Le propriétaire de cette voix grave aux intonations moqueuses était un jeune garçon assez grand à la peau tannée par le soleil d'En-Haut, aux cheveux bruns coupés en brosse. Il avait des yeux verts et un air sur de lui. Il me regardait droit dans les yeux avec un sourire suffisant, presque narquois.
Derrière lui, un imposant dragon aux écailles rouges me toisait d'un air mauvais comme si je n'étais qu'un insecte qui méritait d'être écrasé sans plus faire de manière. Ceci dit vu notre différence de taille il aurait pu. Les tons rouges de ses écailles tiraient sur le rouille presque marron. Il me semblait bien moins beau et bien plus terne que Krysto.
- Mademoiselle ? Reprit le garçon. Excusez-moi, je ne me suis pas présenté, ah la la, je passe pour un rustre auprès d'une aussi jolie demoiselle. Je m'appelle Adam et lui c'est Vlaëdr pour vous servi. Et vous ?
- Je ne suis pas perdue. Répondis-je assez brutalement.
- Donc vous n'avez pas perdue votre langue tant mieux. Mais que fais-tu ici ? Je ne t'avais jamais vue dans le coin sinon je t'aurais remarqué bien avant.
Je restai coite. Mon étrange interlocuteur était soudainement passé du vouvoiement au tutoiement.
- Non. Je viens d'arriver.
- Et où étais-tu avant ? Demanda-t-il. Si je ne suis pas indiscret.
J'hésitais. Devais-je vraiment lui répondre ?
- Tu m'as l'air perdue, tu dois certainement venir d'un petit village pour fêter tes quinze ans. Je comprends, c'est le cas de beaucoup de personnes.
- D'En-Bas. Répondis-je sèchement en regardant si le dragon ne bouchait pas toutes les issues ; je ne me sentais pas très à l'aise.
Il prenait vraiment toute la place ! Déployant légèrement ses ailes comme s'il voulait me bloquer le passage.
Adam s'était tut un instant avant d'éclater de rire.
- Nooooon ! Alors c'est... toi ?
- Oui, je suis moi...
- T'es la fille possédée par Elzémir !
« Et alors ?! S'indigna Elzémir dans ma tête. »
Quant à moi je restais silencieuse.
- Alors là c'est le pompon, continua Adam tandis que Vlaëdr s'agitait. Je sais que le ridicule ne tue pas mais Elzémir, avec tout le respect que je lui porte aurait pu choisir quelqu'un...
Il me balaya d'un regard méprisant et jugeur de la tête aux pieds et des pieds à la tête. Je me senti mise à nue.
-... de mieux.
Je passai une main dans mes cheveux pour vérifier que je n'avais pas d'oreille d'âne. Dans ma tête, la femme millénaire s'énervait ;
« Comment ça quelqu'un de mieux ?! Apolline vaut mille gamins agaçants comme toi ! Alors ferme ta grande bouche et respecte tes ainés, morveux ! »
- Je ne te le permet pas, dis-je en le regardant avec le plus de méchanceté possible.
Je baissai les yeux.
- Et Elzémir non plus.
Il franchit les quelques mètres nous séparant d'une marche assurée.
- Et qu'est-ce qu'elle va faire, me souffla-t-il au visage tandis que je restai immobile, pétrifiée, comme écrasée par sa présence. Il était beaucoup trop près.
La suite des évènements se déroula très vite et de manière assez floue.
Le jeune homme m'assena une gifle magistrale qui me fit chanceler. Au même moment, le trait bleu du sort de lien apparu.
Mais je n'eus pas le temps de voir ce dernier car Adam ne m'en laissa pas le loisir. Il me frappa violemment le ventre avec son genou en me maintenant droite, ses deux mains m'enserrant les épaules dans un douloureux étau. Je me pris ensuite son poing dans le visage.
Mais Elzémir reprit ses esprits avant moi. Elle repoussa le malotru d'un sort puissant qui le souleva de terre et il atterrit sur le sol, sonné.
Il se redressa d'un bond, Vlaëdr l'attrapa doucement par le col, comme une maman chat attrape l'un de ses petits, le mis sur son dos et escalada un des immeubles pour s'envoler.
« Non mais je n'en reviens pas ! Hurla Elzémir. Si je recroise la route de ce fou je le défonce proprement ! »
Je plaquai mes mains sur mes oreilles. Ses hurlements me déchiraient crâne, ne dérangeant personne d'autre que moi.
« Oh. Excuse-moi, reprit-elle à voix basse, son timbre étrange prenant des inflexions douces. C'est la première fois que ça m'arrive je suis aussi choquée que toi. »
J'essuyai mon nez sanguinolent. Mais pourquoi ? Pourquoi s'en prendre à moi ainsi ?
« Par contre cet effort m'a épuisé, m' avoua Elzémir. Je crois que je vais rester inconsciente un moment. »
Et sa présence qui avait toujours été presque palpable, rassurante, depuis cette matinée-là, où je l'avais appelé, s'éteignit doucement. Devant un simple et fin brouillard au fond de ma propre conscience.
J'entendis des bruits de pas de courses. Ben, Oscar, Olka et Krysto déboulèrent dans la rue comme un troupeau de gnous.
- Mais ça ne va pas !? S'égosilla le garçon blond en me voyant. Tu viens de nous faire une sacrée frayeur ! Et, cerise sur le gâteau, on est en retard ! Tu peux être fière de toi ! Et puis écoute quand on te parle et obéis !
Il dut alors s'apercevoir que mon nez pissait le sang et que j'avais une marque de main rouge vif sur la joue.
- Que, qui t'as fait ça ?!
Il se précipita pour m'attraper par les épaules.
- Ma parole tu as un don pour t'attirer des ennuis ! T'as mal ou pas ?
Non. Je n'avais pas mal, je ne sens jamais les douleurs au niveau de mon nez. Il le savait mais me demandait quand même.
Olka fit reculer Ben.
- C'est bon. Laisse ta petite amie tranquille, elle tient encore debout pour une fois.
- Eeeh, mais on n'est pas ensemble, répliqua Ben en levant les deux mains et en rougissant.
- Dans tous les cas, intervins-je, c'est Elzémir qui l'a envoyé paître.
Leurs deux regards convergèrent alors vers moi, au moins je les avais fait taire.
VOUS LISEZ
Elzémir
FantasyApolline est censée être normal dans la mesure de l'humanité car on a tous nos petits trucs qui nous rendent plus ou moins des autres. Elle aime ses amis, sa mère et son collège. Jusqu'à ce qu'elle se plonge dans un monde qui ressemble beaucoup trop...