Prologue

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    A travers cette fenêtre, la même qui l'a vu grandir durant son enfance, il regarde celle d'en face. Jamais cette pièce n'avait été habitée, il n'a jamais vu quelqu'un y évoluer en parallèle de lui. Pourtant, cette fois, il aperçoit une silhouette. Elle est là, svelte, masculine et étrangement belle à regarder. Il n'a jamais pris le temps de s'attarder sur un corps avant... ou même maintenant. Mais là, son regard reste accroché à cette ombre qui fait rouler ses muscles sous son tee-shirt. Il la voit fermer les rideaux après avoir enfilé un pull à capuche sur ce qui semble être un jean. Il l'imagine descendre les escaliers de la maison d'en face, il les connaît bien car la femme qui y vit est la meilleure amie de sa mère.

    Tous les dimanches ils déjeunent ensemble, mais jamais il n'a entendu parler d'un jeune homme, d'un fils, d'un neveu ou d'un petit frère tardif. Il a toujours pensé que cette femme était célibataire, batifoleuse et pleine de vie, bien que ce dernier point n'ai sûrement aucun lien avec le fait de vivre seule. Il ne l'aurait jamais imaginé avec une famille. C'est vrai que cela semble étrange formulé de cette façon, mais on s'y fait vite, aux réflexions farfelues du garçon.

    Depuis petit, c'est en regardant à travers la fenêtre qu'il évolue dans ce monde qui est le nôtre. Il n'est presque jamais sorti de sa chambre depuis bientôt cinq ans. Le dehors lui est devenu inconnu et il ne cherche jamais à en connaître davantage sur la vie des gens, même s'ils évoluent sur le même axe. Sa mère le lui reproche parfois, quand il tente de trouver des excuses pour rester cloitrer, ne pas avoir à déjeuner avec une personne autre que lui-même ou qu'il esquive toutes les questions de l'amie de sa maman. Il n'aime pas parler.

    Mais aujourd'hui, quand sa mère l'appelle pour prendre le déjeuner, il ne discute pas. Il se détourne de la fenêtre qu'il continuait de fixer d'un regard vide, il enfile des vêtements qu'il juge plus convenable qu'un simple bas de pyjama, brosse ses cheveux, domine ses peurs et ses angoisses avant d'ouvrir sa porte et de s'engager dans l'escalier qui le mène à la salle à manger. Il y découvre l'amie de sa mère toujours à l'heure. Intérieurement il souffle et extérieurement il se redresse pour paraître plus grand, plus fort. Il a besoin de créer une contenance pour ne pas partir en courant dans sa chambre. Il ne sourit pas mais hoche la tête en signe de bonjour. Comme d'habitude, il ne parle pas. Au moment où il s'avance pour aller s'asseoir à sa place habituelle du dimanche midi, son regard s'attarde derrière la femme.

    Quelque chose se passe dans son corps, quelque chose d'assez fort pour le faire se stopper sur place, et ne pas le laisser reproduire le même geste au millimètre près que durant les précédentes années. Il ne bouge plus et ne demande rien, mais ses yeux, eux, parlent et demande qui peut bien être ce jeune homme au regard rempli de joie, aux cheveux de blés et au teint chaud.

    Son cœur vient de chuter pour l'ombre qu'il a aperçue à la fenêtre.

L'ombre à la fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant