Chapitre 22 - Hélios

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En ce samedi matin, je fais les courses. Je décide de prendre des gâteaux aux chocolats qui ne me seront pas destinés mais aussi des petites tartes à la fraises en paquet. Je crois que j'ai une idée pour sortir Léonard de là. Il faudra seulement qu'il me fasse confiance. Ma mère travaille aujourd'hui alors je suis seul dans le magasin et ça ne me dérange pas. Je prends mon temps en passant dans tous les rayons et en sélectionnant les articles méticuleusement, tel des tomates cerises bien que la saison soit passée depuis un moment. Ce n'est pas grave, il faudra faire avec.

En rentrant chez moi, j'appelle mon père. Il faut que je lui parle, que je lui raconte ce qu'il s'est passé dans ma vie dernièrement. J'ai envie qu'il découvre que ma mère est devenue une personne stable, qui a des gestes d'affection envers moi et qui me laisse des post-it sur le frigo pour me souhaiter une bonne journée quand elle part trop tôt le matin. J'ai aussi envie d'avoir des nouvelles de mon petit frère. De ce nourrisson qui partage les mêmes yeux que Juana. Et je veux revoir ma mère de cœur. Ils me manquent tous. Durant les vacances d'hiver j'aurai aimé aller les rejoindre, fêter le changement d'année avec eux mais le billet d'avion coûte trop cher surtout qu'il me faudrait un aller-retour. Alors je me dis que ça ne fait rien, ce sera mon premier noël avec ma mère, j'ai hâte.

— Coucou mon poussin ! me répond mon père à peine ai-je lancé l'appel. Tu vas bien ?

— Salut papa, lui dis-je avec entrain, il semble radieux, heureux. Oui ça va plutôt bien. Carmen s'occupe vraiment bien de moi, elle prend son rôle de mère au sérieux et elle m'appelle même trésor.

— C'est super, s'extasie-t-il. Je suis très content pour toi. Je t'avoue que je n'ai pas trop le temps, je dois retourner travailler, tu voulais me dire quelque chose en particulier ?

Son travail a toujours été très dur au niveau des horaires, j'avais oublié.

— Ils vont bien mamá et Patrocle ?

— Oui super. Elle doit retourner à son boulot la semaine prochaine, elle n'a pas hâte de laisser notre fils à une nourrice, et moi non plus à vrai dire.

— J'ai tellement envie de le voir.

— Nous aussi on veut que tu reviennes et que tu le rencontres. Je te promets que ce sera bientôt, tu le rencontreras avant ses un an, me jure mon père avec culpabilité.

Je sais qu'ils ne peuvent pas faire autrement, que c'est compliqué en ce moment et que le bébé n'était pas prévu. On avait déjà du mal à vivre à trois, alors un nourrisson en plus... Mais ils l'ont gardé pour se prouver leur amour et aussi, parce que Juana refusait d'avorter. Elle a toujours eu le désir d'être mère biologique et pas seulement ma mère de cœur, même si ça l'a toujours comblé. Alors je ne leur en veux pas de m'avoir changé de continent. Au moins j'ai rencontré ma mère.

En prenant mon courage à deux mains, je change complètement de conversation.

— Si je t'appelais c'était pour te parler de Léonard. Tu te souviens, le voisin ? je lui demande sachant pertinemment qu'il n'a pas oublié.

Mon père est ce genre de personne incroyable qui peut te ressortir une histoire que tu lui as raconté qui est totalement vraie, mais que toi, le protagoniste, tu as totalement zappée. Mon cerveau fait le tri et mon papa est le disque dur.

— Oui bien sûr, dis-moi, m'invite-t-il à lui raconter.

— J'ai appris ce qu'il s'était passé.

Juste en y repensant, mon cœur se serre, mon ventre se noue et mes yeux deviennent humides. Ça me déchire de l'intérieur.

— Tu veux me raconter ? me demande-t-il pour s'assurer qu'il s'agisse bien de mon intention.

— Oui. Ça s'est passé il y a cinq ans, il a été violé papa. On lui a volé son corps.

L'ombre à la fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant