CHAPITRE 14 -Vaisseau « L'Éliro » -Appart. des Kuraga - 09 S6 Exo14 - 12h UTC

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Comme assez souvent, Alaric et son père partage un repas dans l'appartement de ce dernier. Seulement, le fils a l'intention de profiter de ce moment privilégié pour tenter d'obtenir une faveur. Même si l'homme est le chef de l'Armée Intergalactique Européenne et que cette fonction lui impose une rigueur et des responsabilités importantes, quand il est avec son fils, il redevient le père de famille qui ne souhaite que la réussite et la pérennité de son héritier. Ce n'est pas pour rien qu'il a pris tous les risques douze ans auparavant. Les deux hommes discutent de l'actualité du vaisseau quand vient le sujet de la dernière mission d'Alaric. C'est le moment ou jamais.

« Paĉjo*, je voudrais te parler de quelque chose.

Marcéus se redresse, attentif.

— Je t'écoute, filo*.

Alaric se racle la gorge. Il sait que le sujet peut être sensible car cela pourrait entraîner des conséquences sur la carrière de son père selon la tournure des évènements. Il n'aurait pas une telle confiance en Adrielle, jamais il n'aurait osé aller jusque-là.

— Adrielle passe la validation demain.

Son père suspend son geste et le regarde attentivement.

— La répudiée.

Alaric n'aime pas que l'on emploie ce terme pour la désigner, mais il ne relève pas et ne laisse rien paraître.

— Oui. Tu sais qu'on lui doit beaucoup et...

— Il me semble qu'elle vous doit tout autant. Sans vous, elle serait probablement morte à l'heure qu'il est et surtout, elle n'aurait pas cette seconde chance à bord de l'Éliro. Tu sais que c'est un cas exceptionnel et que le gouvernement ne peut se permettre d'être trop permissif.

— Oui, bien sûr, je comprends tout cela. Seulement...

Marcéus examine son fils. Il pense cerner ce qu'il se passe dans sa tête.

— Seulement, tu l'aimes bien et tu estimes qu'on devrait la laisser nous rejoindre.

L'affirmation de son père ne surprend pas Alaric. Il a toujours su lire en lui.

— Je pense qu'elle mérite cette seconde chance. Elle a fait preuve d'une grande loyauté envers nous et elle a des capacités militaires non négligeables.

Marcéus réfléchi aux propos de son fils. Il repense aux épreuves que l'orpheline a passées ainsi qu'au compte-rendu qu'Alaric lui a fait à son retour de la surface.

— Que veux-tu exactement, Alaric ?

— J'aimerais que tu soutiennes l'intégration d'Adrielle sur l'Éliro et plus particulièrement sur le vaisseau militaire.

La couperet est tombé. Marcéus ne cille pas. Il analyse la situation en silence. C'est vrai qu'Adrielle a de réelles compétences et surtout une connaissance du terrain non négligeables. Néanmoins, le retour de l'enfant prodigue peut lui coûter très cher.

— Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?

— Oui, paĉjo, je le sais bien. Et je ne te le demanderais pas si je n'étais pas convaincu que cela est bénéfique pour nous.

Marcéus fixe son fils. Il ne fait aucun doute qu'il est déterminé à obtenir cette faveur. Le père soupire fortement et se laisse tomber au fond de son siège.

— Tu sais que nous risquons gros si elle ne se montre pas à la hauteur. Nous pourrions être nous-mêmes exilés sur Terre.

Les propos du père agacent Alaric. Sa confiance en Adrielle est trop grande pour qu'il ne s'imagine qu'elle puisse le trahir. Depuis leur retour, il n'a pu l'apercevoir qu'à travers les vitres de la salle d'entrainement. Les différentes situations dans lesquelles elle s'est retrouvée, en particulier les épreuves avec les Scars, lui ont serrer le cœur. Il aurait aimé la rejoindre et la protéger comme elle la fait avec eux à la surface. Il aurait aimé la prendre dans ses bras ne serait-ce qu'une minute pour lui souffler qu'il ne l'oubliait pas et qu'il faisait tout pour accélérer son intégration. Il a bien remarqué ce jour-là qu'elle avait de nouveau dressé ses barrières pour ne rien laisser l'atteindre. Il ne fait aucun doute qu'il sera extrêmement compliqué de regagner sa confiance. Cette pensée lui comprime le cœur. Non, il fera tout pour que cela n'arrive pas.

— Je refuse de prendre un tel risque, Alaric.

— Quoi ?

Hébété, il reste figé face à cette réponse.

— Alaric... Nous avons déjà perdu via patrino. Je refuse de te perdre aussi ou de risquer de condamner nia familio.

Le fils sait qu'il ne peut pas demander un tel sacrifice à son père. Il a déjà payé un lourd tribu douze ans auparavant et même s'il donnait le change la journée auprès de ses collègues, Alaric l'entendait pleurer tous les soirs la perte de sa femme. Il a mis des années à s'en remettre et il n'est même pas sûr que ce soit enfin le cas aujourd'hui.

— Je comprends, paĉjo. Mais... bien que nous n'ayons pas pu sauver panjo, nous pouvons sauver une autre personne aujourd'hui. Une personne qui le mérite.

Marcéus fait claquer sa langue de désapprobation.

— Tu m'en demandes beaucoup trop, Alaric.

— Panjo serait d'accord avec moi. Tu sais qu'elle voudrait qu'on aide Adrielle.

La mention de sa mère fait ressurgir des souvenirs dans l'esprit de Marcéus. Sa mâchoire se contracte pour retenir quelques larmes qui montent.

— Ta mère avait un grand cœur, elle ne méritait pas ce qui lui est arrivée.

— Justement ! Sauver Adrielle honorerais sa mémoire. Tu ne crois pas ?

Un combat intérieur fait rage chez Marcéus. Il ne sait pas quoi faire. Si l'intégration de la répudiée est validée, il faudra bien la garder à l'œil. Il aimerait faire plaisir à son fils, mais les conséquences peuvent être terribles et cela ne s'arrête pas à l'éventuelle trahison de la femme. Mais ça, personne ne doit le savoir et surtout pas Alaric.



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*paĉjo : papa // père = patro en esperanto

*panjo : maman // patrino = mère en esperanto

*fiston en esperanto

La promesse de l'exodeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant