chapitre 14

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Joey

Vivre en coloc à deux, c'est quitte ou double, ça passe ou ça casse.
Franchement, j'ai eu beaucoup de chance, pour nous, ça passe crème.

Calés tous les deux sur le canapé, on enchaîne les épisodes. Un après-midi super productif...
Mais après tout, c'est encore les vacances. Et en plus c'est dimanche. Double raison pour glandouiller

C'est super rare que je m'installe devant un écran de télé. Les écrans d'appareil photo, de PC, de téléphone, ça oui, j'ai quasiment tout le temps les yeux sur l'un ou l'autre... Mais la TV...
Du coup je le reconnais, j'ai de grosses lacunes en matière de culture séries.
Ça fait d'ailleurs partie des raisons qui m'ont souvent fait passer pour un extra-terrestre devant les autres personnes de mon âge.
Admettre qu'on a jamais vu telle ou telle série culte, c'est souvent considéré limite comme blasphématoire.

Du coup, fréquenter un sportif qui a passé plus de temps à s'entraîner qu'à regarder la TV, c'est pratique, puisqu'il est à peu près aussi naze que moi en la matière.

Après faut avouer, que posés tous les deux devant l'écran avec un stock de pop-corn au caramel et d'oursons guimauve au chocolat, on est pas loin du bonheur.
Épaules et cuisses collées, l'un contre l'autre, nous partageons nos douceurs sucrées. Caramel et chocolat, ça va quand même bien ensemble...

À l'heure du dîner, pris dans l'intrigue, aucun de nous deux n'est motivé pour faire quoi que ce soit à manger.
Quelques restes de la soirée d'hier conviennent donc parfaitement à nous caler, et nous évitent de devoir mettre sur pause.

On aura peut-être mis plus de 10 ans avant de se décider à suivre une série que le monde entier a déjà dû voir, mais pour le coup pas moyen de la lâcher avant la fin de la première saison.

- Je dois admettre que j'avais tort... j'avoue.
- À quel sujet ?
- Je trouvais que les gens exageraient quand ils parlaient de cette série. Qu'il était impossible que ce soit si bien qu'ils le disaient...
- Et donc ? Verdict ?
- Bon si je me retenais pas je lancerai un autre épisode, mais je sais que je pourrais pas m'arrêter à un, et je finirai par faire nuit blanche. Et ça c'est pas possible...
- Je suis d'accord. Le mode zombie pour nager demain ce serait pas top.
- Y'a des chances oui.
Dis je peux te poser une question indiscrète ? Enfin si ça te gêne pas...
- Vas-y, rien ne me gène.
- Je... Euh ... Comment tu as su que tu étais gay ? Tu l'as toujours su ?
- Non. Certains le savent depuis tout petit, moi pas. Je ne me posais pas vraiment de questions sur le sujet. La vérité que je connaissais était que les garçons sortaient avec des filles.
J'étais assez mignon, et j'avais remarqué que les filles gloussaient sur mon passage. Je trouvais ça cool, ça remontait mon égo.
Je suis donc sorti avec quelques filles.
Oh rien de très poussé. Juste des smacks et des tenues de main. J'avais juste treize ans.
C'est à cette période que j'ai commencé la natation, et donc partagé les vestiaires.
Je n'étais pas excité par ce que je voyais, mais j'admirais les muscles des autres mecs, prennant ça pour de l'envie de leur ressembler.
Et puis une nuit j'ai fait mon premier rêve érotique. Mais au lieu de rêver de ma petite amie, j'ai rêvé qu'un de mes coéquipiers venait se coller à moi dans les douches, me caresser, et m'embrasser à pleine bouche.
Je me suis réveillé sous le choc et avec la surprise d'une vraie grosse érection.
J'ai essayé de la faire passer en me branlant en pensant à ma petite amie, mais elle a commencé à retomber.
Étonné, j'ai revisualisé mon rêve, et là elle a repris de la vigueur.
J'ai donc eu mon premier orgasme en pensant à un mec.
C'était un signe assez révélateur.
Je me suis dit que je devais être bi...
Puis un jour, au lieu que ce soit une fille, c'est un garçon que j'ai embrassé.
Oh pas un nageur, j'aurais eu trop peur de me prendre un vent et me faire éjecter de l'équipe.
Non ma cible était un garçon un peu timide qui me regardait toujours en douce. Et lorsque je croisais son regard, il piquait un fard et se détournait rapidement.
Un soir après les cours, je l'ai suivi, et abordé lorsqu'on a été suffisamment loin de l'école.
Je lui ai dit qu'il me plaisait et que j'aimerais bien sortir avec lui.
Il a d'abord cru à une mauvaise blague, mais quand il a vu que j'étais seul et sérieux, il a accepté.
Lorsque je l'ai embrassé ça a été le déclic.
La sensation n'avait rien à voir avec celle que je ressentais en embrassant des filles.
Le petit baiser s'est rapidement transformé en grosse pelle. On s'est frottés l'un contre l'autre et j'ai pu sentir contre moi l'érection d'un autre mec. Ça m'a rendu euphorique.
C'était ça que je voulais. Cette excitation. Pas ces attentions mièvres que je partageais lorsque je sortais avec des filles. 
On est sortis ensemble deux mois. À la vue de tous.
Au début on s'est fait insulter, puis rapidement les gens ont pris l'habitude de nous voir ensemble, et ça c'est tassé.
Certainement grâce au fait que j'étais devenu le champion de l'équipe de natation. Découvrir qui j'étais m'avait galvanisé et j'explosais tous mes résultats, et ceux de mes coéquipiers.
Lorsqu'on s'est séparés, d'autres mecs sont venus me brancher.
C'était officiel, j'étais gay et populaire.
- Oh ...
- Qu'est-ce qui te tracasse ?
- Bin, vous êtes tous si bien dans votre peau. Et moi je ne sais même pas qui ou ce que je suis.
- Tu es Joey un garçon adorable, et un photographe très talentueux. Ça te suffit pas ?
- Et je sais pas d'où je viens, ni ce que je suis sexuellement parlant.
- D'où tu viens, il n'y a que ta mère qui peut te renseigner. À toi non plus elle a jamais rien voulu te dire ?
- Je lui ai jamais demandé. Elle voulait le dire à personne.
- Tu es son fils. Pas personne. Si c'est important pour toi de savoir, demande le lui, je suis sûre qu'elle te le dira.
- Et si c'est pas le cas ?
- Et bien elle te dira certainement pourquoi elle ne peut pas te le dire... Ça t'aidera certainement aussi.
- Hmm... Et pour moi ? Comment savoir ce que je suis ?
- Tu fais jamais de rêves érotiques ?
- Je m'en souviens pas si c'est le cas.
Les seuls rêves dont je me souviens sont ceux qui sont trop tordus pour que mon cerveau soit capable de les analyser.
- Genre ?
- Genre rêver que la route et l'immeuble devant chez moi sont devenus une plage et la mer, et que des gars font de la planche à voile, et que je trouve ça tout à fait normal alors qu'on habitait à 800km de la plage la plus proche.
- Ah oui effectivement. Tu as jamais eu de relations avec qui que ce soit ?
- La relation physique la plus proche et longue que j'ai eu en dehors du domaine familial, c'est d'être assis contre toi sur ce canapé pendant des heures.
- Oh... Et qu'est-ce que tu as ressenti à être collé à ce corps de dieu grec ?
- Déjà j'espère pour lui qu'il a pas le physique des statues, sinon j'aurais beaucoup de peine pour les mecs avec qui il est sorti. Ensuite je sais pas trop. Je suis bien là, tout simplement.
- Sache qu'aucun de mes mecs ne s'est jamais plaint de quoi que ce soit concernant mon anatomie. Ensuite si mon contact ne te mets pas mal à l'aise c'est déjà bien.
Tu n'as donc jamais embrassé personne ?
- Non, la présence de mon appareil photo a toujours été un paravent parfait.
- Est-ce que tu m'autoriserais à t'embrasser ? Juste un baiser léger pour que tu voies ce que tu ressens. Sans rien d'autre je te promets.
- Euh...je... enfin je veux pas que tu... Enfin, ça va pas te gêner ?
- Tu sais, c'est pas bien différent du jeu de la bouteille où on embrasse des gens au hasard sans que ça veuille dire quoi que ce soit.
Dis-toi que ta bouteille est tombée sur moi.
- J'ai jamais participé à une soirée avec ce genre de jeu...
- Toute une éducation à refaire... C'est toi qui décide.
Si tu veux essayer, je te prête mes lèvres. En tout bien tout honneur.
- Euh... Ok. Je veux savoir ce que ça fait d'embrasser quelqu'un.
- Je te laisse faire alors. Comme ça tu mets tes propres limites.
- Pfff ça m'aide pas ça...
- Tu veux que ce soit moi qui t'embrasse ?
- Euh...ouais ? Au moins toi tu sais faire...
- Ok alors.

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