Chapitre 22

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      Les grains de sable du sablier tombaient lentement. Le combat s'enchainait avec une rapidité et une rudesse surprenante. Mais j'avais beau revenir toujours et inlassablement sur mon adversaire, celle-ci m'évitait sans mal, me faisant de temps en temps mordre la poussière pour me faire comprendre que mes attaques, c'était du pipi de chat.

      Dans la forêt, seuls les bruits de nos pas, des coups qu'Olka m'assenaient et celui de mon souffle court qui n'aurait pas à rougir face à celui d'un buffle résonnaient. Et dans ma tête, Elzémir s'était tue, me laissant me concentrer sur ma tâche.

      J'étais épuisée. Chacune des fibres de mon corps réclamaient du repos, mon front dégoulinait et je me sentais humiliée par la jeune fille rousse qui n'avait pas laissé tomber la moindre goutte de sueur.

      Je jetai un coup d'œil au sablier et remarquai, affolée, qu'il me restait un peu moins d'une minute. Alors, je me ruais sur Olka... qui m'envoya paître le nez dans les brins d'herbe d'un coup de genou.

      Au sol, je retenais mes larmes. Etais-je vraiment si nulle que ça ? Je tentais le tout pour le tout une seconde fois et me relevai. Olka recula négligemment d'un pas et j'avançai donc à mon tour.

      - Oh ! Olka t'es vraiment pas sympa !! M'exclamai-je soudainement en parcourant la faible distance nous séparant.

      Interdite, elle resta immobile un instant et je voulu la gifler.

      Mais en deux temps, trois mouvements, je me retrouvais au sol, les mains plaquées face contre terre par les siennes qui entouraient mes poignets dans un étau serré, immobilisée par Olka qui pesait sur mon dos.

      Je jurais à voix basse dans la terre meuble. J'y étais presque ! Je l'avais raté de si peu !

      - Le temps est écoulé, déclara finalement mon adversaire, vainqueure.

      Elle se retira sans délicatesse de mon dos et m'aida à me redresser. Elle me tendit une gourde.

      - Bois un coup, tu ressemble à un phacochère asthmatique qui aurait parcouru un marathon à 30 km/h.

      J'acceptai l'eau avec gratitude et levai enfin le regard vers elle avant d'écarquiller les yeux de stupeur.

      Elle avait une trace bleue sur la joue ! Un petit trait bleu léger, marqué par un effleurement de sa peau, mais de la peinture quand même ! Je me laissais tomber par terre en expirant tranquillement.

     - Oui, dit-elle en frottant doucement la marque que j'avais réussie à lui faire. Tu as le droit à une question.

      Tandis qu'un mini-moi dansait une salsa endiablée dans ma tête et qu'Elzémir me congratulais, je réfléchis à la question que je pourrais lui poser. Elle s'attendait certainement à ce que je lui en pose une plutôt simple sur En-Haut à laquelle Edgar ou même Ben pourrait répondre, mais je voulais en apprendre davantage sur elle. Je n'étais pas une fouineuse et encore moins une commère, simplement curieuse.

      Je croisais son regard et demandais alors de ma voix éraillée par l'effort.

      - Que s'est-il passé le jour où tu as éveillé tes pouvoirs ?

      Muette, Olka me dévisagea d'abord avec étonnement puis avec colère avant de lâcher :

      - Joker, ce ne sont pas tes oignons miss je-veux-tout-savoir. Maintenant relève-toi et ferme un peu ton caquet parce que ce que je vais t'apprendre est important pour ta survie la semaine prochaine.

      Consciente d'avoir été bien trop loin avec ma question, j'obéis à l'ordre sec et écoutait avec attention ses indications.

      J'appris donc comment différencier les plantes comestibles des plantes toxiques, à me repérer par rapport à la mousse violette sur les troncs des arbres, à éviter certains animaux, etc.

      Olka m'enseigna aussi quelques sorts que je réussis plus ou moins bien. Mais surtout, elle m'apprit comment on jette un sort. En-Haut, nul besoin de baguette, de potion ou de mystérieux parchemin. Les sorts de bases, qui sont les plus simples, nécessite surtout de la volonté.

      C'est pourquoi, à la fin de la journée, je fus capable, en projetant la magie qu'il y a en moi comme je l'avais précédemment fait sur de la nourriture, et en visualisant très fortement le résultat, à allumer un petit feu, à soulever des cailloux et à attraper des fruits par télékinésie, à faire briller le bout de mon index comme une lampe torche et à dialoguer par télépathie quelques secondes avec Olka.

      A la fin de la journée, j'étais physiquement et mentalement épuisée au point que je pouvais à peine marcher. Aussi, quand mon intransigeante professeure m'annonça que Krysto nous ramènerait et qu'il viendrait directement nous chercher dans la forêt pour me ramener à l'hôpital, je ne pu retenir un soupir de soulagement qui fit lever les yeux au ciel à mon interlocutrice.

      Bercée par le léger mouvement de balancier du dragon rouge et ses douces plumes, je somnolais sur l'épaule d'Olka tandis que les impressionnant paysages d'En-Haut défilait sous l'ombre des larges ailes de Krysto.

      Arrivés à l'hôpital, Olka me demanda ;

      - Tu peux monter quatre paliers toutes seule ou.. ?

      Elle s'arrêta devant mon air hagard, leva de nouveau les yeux au ciel et me pris le bras pour m'aider à monter les marches qui me parurent imposantes. Je me changeais et me brossais les dents comme un zombie et glissai dans mes draps, m'endormant aussitôt et ratant une fois de plus le diner.

      Le lendemain matin, le corps entier pris d'assaut par des courbatures, j'eu beaucoup de mal à descendre les marches. Heureusement, je déjeunais avec Ben qui me lança un sortilège pour apaiser mes muscles endoloris. Ayant retrouvée toute mon énergie -mentale- durant mes quatorze heures de sommeil, je lui racontais avec entrain ma précédente journée tout en dégustant un bon petit-déjeuner, omettant tout de même mon indiscrète question.

      - Tu as réussie à lui mettre du bleu ? Sourit Ben. Ca alors, Olka qui a pitié de quelqu'un.

      - Mais ! Ce n'est pas sympa, protestai-je.

      - Je ne rigole qu'à moitié, répondit-il. Olka est vraiment la personne la plus forte en tout. Du combat aux maths en passant par les langues et la magie, elle est vraiment super douée.

      - Sauf en interactions sociales visiblement... marmonnais-je.

      - Ne la juge pas trop durement s'il te plait, dit-il doucement. Ce n'est pas très facile pour elle...

      - Justement ! C'est quoi son problème ?

      - Si elle ne t'en parle pas c'est qu'elle n'en a pas envie, ne force pas Apolline. Ce n'est même pas ton genre de fouiner la vie des gens comme ça.

      Je restai silencieuse et il me donna ce gentil sourire qu'il m'adressait souvent.

      - Allez, tu vas être en retard en cours. Et moi aussi d'ailleurs. Je prends le train avec toi mais fais gaffe, je descends avant toi.

      Je lui sourie du mieux que je pu et je le suivais pour débarrasser mon plateau en laissant malgré moi mes pensées divaguer, aboutissant encore et toujours à la même image de Daphnée, morte.



ElzémirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant