
Science FictionNous sommes au XXIIème siècle. La Terre n'est plus la belle planète bleue que connaissaient les humains. A vouloir être les plus puissants et les meilleurs, les gouvernements et les différentes organisations ont mené la planète à sa perte. Course à...