XLVIII

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 Antoine regarda avec dépit son invocation disparaître. Depuis cette nuit dans la prison où il était parvenu à faire des miracles, il avait l'impression de ne plus être capable de rien. Pire, à chaque fois qu'il avait un semblant de réussite, le visage de PV venait le hanter et il perdait toute sa concentration.

Ultia, elle, avait une utilité toute trouvée. Pouvoir communiquer avec les animaux au milieu d'une forêt. Tu parles d'une bénédiction. Que ce soit pour savoir si un danger approchait, s'il y avait des fruits comestibles dans les environs, ou s'il y avait du gibier, elle était sur tous les fronts.

Il leva un regard vers le ciel. La pluie avait cessé, mais elle ne tarderait pas à reprendre. Il ferait mieux de rentrer au camp pour demander à quelqu'un de plus expérimenté un peu d'aide... Alors qu'il tournait les talons, des notes de violon résonnèrent. Il se tendit.

Était-ce un piège ? Tous les instruments avaient été perdus pendant la fuite. À part des chants au coin du feu lors des soirées douces, la musique avait quitté leur vie cette nuit-là.

Il lui suffit de trois accords pour identifier la mélodie et surtout le musicien. Comment Étoiles s'était-il débrouillé pour mettre la main sur un violon ? Il hésita à aller voir.

Sa relation avec le jeune homme avait pris un étrange tournant depuis leur déménagement forcé. Il était certes heureux de le voir ici, avec eux. Enfin libre et aussi en sécurité qu'on puisse l'être quand on était un altérant. D'un autre côté, il sentait bien que les choses n'étaient pas encore tout à fait éclaircies entre eux. Il cherchait la moindre excuse pour fuir sa compagnie et osait à peine poser les yeux sur Ultia, comme s'il voulait oublier son existence.

Cela dit, le comportement d'Antoine n'était pas plus clair. Après tout ce qui s'était passé, il ne pouvait s'empêcher de se demander... était-ce vraiment un hasard si les gardes l'attendaient ce soir-là au point de rendez-vous ? Lorsqu'il l'avait revu pour la première fois, il était bien décidé à le confronter. Il n'en avait pas eu l'occasion et depuis le sujet était passé au second plan. Il s'était persuadé que ça n'avait aucune importance. Que tout ça, c'était derrière lui. Mais s'il devait vivre avec lui à l'avenir, alors il fallait au moins mettre les choses à plat.

Il inspira un grand coup et se dirigea vers la musique d'un pas décidé. C'était le moment ou jamais, il fallait qu'il arrête d'être lâche.

Il déboucha dans la clairière alors que le ciel s'assombrissait encore. Étoiles n'était pas seul. Baghera se tenait à ses côtés et tentait de l'accompagner en chantant, manifestement la tâche n'était pas facile et elle passait plus de temps à rire qu'autre chose. Son hilarité affectait le style de jeu de son duo qui devait se battre pour ne pas enchaîner les fausses notes.

Antoine se figea. Il savait que ces deux-là s'étaient rapprochés. Il se souvenait aussi très bien de Baghera qui lui demandait si elle pouvait coucher avec. Est-ce que c'était finalement ce qui était advenu ? Ils avaient l'air de bien s'entendre. Comme des amis ou comme un couple ?

Il avait envie de saisir cette excuse pour faire demi-tour et éviter une confrontation qui ne ferait plaisir à personne. Le seul problème, c'était qu'il irait juste broyer du noir dans le dortoir en se remémorant qu'il était incapable de faire quoi que ce soit de bien glorieux ces derniers temps. Tant pis, couple ou pas, c'était le moment ou jamais.

Antoine entra dans la clairière et la musique cessa aussitôt. Le silence soudain avait quelque chose de dérangeant.

— Oh, salut, Antoine, le salua Baghera.

Il répondit à son bonjour et à celui plus timide de l'homme qu'il était venu voir.

— Sympa le violon, comment vous avez réussi à mettre la main dessus ?

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant