Chapitre 20 - carnet

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Léonard a commencé à raconter son histoire, ce n'est que le début mais il montre bien à quel point il est bousillé de l'intérieur. Peut-être qu'il a raison, sa vie ne vaut pas la peine qu'on se batte. Ou bien, au contraire, il faut juste qu'on lui montre que la lumière existe encore, qu'on peut le sauver mais qu'il doit accepter chaque main tendue.

« On m'a dit d'ouvrir la bouche. On m'a dit d'oublier. On m'a dit que j'avais tout inventé. On m'a dit trop de choses. On m'a dit que ce n'était rien. On m'a dit que d'autres, avant moi, avaient survécu. On m'a dit de laisser passer. On m'a dit que le temps guérissait les blessures. Puis je l'ai rencontré.

Il m'a regardé avec peine, puis espoir, comme si c'était possible que quelqu'un en aie encore à mon encontre. Il m'a parlé, il a tenté de m'apaiser. Il est venu me voir alors même que mes yeux étaient morts et divaguaient. Il a attendu que je lui communique mon accord avant de toucher mon corps. Il a eu un regard sur moi, des mots qui ont su m'apaiser. Il m'a tendu ce carnet et m'a dit d'écrire. Il m'a dit que ça pouvait me faire du bien.

J'ai envie de le croire. J'ai envie de penser que tout n'est pas fini. Que ma vie n'est pas qu'un long précipice dans lequel je combre sans pouvoir me rattacher à quoique ce soit.

Alors ici, je vais raconter mon histoire, sans filtre. Je vais exposer mon plus lourd fardeau. Je vais parler de ce jour-là, celui où mon âme s'est brisée et que cet homme à volé l'innocence du petit garçon que j'étais.

J'avais douze ans, pas encore treize. J'étais un gamin comme un autre, je jouais avec des petites voitures, je m'amusais à mario bross sur une WII et j'adorai jouer aux sims sur la DS. Mon enfance était des plus basiques : une mère aimante et seule pour subvenir à mes besoins, un père brillant par son absence à cause de son décès au front et moi, l'enfant adoré. Ma mère m'offrait plus que je n'avais besoin pour compenser l'amour de mon père je crois. Je l'ai toujours aimé. Elle est la femme la plus forte que je connaisse. Et puis un jour, alors que j'étais en camp de vacances, que je profitais des journées ensoleillées et des activités proposées, j'ai rencontré un autre garçon. Enfin je le croyais. En vérité il s'agissait d'un homme de dix ans mon aîné. Mais j'étais un enfant, je croyais qu'il voulait juste s'amuser avec moi, qu'il allait me montrer un nouveau jeu, qu'on s'amusait en groupe. Je pensais sincèrement que c'était aussi un garçon comme un autre. Que s'il était moniteur c'est parce que dans sa tête il aimait s'amuser, rire et jouer. Qu'il appréciait les enfants. Il faut croire que je ne m'étais pas trompé. Je n'avais juste pas la bonne définition de ces termes. J'étais juste un garçon à peine adolescent rencontrant l'intérêt d'un homme. Je n'avais pas assez de cartes en main pour comprendre ce qu'il se passait. Les autres personnes avec qui j'étais non plus, il faut croire. Sinon ils auraient réagit. Enfin je l'espère. J'étais le plus jeune, le plus vulnérable. Moi qui vivais dans un monde de paillettes où ma vie était d'une perfection à toute épreuve. Même l'absence de père ne m'attristait pas.

Ce jour-là, il m'a accompagné un peu plus loin sur le bord de la plage. Il m'a dit qu'il voulait me surveiller alors que j'étais à l'écart des autres pour me rendre aux sanitaires.

Je me souviens de sa main sur mon épaule et de ma sensation d'être protégé. Je me souviens m'être dit qu'il était mon plus vieil ami. Je me souviens aussi que j'avais hâte de dire ça à mes copains, ils seraient sûrement impressionnés.

Alors il m'a accompagné jusqu'aux endroits où elles se trouvaient. Il m'a suivi dans la cabine et m'a regardé uriné comme si c'était normal. Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai compris qu'un truc clochait. Quelque chose n'allait pas. il n'était pas de dos, à attendre. Non. Il me reluquait les parties génitales ainsi que mes fesses d'enfants. Je sentais son regard sur moi et ça me choquait, mais sans plus. Je n'étais pas sûr de ce qu'il se passait. Peut-être était-ce mon esprit qui me jouait des tours ? Peut-être étais-je juste un garçon peureux des rapports humains ? En fait non, c'était la peur qui sommeillait en moi, prêt à bondir, mais ça, je ne le savais pas.

L'ombre à la fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant