Chapitre 8

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     A travers mes paupières close, je vis une ombre passer devant le soleil. J'entrouvris les yeux. Et un voile rouge s'abattit sur moi. Non pas un voile rouge. Un dragon. Un dragon à plume même. Je refermai les yeux.

      Je sentis les griffes puissantes de Krysto m'enserrer pour freiner considérablement ma chute jusqu'à l'arrêter. Malgré moi, je ressenti un énorme soulagement. Mais c'était un décourageant retour à la case départ. On allait plus me laissait d'aussi belle opportunités d'évasion et rien ne me disait que Ben et Olka allait me garder en vie même s'ils l'avaient fait jusque-là.

      Cette pensée m'angoissait.

      Je me risquai à ouvrir un œil pour le refermer aussitôt. Même si je n'avais pas le vertige ni même peur du vide, l'écart béant avec le sol qui s'offrait sous moi me terrifiait et m'ébranlais profondément.

     J'inspirai aussi doucement et calmement que possible. Le vide, ma chute et la sensation que le dragon pouvait me lâcher à tout moment me tétanisait, secouait ma fibre nerveuse comme un ouragan secoue un arbre.

     Soudainement, le dragon retira ses griffes qui enserraient mon corps pour me lâcher. Je poussai un couinement et mes yeux s'écarquillèrent de surprise.

      Mais Krysto venait de me déposer au raz du sol, où je finis, me rattrapant comme je le pouvais en amortissant au possible le choc avec une roulade étrange. Je n'aurais pas eu vingt en acrosport avec ça...

      Étalée par terre, je levai la tête. Devant moi, à une vingtaine de mètres, se trouvait la porte de l'hôpital que j'avais pourtant si brillamment passée...

      A ma gauche, se trouvait le dragon aux plumes rouges qui venait de me sauver. Sa cavalière descendit et je vis, assez mal vue ma position, que la jeune fille n'était pas du tout contente. Loin de là.

      Elle avait les cheveux en batailles, ses vêtements étaient griffés, peut-être à cause de la course en forêt, son visage constellé de taches de rousseurs avait viré au pivoine et ses yeux lançaient des éclairs.

      - Mais tu es complètement folle ma parole !!! Brailla-t-elle. Tu aurais pu te tuer.

      Je ne disais rien, me contentant de la fixer sans même savoir quoi penser. Je me sentais hébété.

      - Allez, lève-toi. Sa voix avait toujours son ton autoritaire et énervé mais était néanmoins plus douce.

      Elle me prit les mains et m'aida à me relever tout en délicatesse. Puis elle fit de nouveau jaillir une corde de ses mains pour maintenir mes poignets prisonniers.

      Krysto nous regarda entrer d'un œil que je ne su interpréter... en même temps c'est un dragon. J'étais bien contente qu'il ne puisse pas passer dans l'hôpital à cause de sa gigantesque stature. Même s'il venait de me sauver la vie, je le trouvais toujours aussi terrifiant.

      Olka me ramena à ma chambre. A mon passage, cette fois-ci, quelques personnes se retournèrent, me regardant avec curiosité ou de temps en temps avec un regard noir. Sans doute les victimes de mes coups...

      En passant le seuil de la petite pièce, Ben m'accueillit avec un regard mauvais. Très mauvais. J'y répondit en l'imitant, mettant toute la rancœur et le mépris que m'inspirait sa trahison. Il maintenait avec sa main droite une compresse rougeâtre à l'arrière de son crâne. J'esquissai un sourire penaud mais j'étais plutôt satisfaite. Olka prit une clef et ferma la porte à double tour et récupéra la clef avant de la mettre dans sa poche en m'adressant un regard insistant.

      Elle me fit s'assoir sur la chaise et m'attacha dessus avec une nouvelle corde encore plus épaisse.

      - Ça ne sert à rien de m'attacher, dis-je en levant les yeux vers la jeune fille qui se trouvait derrière moi, le regard innocent.

      - Ha ha c'est ça. Tout comme l'autre crétin qui trouvait complètement inutile de fermer la porte à clef. La preuve, tu es restée sage comme une image. Me répondit-elle, sarcastique.

      Et elle resserra les nœuds qui m'entravaient.

      Ben et Olka s'assirent finalement en face de moi, sur la couchette que j'occupais il n'y a même pas quelques heures. Je me tortillai légèrement, mes liens étant beaucoup trop serrés à mon goût. Les deux jeunes gens en face de moi m'en découragèrent d'un seul regard qui en disait long sur la manière de me faire payer une occasionnelle nouvelle évasion.

      - Bon, commença le garçon. Que veux-tu savoir ?

      Je restai coite un instant. Ils n'allaient pas me torturer, me menacer, me tuer ?

      - Tout, dis-je après ce moment d'hésitation. Et surtout pourquoi vous m'avez enlevé !

      - On ne t'as pas enlevé, me répondit simplement Ben.

      - Tu as raison vous avez juste détruit mon collège, tué ma meilleure amie puis vous m'avez emmené contre mon gré après m'avoir assommée. Et maintenant je suis retenue, toujours contre mon gré, et attachée sur une stupide chaise dans une chambre fermée à double tour dans un hôpital sur UNE ÎLE VOLANTE DONT ON NE PEUT S'ÉCHAPPER SANS MOURIR !!!

      Je venais de hurler ses derniers mots avec toute la rage que je pouvais, c'est-à-dire beaucoup.

      - C'est vrai que dit comme ça... reprit Ben. Bon. Commençons par le commencement. Tu te trouves en ce moment sur l'une des plus grandes îles d'En-Haut. Celle sur laquelle se trouve la cité d'Elzémir. Comme tu las très certainement remarqué, ici on pratique couramment la magie et nos quotidiens ainsi que nos vies sont intimement liés avec ceux des dragons surtout à partir de la cérémonie de l'âme à nos quinze ans -je t'expliquerait ce que c'est plus tard. Olka et moi...

      - Mais ça ne répond pas à ma question !! M'exclamais-je, énervée. Et je n'ai rien à voir avec vous !

      - J'allais y venir, s'agaça mon homologue. Vois-tu, Elzémir était, à l'origine, une femme. Certainement la femme la plus puissante d'En-Haut donc de la Terre entière. Or cette femme a réussi, on ne sait comment à insuffler son propre esprit dans celui d'un humain d'en bas et ce tous les deux-cents ans, suite à son décès.

      - Et alors ? Quel est le rapport avec moi ?

      Mais ma question était vaine. J'avais très bien compris mais l'acceptais pas.

      - Tu as très bien compris, me dit avec toute la douceur et la délicatesse du monde.

      Non. Je ne pouvais pas être possédée par Elzémir. C'était complètement, totalement impossible et inimaginable. Je ne pouvais pas.

      Ben se pencha et pris mes mains attachées dans les siennes, me regarda droit dans les yeux avec une douleur et une empathie sincère.

      - Si. Tu es bien cette élue.

      C'était donc moi. Moi qui avais détruit le collège. Moi qui avais... tué Daphnée ! C'était moi le monstre.


ElzémirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant