Chapitre 7

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      Je me penchai pour tendre le maïs à Elvina quand quelqu'un m'interpella.

      - Lola !

      Je me retournai.

      - Oui Christophe ?

      - Tu as reçu un télégramme de la Forêt. Il faut que tu y ailles et vite si tu veux mon avis.

      - Mais je suis en pleine récolte, protestai-je.

      J'étais en effet en pleine récolte de maïs et, en 47 ans de métier, jamais personne, même la Forêt ne m'avait interrompu. Tenaillée, je poussai finalement un lourd soupir et fini par accepter avant de me relever.

      - Sors le tapis volant Elvina, j'y vais.

      Elle hocha de la tête et revint avec ce que je lui avais demandé.

      Sur le tapis volant, je pris de la hauteur et montais, montais, montais. Ce n'était pas un problème car je respirais parfaitement dans l'eau.

      Une cacahuète volante marine vint à moi. Pour l'entendre, je dû sortir la tête de l'eau.

      - En fait c'est bon, me dit-elle de sa voix fluette. La Forêt n'a pas besoin de toi. Si tu veux lui péter la tronche proprement, je te prête ma batte de base-ball télescopique.

      Ni une ni deux, je pris la batte qu'elle me tendait, puis, de trapèze en trapèze, je pris la direction qu'elle m'avait indiquée de ses petits doigts fluets.

      J'atterris avec souplesse devant un vieil arbre au milieu de la grande forêt. L'arbre avait de gros yeux globuleux et l'air fatigué. Je lui frappais violemment une racine proéminente et, du haut de mes 72 ans, je lui lançais :

      - Pourquoi m'as-tu appelé vieux rabougris ?!

      - Je ne sais plus... répondit-il de sa voix trainante.

      C'est alors qu'un monstrueux monstre monstrueusement monstrueux sorti de la marelle et me goba tout rond.

      - Ah oui. Pour ça... dit le vieux chêne tandis que je sombrai.

***

      Ce n'était qu'un rêve, me dis-je. Un peu loufoque mais j'avais l'habitude... Où étais-je, ça n'avait pas la même odeur que ma chambre ? Garde les yeux fermés ! M'intimais-je intérieurement.

      Soudainement, je me souvins. De tout. Daphnée !!!! et ce crétin de Ben... et Olka et les dragons ! Et le collège en ruine ! J'avais été enlevée !!!!

      J'ouvris alors les oreilles, aux aguets. Deux respirations dont la mienne. J'écoutais un peu plus attentivement la seconde. Elle était lente et profonde ; quelqu'un qui dormait.

      Je sentais que j'avais été soignée et que je portais des vêtements propres.

     J'ouvris doucement mes paupières. J'étais dans une sorte de petite chambre d'hôpital. Il y avait, en plus du lit, une table de nuit avec une vase et des fleurs ainsi qu'une chaise en bois, occupée par le dormeur. C'était Ben.

      Je me levai sans un bruit. Je remarquai alors que je portais une blouse d'hôpital par-dessus les vêtements que j'avais senti sur ma peau. Je la retirai et remarquai que l'on m'avait mis mes vêtements. Un t-shirt en lin blanc et simple ainsi qu'un jean un peu usé mais en bon état tout aussi simple.

      Je haussai les épaules pour moi-même et pris le vase. J'en retirai les fleurs et m'approchai de Ben à pas de loup. D'un geste souple, je lui jetai l'eau froide au visage. Il ouvrit subitement les yeux, réveillé par cette douche froide. Il balbutia :

      - Que, je... Apo... ?

      Je ne lui laissai pas le temps de finir.

      - Salaud !

      Et je lui écrasai mon vase, vide, sur l'arrière du crâne, l'assommant d'un seul coup. Je vérifiai rapidement qu'il respirait toujours et m'enfuis par la porte qui n'était même pas fermée à clef.

      Je sorti de la pièce, toujours avec cette même discrétion tout en essayant de prendre un air naturel et décontracté et atterri sur un balcon faisant office de couloir. Ce balcon donnait une vue improbable sur une forêt derrière laquelle on pouvait apercevoir de nombreuses collines. J'étais à plusieurs étages de haut.

      Je regardais à gauche, personne. Je regardais à droite, pas un chat non plus. Alors, à tout hasard, je me dirigeai vers ma droite. Au bout d'une cinquantaines de mètres à marcher sur ce balcon-couloir, le couloir bifurqua à droite, me faisant entrer dans le bâtiment par une porte ouverte.

      En tournant, je faillis percuter une jeune femme en blouse d'infirmière. Par chance, absorbée dans la lecture d'un papier administratif, elle ne me calcula même pas. Je continuai alors, en commençant à descendre des escaliers en colimaçons larges, l'air tranquille même si je ne pouvais m'empêcher de claironner intérieurement ; « qu'ils sont bêtes, s'ils savaient que je les fuyais ».

      Mais malgré tout, je fus pris d'un doute. N'étais-ce pas un peu trop simple ?

      Ce fut alors qu'après plusieurs escaliers, je vis la sortie. Bien sûre il y avait beaucoup de monde dans ce grand hall d'entrée mais tous ces gens semblaient vaquer à leurs occupations.

      C'est à ce moment-là que je la vis. Olka ! Terrifiée, je pris vivement un dépliant sur ma droite et fis semblant d'être distraite à lire ce papier que... je tenais à l'envers. Je le retournai prestement. Il semblait parler de maladies cardiaques mais moi j'étais plus occuper à surveiller la jeune fille rousse du coin de l'œil.

      Je me dirigeai vers la sortie, m'approchai d'elle et... elle me croisa sans me reconnaitre en marmonnant un vague « Bonjour. » à mon intention. Je ne lui répondis pas et passais mon chemin sans me retourner.

      J'y étais. La porte était juste devant moi. Mais derrière moi j'entendis Olka crier soudainement.

      - Hé ! Mais c'est toi !

      Sans prendre la peine de savoir si c'était bien à moi qu'elle s'adressait -j'avais bien entendue qu'elle avait parlé dans mon exacte direction- je lâchai prestement mon dépliant et pris la poudre d'escampette.

      Je passai la porte à toute vitesse tandis que j'entendais Olka crier derrière moi.

      - Rattrapez-là ! Rattrapez-là !!

      Plusieurs personnes tentèrent de me barrer la route mais je les évitais plutôt aisément ou, parfois, les frappaient avec une violence qui m'étais étrangère.

      Mais je ne quittais pas mon but de vue. Un point à l'horizon, dans la forêt. J'étais pieds nus mais ça ne me dérangeait pas. La terre était meuble et douce.

      Au moment d'entrer dans la forêt, toujours courant à grande vitesse, je vis à la dérobée Olka qui continuait de courir vers moi. Les fougères me fouettèrent les jambes et je du alors redoubler d'attention pour ne pas trébucher sir une racine ou me prendre un arbre comme je sprintais hors des sentiers battus.

      - Arrête-toi ! Hurla Olka.

      Je me retournai sans cesser de courir de toutes mes forces. Elle n'était à présent plus qu'à quelques mètres de moi. Terrifiée j'accélérai et, toujours regardant en arrière, sorti de la forêt.

      - STOP !! Beugla ma poursuivante.

      Et le sol se déroba sous mes pieds.

      Je chutais à une vitesse vertigineuse et grandissante. Je fus si terrifiée que j'en oubliai de crier. Je me tordis le cou pour voir où je tombai.

      Je vis alors la planète Terre. A quelques centaines de kilomètres, mais là. Mais je venais d'en tomber !!! Relevant la tête, je vis que je tombais littéralement d'un nuage.

      Mon cerveau avait dû rater un truc là. D'un nuage ?! Impossible !!

      Horrifiée par cette manière, très glauque, de mourir, je fermai les yeux, abandonnant toutes pensée sauf une. « Daphnée... »


ElzémirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant