Chapitre 24 - Hélios

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Nous restons dans cette position un moment qui me semble durer une éternité et pourtant, je veux qu'il continue de me regarder de cette façon. Ses yeux ne reflètent plus la mort, ni la douleur, mais dans cette boule, ils sont emplis d'une compréhension que je ne saisis pas. Ils brillent d'une lueur nouvelle, comme si la lumière avait enfin retrouvé son âme pour inonder son corps.

— Hélios, dit-il en bougeant à peine les lèvres, comme si j'avais imaginé le son merveilleux que produit ses lèvres.

Mince, il parle. Il sait parler. Des larmes me montent aux yeux et je ne peux empêcher mon âme d'exploser de joie. Il a parlé, il a dit mon prénom. Lui à qui on avait volé la parole, à qui on a volé ses mots. Il a émis un son rien que pour moi. Son second présent de la soirée et je ne m'en lasse pas. Ce son je pourrais l'entendre tous les jours, toutes les heures mêmes. Il a une voix incroyablement douce mais grave à la fois. C'est un son merveilleux.

— Tu parles, ne puis-je m'empêcher de lui faire remarquer en enlaçant mes doigts aux siens. Tu as dit mon prénom, continué-je en laissant une larme rouler sur ma joue.

Il se mord la lèvre, essuie ma larme solitaire et hausse les épaules comme si son contact physique était habituel et que ses mots aussi.

— Tu es une personne magnifique, ne puis-je m'empêcher de lui partager mes pensées.

Et là, il me redonne un sourire, si craquant et mignon. Il ressemble désormais à un jeune homme et plus à un garçon égaré.

Léonard sert ma main dans la sienne en retour et prend un morceau de carotte avant de me le tendre. Je le récupère, il en prend un second et toujours en nous regardant, nous répétons ce geste jusqu'à ce que la boîte ne contienne plus de carotte tout en laissant nos mains jointes.

— Je suis fier de toi Léonard, lui dis-je en caressant le dessus de sa main. Tu peux l'être aussi tu sais.

Je le vois se renfermer sur lui-même. L'instant hors du temps est passé, la joie est partie et ses démons sont revenus le hanter. La tristesse l'envahit à nouveau, ses yeux s'assombrissent et sa main lâche la mienne. Nous sommes de nouveau deux voisins, deux étrangers.

— J'ai envie de t'aider, lui dis-je en refermant la boîte. Tu mérites d'aller mieux.

Il ne m'écoute pas, je ne suis même pas sûr qu'il m'entende, il se met à fouiller un tiroir de son bureau. Léonard en sort le carnet orange que je lui ai offert. Il me le tend, je le récupère en tremblant, je ne suis pas sûr d'avoir le courage de lire son histoire, pourtant il le faut. Je dois le faire.

Il se lève et rejoint son lit avant de s'y mettre en boule toujours le visage tourné vers moi.

Je me pose contre un des pieds de son bureau, ouvre le carnet et me met à lire alors que la fatigue le rattrape.

L'ombre à la fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant