chapitre 10

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Luke

Dire que Joey m'étonne un peu plus chaque jour est un vrai euphémisme.

Que ce soit seul avec moi à l'appartement, en groupe chez Mike et Riley, ou à la piscine face à un mec qui s'en prend à lui, chacune de ses réactions est différente de ce à quoi je me serais attendu avec la description que sa mère avait faite de lui.

N'empêche ça me fait chier qu'un mec l'ai coupé dans sa prise de photos.
J'espère qu'il était sincère en me disant qu'il avait pu faire ce qu'il voulait avant son arrivée.

Je me demande qui est ce connard qui a osé s'en prendre à lui. Ces deux derniers jours il n'est pas venu s'entraîner.
La rentrée est pour bientôt, et ça m'emmerde de savoir que je vais devoir m'entraîner avec ce mec. Au moins, vu la façon dont il nage, j'aurais vite fait de savoir de qui il s'agit, et lui apprendre les bonnes manières à l'occasion.
Après tout, au vu de mes résultats en compétition la saison dernière, je suis assuré d'être sélectionné pour les courses de cette année, et donc pourrais participer aux sélections des nouveaux.

Notre sport a beau ne pas être un sport d'équipe, les résultats de tous les membres titulaires ont un impact sur le classement de l'université. On nous demande donc de veiller à ce que seuls les meilleurs puissent intégrer le groupe des compétiteurs.

L'autre abruti a donc beau penser que son statut d'athlète le place au dessus du commun des mortels, sa place est encore loin d'être assurée.

Joey, quant à lui, m'est d'une aide précieuse.
Ces deux derniers jours, il m'a accompagné à l'entraînement et a pu me chronométrer sur chaque longueur.
Je me rends compte que le fait de savoir où j'en suis m'aide beaucoup, et me fait progresser significativement.
Dommage que je n'ai pas la possibilité de pouvoir avoir un assistant permanent.
Si son planning le lui permet, j'espère que Joey pourra m'aider de temps en temps après la rentrée.
Enfin si ça ne le penalise pas de perdre du temps avec moi...

Mais pour l'instant, la priorité, c'est la soirée de pendaison de crémaillère.
Et je dois reconnaître que Joey sait ce qu'il fait. Il dirige, j'exécute, et les plateaux se remplissent petit à petit de plein de choses à grignoter pendant la soirée.
Connaissant les habitudes de mes amis, on a fait le plein de bière, de jus de fruits et de coca. Pas besoin d'alcool fort, ce sont tous des sportifs qui font attention à ne pas dépasser leurs limites.
Pour les deux filles, on ne connait pas encore leurs goûts, mais à à peine 18 ans, on va éviter de les mettre à mal dès la première soirée.
Je crois que Rob a fait promettre aux mecs de veiller sur elles.

En tous cas, cette soirée est l'occasion idéale pour parler à Lexy de cette enquête sur les attributions des bourses qui pourrait sauver mon avenir.
Pas que je ne veuille pas rester ici avec Joey, puisqu'au final je m'y trouve très bien, mais si je pouvais verser un vrai loyer en gardant une petite part de la bourse pour mes frais divers, ça améliorerait mon quotidien.

- Tu crois qu'il y en a assez ? me demande Joey en examinant les plateaux qui s'alignent sur le plan de travail .
- Largement. Ça va changer des soirées de fraternité où la nourriture est liquide...
- Y'en a souvent de ces soirées ?
- Tous les weekends. Entre les fraternités et les sororités, les étudiants ont aucun mal à trouver de quoi se mettre la tête à l'envers.
- Oh... Et donc tu y allais à toutes ?
- Oh non ! Je pense que je devais pas aller à plus d'une soirée par mois.
Avec les compétitions, il est rare que je puisse me permettre de sortir plus.
- Mais alors, comment ont-ils pû argumenter sur ton comportement de fêtard pour réduire ta bourse ?
- Parce que tout se fait entre eux. On nous informe uniquement des résultats, il n'y a pas moyen de plaider sa cause.
Et puis comme l'a dit ta mère, c'est certainement une excuse pour ne pas dire que c'était mon comportement en matière de relations qui posait souci.
- Tu as eu tant de relations que ça ?
- Je sais pas exactement, une dizaine peut-être. Je pense que c'est plus le fait que ce soit des relations homosexuelles et non suivies qui leur a défrisé la collerette.
- Hmm sûrement. Au vu de mon expérience inexistante, c'est un chiffre important, mais je pense qu'il y a un paquet de monde qui a eu plus de relations que toi, et ils n'ont pas forcément été impactés comme toi.
- C'est aussi ce qu'on pense. Les gars veulent que Lexy, leur nouvelle coloc qui entre elle aussi en journalisme, mène une enquête. Elle pourra faire un article sans être accusée d'être partiale, puisqu'elle est nouvelle et hétéro.
- Et tu penses qu'elle en sera capable ?
- D'après Rob, l'ancien capitaine de football, elle a déjà publié quelques articles qui ont été relayés dans la presse. Elle vise le journalisme d'investigation pour son cursus.
- Et bien j'espère pour toi qu'elle va trouver de quoi faire réviser ton dossier.
Ce serait bien que tu sois pas obligé de tant te serrer la ceinture.
- Hmm j'espère aussi.
Bon, et toi, comment tu te sens pour ce soir ?
- Pour l'instant ça va. C'est sympa que tu aies demandé à Mike et Riley de venir un quart d'heure avant les autres. Au moins j'aurais moins l'impression de connaître personne.
- C'est le but. Je me suis dit que tu serais sûrement plus à l'aise comme ça.
Même si je suis certain que tu vas bien t'entendre avec les autres aussi. En tous cas les mecs. Pour les filles, je vais les découvrir en même temps que toi.
- J'aimerais être aussi confiant que toi dans la vie. Tu as toujours été comme ça ?
- Depuis qu'on m'a retiré de la garde de mes parents, oui. C'était ça ou l'auto-apitoiement, et j'étais trop content de quitter mon enfer quotidien pour la deuxième solution.
- Ils te maltraitaient ?
- Me negligeaient plutôt. De la nourriture quand ils y pensaient. Des fringues sales pour aller à l'école, ça leur posait aucun problème. Des vaccins ? Pour quoi faire ?
Ce qui a déclenché l'alarme, c'est qu'un jour je me suis pointé à l'école, après les vacances de Noël, avec un short et un t-shirt alors qu'il faisait moins cinq dehors.
C'était les seuls vêtements dans lesquels je rentrais encore.
La directrice a appelé les services sociaux, et ça a déclenché le grand chamboulement de ma vie.
Et le soir même, j'integrais le foyer d'accueil. Je n'ai quasiment plus revu mes parents ensuite. Ils ne prenaient même pas la peine de venir aux rencontres demandées par les éducateurs. On a donc arrêté d'en demander. J'ai poursuivi ma vie sans eux.
- Pourquoi faire des gosses, si c'est pour pas s'en occuper ?
- Oh c'était pas volontaire, mon père disait tout le temps que j'étais un regretable accident de parcours.
Et ma mère, que si elle avait pu, elle aurait avorté, mais c'était trop compliqué à l'époque d'après elle.
- Super comme ambiance alors.
- C'est ça. Mais j'ai eu de la chance de jamais avoir été battu. Certains enfants en foyer avec moi avaient pas eu cette chance...
- Oui, chance est un grand mot, mais vu sous cet angle là...
Bon allez, je vais aller me changer avant l'arrivée de tout le monde. J'ai réussi à me tâcher en préparant les mini burgers.
- Ok fais vite. Ils vont pas tarder.

J'avais raison, cinq minutes plus tard les amoureux passaient le pas de l'appartement. La soirée peut commencer.

À fleur d'eau Où les histoires vivent. Découvrez maintenant