La Troupe des Damnés

XXIV.

 ZeratoR mit un petit temps à trouver la signature de MV parmi tous les habitants de la troupe. Il était rare qu'il quitte ses quartiers et c'était rarement une bonne nouvelle. Le meneur pressa le pas. Il n'avait pas particulièrement hâte de savoir de quoi il retournait. Depuis la mort de la famille du soigneur, leur relation s'était fortement dégradée. Il faisait de son mieux pour lui rendre visite et le sortir de sa léthargie, mais il ne pouvait pas lui accorder tout son temps. Ce n'était pas le seul membre qu'il devait soutenir.

MV l'attendait devant sa roulotte. Au moins, il n'avait pas de bouteille à la main, même s'il sentait l'alcool à des kilomètres. L'Autre remua dans son esprit. Deux voix tristes s'élevèrent. C'était aussi pour ça qu'il n'aimait pas se retrouver en compagnie du vieux monsieur. Il n'avait pas envie de montrer son état à sa famille.

Le pantalon du soigneur était relevé sur sa jambe métallique.

— Mais tu vas fonctionner espèce de camelote, grogna-t-il en cognant dessus.

— Je suis pas certain que lui crier dessus va résoudre quoi que ce soit...

ZeratoR avait tenté une approche amicale. Ça ne servait à rien de jeter de l'huile sur le feu. MV leva les yeux vers lui.

— Ah, c'est pas trop tôt. Ça fait une heure que j'attends !

— Une heure ? Comme tu y vas !

— En ressenti c'était au moins ça.

— Un problème avec ta jambe ? Tu veux que je jette un coup d'œil ?

— Depuis quand tu t'y connais en mécanique ?

— J'apprends vite... et je vois bien Ponce faire avec sa main. Si j'avais pas eu affaire à un ermite, je t'aurais dit d'aller voir Onu, mais...

— Ouais, ouais, c'est bon tu peux regarder. C'est le genou qui se bloque quand je bouge trop vite.

ZeratoR s'accroupit. Il remarqua aussitôt la couche de rouille qui couvrait le métal. Pas étonnant que la prothèse soit peu coopérative. Il faudrait qu'il en parle à Onutrem. En attendant, il tenta d'identifier le souci.

— Le prince a dit qu'on avait une semaine pour partir sinon... Sinon je sais pas trop quoi, mais globalement la mort ou la torture, j'imagine.

ZeratoR prit un instant pour digérer l'information, toujours concentré sur le métal. Il manipula un boulon. Les voix de l'Autre l'encouragèrent à aller doucement, à ne pas blesser le père de famille.

— Quand je l'ai laissé avec Baghera il avait l'air plutôt de bonne humeur, il s'est passé quelque chose ?

— Je l'ai sauvé, et il a pas apprécié.

— C'est-à-dire ?

MV poussa un grognement alors que ZeratoR resserrait un mécanisme.

— Désolé.

— Il jouait du violon avec Baghera, je suis sorti voir qui jouait, reprit MV en l'ignorant. Il a eu une crise. Je sais pas ce qu'il avait dans le corps, mais ça le tuait. Il a pas apprécié, nous a traités de monstres et est parti comme une princesse. T'as fini de me maltraiter ? Je croyais qu'il fallait pas taper dessus !

ZeratoR sourit en découvrant un morceau de liège qui empêchait un piston de s'activer. Il le retira.

— Ça devrait être bon, annonça-t-il. Essaye.

Il se releva et tendit une main à MV qui hésita un moment avant de la saisir et de faire quelques pas.

— Mouais... c'est pas incroyable, mais c'est mieux.