Son corps me coupe le souffle, mon ventre se noue et de l'eau s'accumule au coin de mes yeux. Son corps est un coup de poignard dans mon cœur.
Comment en arrivons-nous à pouvoir nous détester autant ? Comment peut-il s'infliger ça ?
Je tends le bras pour effleurer son corps, pour découvrir sa maigreur qui me prend aux tripes. Je l'ai déjà vu torse-nu une fois, mais je n'avais pas pris le temps de regarder toutes les marques qui maculent sa peau. Ça me glace le sang. Je crois même que ça me terrifie. Quand nous sommes capables de nous persécuter ainsi, jusqu'où pouvons-nous aller ?
Léonard attrape ma main alors qu'elle effleure son corps. Je pense qu'il va me jeter en arrière, se reculer, partir en courant au moment où je prends conscience de mon acte. J'ai remarqué qu'il ne supportait pas le contact physique.
Pourtant il me surprend.
Sa main sur mon bras, il approche la mienne de sa côte et la pose dessus. Je ne sens que les os, comme des montagnes trop proches les unes des autres, comme des vagues infinies.
Toujours à genoux, le bras tendu, j'explore son épiderme qui se hérisse à mon toucher. Petit à petit je laisse glisser ma main jusqu'à tenir sa taille si fine, si mince, si maigre. Et malgré tout, je le trouve magnifique.
Je me redresse sans détacher ma main de son corps. A nouveau sur mes jambes, mon visage à hauteur du sien, je souffle dans un énième murmure :
— Tu es beau Léonard. Tu es splendide même. Tu dois juste ouvrir les yeux. Il te suffit de lever le voile qui te montre le monde en noir et blanc. Tu verras, il y a une palette entière à explorer.
Une larme roule le long de sa joue alors qu'il reste immobile comme si rien n'existait. Comme s'il était une statue. Je me remets à bouger ma main posée sur sa taille. J'effleure son torse alors que je la remonte jusqu'à l'endroit où son corps cache son cœur.
— Tu vois Léonard, il bat encore et ton but, c'est de lui permettre de vivre en le laissant ressentir de bonnes émotions. Pas qu'en lui faisant découvrir l'obscurité dans laquelle tu es plongé, je déclare en accrochant mes yeux aux siens. Ton cœur peut te faire renaître, te faire exister à nouveau si tu lui en donnes la possibilité. Tu n'es pas mort Léonard, accepte-le même si c'est douloureux.
Son cœur s'emballe sous ma main et j'esquisse un sourire en le sentant. J'ai raison : il est bel et bien vivant.
— N'oublie jamais que si tu as besoin de quelqu'un tu peux m'appeler. J'ai mis mon numéro sur le carnet. Ne parle pas, appel et je te rejoindrai. Je te le promets.
Même s'il ne le dit pas, j'entends ce qu'il aimerait me dire. Ses yeux me hurlent de le laisser briser quand son cœur me demande de lui permettre de ressentir à nouveau des sentiments plus agréables que la haine et le dégoût.
Je te sauverai Léonard, même si ça me prend des années,je te relèverai.
Après un instant de flottement, je retire ma main de son corps, me baisse, récupère son pyjama et l'aide à l'enfiler sans qu'il ne fasse beaucoup d'efforts. Je l'invite à aller se coucher, il semble à bout de tout. Il se glisse dans les draps, ferme les yeux et se tourne.
Quand je suis sûr que sa respiration est apaisée, je sors de sa chambre non sans lui faire la promesse à haute-voix en sachant qu'il ne m'entendra pas :
— Je t'aiderai à t'en sortir. Tu t'en sortiras et tu vivras.
* * *
Alors que je suis en cours et que j'écoute le professeur me parler de la biodiversité, je repense à Léonard et à ses cicatrices. A mon voisin et à sa peur quand j'ai approché mon bras, puis à sa tranquillité avant sa fatigue. Je ne sais pas pourquoi, mais tout à coup, ça me fait penser à mon père, à qui je n'ai pas parlé depuis un moment par peur de déprimer sévèrement. Peut-être qu'il est temps que je l'appelle et lui raconte ma vie ici. J'ai envie qu'il m'envoie des photos de mon frère, qu'il me donne des nouvelles de Juana qui doit être triste de ne plus faire autant de randonnée mais si heureuse d'avoir donné naissance à son bout de chou. J'espère qu'ils sont heureux.
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L'ombre à la fenêtre
Teen FictionLéonard, ne sort pratiquement jamais de sa chambre qu'il voit comme sa bulle, le seul endroit où il est en sécurité, loin de ses troubles et de la haine. Un jour il découvre qu'un jeune homme s'est installé dans la maison d'en face, bousculant ses h...