Chapitre 12

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Harry était chez lui, à genoux, la tête penchée en avant, plongée dans l'âtre de sa cheminée. Il discutait avec Ron et Hermione, tous deux installés sur leur canapé. Harry avait une vue directe sur le salon de leur petit appartement Londonien, Hermione y avait installé des étagères de livres sur chaque pan de mur disponible et des prototypes de nouveaux jeux farceurs que Ron était en train de tester étaient visibles sur la petite table. Çà et là traînaient des chaussures, des piles de dossiers rapportés du ministère, et quelques pelotes de laine abandonnées. Ses deux amis n'avaient jamais été très ordonnés, et leur maison était une espèce de capharnaüm étonnamment chaleureuse.

Harry aimait lorsque c'était lui qui passait la tête chez eux, il avait l'impression de sortir de son propre appartement et d'être de retour en Angleterre pour quelques instants, comme s'il avait retrouvé une vie normale et qu'il passait la soirée chez ses amis avant de rentrer chez lui. La grande différence étant qu'il ne pouvait qu'observer Ron et Hermione boire leur bièraubeurre pendant que lui se tuait les genoux et le dos, maladroitement penché dans sa cheminée. Mais il aimait ça, chez eux tout respirait la vie, les matins pressés, le quotidien bien rodé, tiens, je t'ai servi ton café, on videra la machine après, aurais-tu vu mes dossiers, j'étais sûre de les avoir posés sur le bord du canapé. Je ne trouve plus mes chaussures, penses-tu rentrer tard ce soir, il faudrait racheter du lait.

Chez Harry aussi c'était mal rangé, mais c'était plus par flemme qu'à cause de la vie qui passait trop vite. Nettoyer, il avait le temps, il pourrait faire le grand ménage du printemps tous les jours, même en hiver, mais son appartement ressemblait davantage à celui d'un célibataire endurci qui ne reçoit personne chez lui et qui se fiche pas mal de savoir si ses caleçons traînent en vrac sur le canapé, qu'à un petit cocon accueillant. Tant qu'il arrivait à mettre la main sur ses vêtements lorsqu'il en avait besoin, où était le problème ?

Il aimerait bien, un jour, avoir une maison pleine de vie lui aussi. Avec supplément bonheur. Peut-être qu'il y aurait droit, un jour.

- Et donc ma tante a demandé à ma mère comment ça se faisait qu'elle n'avait pas reçu d'invitation. Comment lui expliquer sans la vexer qu'on souhaite un petit mariage avec seulement les personnes très proches et que, eh bien, elle n'en fait pas vraiment partie... Ma mère était hyper gênée !

Harry reconnecta avec la réalité. Il avait tendance à facilement se perdre dans ses pensées, et tenir le fil d'une longue conversation lui était devenu difficile. Ron s'était lancé dans un monologue sur les invités de leur mariage et Harry se sentit un peu coupable. Il n'avait toujours pas décidé s'il irait ou pas. Il aurait aimé être là, vraiment. Mais il ne se sentait pas prêt. S'il n'y avait eu que ses deux amis il aurait fait le déplacement avec joie, mais devoir faire semblant devant tant de gens, devant les Weasley qui se jetteraient sur lui pour savoir comment il allait, devant ses anciens camarades qui, sans le faire exprès, lui étaleraient leur bonheur et leur réussite à la tronche. Et toi Harry, que deviens-tu ? Oh moi tu sais, mes plus grandes réussites consistent à survivre aux jours qui passent. Un de plus, tu imagines ? Maintenant j'arrive même à sourire quelque fois. Un vrai sourire, avec les yeux. Même que mon cœur y croit, il bat la chamade et puis se calme. Un travail ? Qu'est-ce que je ferais ? Si je m'ennuie ? Je ne vois pas les journées passer. Certaines fois, je ne sais même plus si c'est le jour ou la nuit. Pourtant je suis sobre, promis ! Mais le jour se lève, il prend de plus en plus de place.

C'est peut-être ça ma plus grande réussite après tout, pensa Harry. Que les ombres s'estompent. Que le soleil brille de plus en plus fort, empiétant sur la nuit. Au soleil, les cauchemars n'existent pas. Au soleil, l'espoir est là. Et toi ? Marié, un enfant, le deuxième est en route, déjà ? C'est bien, je suis content pour toi. La guerre est finie, oui c'est ce qu'on m'a dit. Elle est toujours un peu présente dans mon esprit tu sais ? C'est pour ça, que j'ai l'air d'un raté. Pourtant j'essaie, je m'accroche, même si c'est pas facile. Mais je suis heureux que tout ça n'ait pas été vain. C'est grâce à moi ? Oh non, j'ai juste fait ce que je pouvais. C'est grâce à nous tous. À l'amour, à ce qu'il paraît. J'ai un peu oublié à quoi ça ressemblait, l'amour. Mais je suis heureux que tu ais tout surmonté.

Café Crème (Drarry)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant