IV.

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 — Tu peux m'en servir un peu plus ? signa Horty.

— Ah ouais, t'as faim ! remarqua Mynthos.

Il récupéra la louche et la plongea à nouveau dans la marmite pour remplir l'assiette de la jeune fille aux mèches rouges. Il agrémenta au passage son tablier d'une nouvelle tâche de gras. Elle rejoignit joyeusement les autres pour compléter l'étrange motif qui commençait à prendre forme sur le torse du cantinier.

— Dormir, ça creuse mine de rien ! plaisanta Baghera. Une bonne assiette pour moi aussi.

— Eh, vous me gardez une place, hein ! lança Mynthos.

— Je sais pas trop... plaisanta Horty.

— Arrête t'es trop méchante, je vais pleurer ! geignit-il.

— Oh bah non, pleure pas. On va te garder une place, t'inquiète pas, bébou.

Mynthos lui adressa un sourire rayonnant et tendit à Baghera une assiette remplie à ras bord, à laquelle Horty jeta un regard. Elle ne fit aucune remarque, ce n'était pas le moment. Elle alla s'installer sur l'une des tables libres de la cantine, ravie d'être arrivée assez tôt pour ne pas avoir à dîner sur les caisses retournées qui servaient de table de fortune aux plus malchanceux.

— Bon appétit !

Baghera prononçait toujours ces mots comme un cri de guerre avant de se jeter sur sa nourriture. Horty savait que la nourriture avait été un moyen privilégié de ses bourreaux pour tenter de la briser psychologiquement. Depuis, la jeune femme avait toujours du mal dans sa relation avec l'alimentation.

Elle attaqua aussi son plat de manière un peu plus raisonnée, leur cuisinier était tellement doué que ne pas faire honneur à ses plats aurait été un véritable gâchis. Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre. Astra s'était couchée et c'était Sélène qui envoyait ses doux rayons sur les constructions en métal qu'elle pouvait apercevoir.

— C'est fou quand même toutes ces machines, remarqua rêveusement Horty.

— Ouais ! On se rend pas trop compte sur les images, ça m'avait fait le même effet, répondit Baghera la bouche pleine.

— Par contre... l'odeur d'huile et la fumée, je suis moins fan...

— On va finir par s'habituer, et puis c'est toujours mieux que l'odeur de pisse à laquelle on a droit la moitié du temps.

— C'est réel.

Lorsqu'ils n'étaient pas sur la route, ils étaient souvent relégués aux emplacements les moins glamours des villes et villages dans lesquels ils se produisaient tant qu'ils étaient au sud. Au nord du pays, les gens étaient pauvres, il faisait froid, mais au moins ils étaient bien reçus... Elle espérait qu'une fois leur affaire faite, ils pourraient remonter.

— Je peux m'asseoir ? signa Onutrem en s'approchant d'elles.

Baghera, qui avait toujours la bouche pleine, fit un vigoureux signe de tête pour montrer son assentiment. L'ingénieur posa son assiette à côté d'elles. Horty ne put s'empêcher de remarquer qu'il arborait un tout nouveau béret. Il était de notoriété publique que son voisin de tablée détestait exposer sa tête nue et lisse aux yeux indiscrets, mais elle se demanda où il avait pu dénicher un tel couvre-chef après leur traversée.

— Qu'est-ce qui t'as fait sortir de ton labo ? demanda Horty.

Onutrem jeta un regard vers ZeratoR qui était en train de remplacer Mynthos au service.

— Après son discours, j'avais un peu envie de voir tout le monde.

— Tu m'étonnes...

— Mais tu dois être au paradis ici, remarqua Baghera.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant