CHAPITRE 2Terre - 26 S5 Exo14 - 7h UTC

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Il fait déjà chaud sur Terre quand Adrielle s'extirpe de son immeuble. Elle a très peu dormi comme toutes les nuits. Toutefois, après plus d'une décennie à s'imposer ce rythme, son corps a fini par l'accepter et à ne plus sentir le manque de sommeil. Ça tombe bien parce que la journée risque d'être plus mouvementée qu'à son habitude, mais ça, la jeune femme ne le sait pas encore. Pour le moment, elle récupère l'un de ces sacs à dos qu'elle garde caché avant de se mettre en route. Adrielle est très prévoyante et a appris à anticiper le moindre danger si bien qu'elle s'est trouvée plusieurs points de chute et a prévu quelques sacs de survie camouflés dans divers endroits stratégiques. Elle se fraye un chemin dans les hautes herbes qui recouvrent désormais l'ancien bitume. Le soleil brille déjà fort alors que la matinée ne fait que commencer. C'est l'une des conséquences de ce monde transformer par les inlassables manœuvres désespérées des humains pour tenter de le préserver. Les étés sont devenus caniculaires. Les hivers rudes rivalisent avec les périodes glacières. Les tornades alternent avec la sècheresse en automne quand les inondations sont le quotidien du printemps.

Son couteau de chasse à la main, Adrielle vérifie les pièges qu'elle a posé. Les animaux restent prudents, aucun ne s'est laissé prendre. Elle va devoir se contenter de puiser dans ses réserves aujourd'hui. Heureusement, l'Homme a fini par changer sa manière de consommer. Bien sûr, il y a toujours eu des abus de la part des lobbying qui tentent de générer un maximum d'argent, mais le manque de ressources a contraint la population à faire évoluer certaines pratiques. A l'instar des orblux, de nouvelles technologies sont apparues et ont permis de remplacer les écrans énergivores. Depuis plusieurs décennies, les humains se sont habitués à ne plus acheter de décoration intérieure à part les meubles de base. Tout n'est qu'hologramme. Couleur des murs, cadres décoratifs, communications... Toutes les ambiances sont modifiables à volonté selon l'humeur de son propriétaire. Enfin, pour ceux qui ont les moyens d'acheter tout un stock de styles et qui portent la puce citoyenne. Tout est gérable depuis ce petit appareil. Agenda, vérification de l'état de santé à un instant T, gestion des comptes bancaires, paiement des achats, liste du patrimoine... tout y passe. Cette partie de la population vit dans les mégalopoles où hyper-technologie et opulence règnent. Ces superstructures surplombent la Terre de plusieurs mètres de haut pour protéger les habitants des dangers de la surface. C'est un système qui permet également de séparer la classe supérieure de celles des criminels, des antisystèmes ou encore des plus pauvres.

Adrielle ne perd pas espoir. Elle resserre sa prise sur son couteau et décide de s'aventurer au pied de la mégalopole. L'endroit est plus dangereux, mais elle connait suffisamment la surface pour oser y aller. Elle emprunte un ancien escalier qui mène à l'incinérateur à ordures situé sous la plateforme, à l'abri des regards. C'est là que tous les déchets de la ville terminent. Depuis l'exode, il n'a jamais resservi. Désormais, il est habité par de nombreux rats et autres nuisibles qui cherchent de quoi se nourrir et les odeurs de décomposition y sont pestilentielles. Adrielle remonte son cache-cou sur son nez pour s'en protéger. Elle sait que c'est le passage le plus prudent car ceux qui osent s'y aventurer sont rares. Néanmoins, elle descend prudemment, attentive aux bruits qui l'entourent. Quelques rongeurs grattent ici et là à la recherche d'une victuaille intéressante. Des félins feulent dans un coin, probablement prêts à se battre pour un morceau de viande. Il ne faut que quelques minutes à la survivante pour traverser cet immondice. Une fois dehors, elle prend une grande goulée d'air, heureuse de s'extirper de cette décharge.

La chaleur est moins étouffante à la surface. Adrielle se dirige à pas feutrés vers un bois situé à l'Est de la mégalopole. Ses sens aux aguets, elle tente de repérer le moindre craquement, le moindre bruit suspect qui trahirait la présence d'une potentielle proie. Camouflée par les premiers arbres du bois, elle le contourne silencieusement. Soudain, un couinement se fait entendre. Adrielle se fige et tente d'apercevoir l'origine du bruit à travers les fourrés. Délicatement, elle bascule son arbalète de son épaule pour se mettre en position, prête à tirer. A quelques mètres d'elle, un jeune cerf broute tranquillement, inconscient du danger qui se trame. Adrielle regarde à travers son arme, elle calme sa respiration pour être la plus précise et se concentre. Alors qu'elle estime que c'est le bon moment, elle presse son doigt sur la détente sauf que... le cerf se redresse subitement. La survivante en fait de même. Elle aussi a entendu des cris. L'animal ne lui laisse pas le temps de réagir et s'enfuit la faisant râler. Elle se redresse et part dans la direction des bruits. Elle veut savoir qui l'a empêché de se nourrir et lui donner la raclée de sa vie.

Remontée comme une pendule, elle avance rageusement jusqu'à un monticule de roches surplombant une grande plaine asséchée. Ce qu'elle voit la laisse sans voix. Un groupe armé semble fuir quelque chose. Elle devine sans peine qu'il s'agit de l'une de ces équipes du vaisseau de l'exode. Cela fait très longtemps qu'elle n'en avait pas vu car ils viennent très rarement sur Terre, mais elle reconnaîtrait leurs tenues et leurs armes sans peine. Tandis que ces exilés courent en criant des ordres et en pointant un potentiel agresseur derrière eux, elle remarque un autre groupe de personnes postés sur un promontoire en contrebas de sa position. Le groupe militaire ne peut pas les voir, mais eux, ont une parfaite vision sur ceux qu'ils viennent de prendre en chasse. Oscario. Cet immonde personnage, Adrielle le connaît bien. Il est le chef de l'un des plus barbare groupe criminels qui font désormais la loi sur Terre. Il dirige le groupe des Scars. Nom choisi par ses soins parce que les cicatrices sont sa marque de fabrique. Il adore torturer ses victimes et leur laisser un petit souvenir. Adrielle en garde d'ailleurs un sur l'intérieur de sa cuisse gauche. Elle hait cet homme plus que n'importe qui d'autre et s'est toujours promis de se venger de lui.

Bien qu'Adrielle ne porte généralement pas de considération aux équipes militaires du vaisseau, la présence d'Oscario lui fait revoir sa position. Elle se demande si elle doit agir, si cela lui apportera quelque chose si ce n'est le risque de se refaire capturer par Oscario. Il a mis sa tête à prix depuis qu'elle l'a humilié devant tout le monde quand elle n'avait que quinze ans. Elle sait de quoi il est capable et elle est convaincue qu'il fera d'elle un exemple en lui faisant subir les pires supplices sur la place publique. Malgré le risque qu'elle court, elle ne peut pas laisser qui que ce soit se faire prendre dans ses filets. Déterminée, elle se redresse et file vers le Sud. Elle coure le plus vite possible car le rugissement qui s'élève dans les airs lui fait comprendre ce qui poursuit les visiteurs. Des ourgres* immenses se précipitent dans leur direction. Il s'agit de l'une des espèces animales que les Scars se sont appropriées pour attaquer leurs ennemies et capturer des esclaves. Ces animaux sont apparus au fil des années avec toutes les mutations que les changements climatiques et les expériences humaines ont provoqué. Descendant des ours bruns du vingt-et-unième siècle, l'animal a peu à peu vu sa génétique se modifier. Sa fourrure est moins dense et de couleur marron clair l'été, mais elle triple de volume et devient noire l'hiver. D'une taille de trois mètre pour deux cents à sept cents kilos, il est passé à quatre mètres pour cinq cents à mille cinq cents kilos et sa mâchoire est bien plus imposante avec une double dentition particulièrement tranchante. Elle fait partie des plus dangereuses pour l'Homme.

Transpirante à cause de cet effort physique et la chaleur du soleil, Adrielle parvient jusqu'à un tas de feuilles et de branches. Elle les jette de tous les côtés pour laisser apparaître un ancien engin militaire qu'elle garde caché ici. Elle a de la chance, personne ne semble l'avoir trouvé pour le moment. Il faut dire qu'elle le déplace régulièrement pour éviter une mauvaise surprise. Prévoyante, comme toujours. Pourtant, cette fois, elle risque de devoir dévoiler son atout à ses ennemis, mais c'est pour la bonne cause. Elle se hisse jusqu'au poste de pilotage protégé par un habitacle d'irismium, un matériau de haute-technologie combinant iridium*, osmium* et autres propriétés particulières le rendant ultra-résistant et extrêmement léger. Adrielle enclenche le contact du char. Pour cela, il lui suffit de pousser un bouton permettant à l'énergie utilisée par la machine de se diffuser dans tout le véhicule. Le tableau de bord s'illumine de vert vif et tout un système informatique ultrasophistiqué apparaît. Le char se soulève de quelques centimètres au-dessus du sol, poussé par cette énergie qui lui permet de se déplacer en lévitation. Adrielle lance le programme des canons pour qu'ils soient prêts à servir lorsqu'elle en aura besoin. Elle empoigne le volant et l'engin s'élance à toute vitesse. Elle sait exactement où retrouver l'équipe militaire.


La promesse de l'exodeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant