La Troupe des Damnés

L.

 — Surprise !

Angle sentit les bras d'Horty l'entourer et se retourna pour rendre l'étreinte à sa petite-amie. Le soleil commençait à disparaître à travers les arbres et la troupe profitait des derniers instants de lumière naturelle pour servir le repas et économiser les sources de lumière.

Horty travaillait dans l'atelier qu'elle alimentait en électricité pendant qu'Angle tentait de mieux comprendre comment fonctionnait sa magie blanche. Les premiers jours, elles avaient été trop épuisées par leurs missions pour faire quoi que ce soit en dehors de manger et dormir à la tombée de la nuit.

Angle, qui était habituée aux longues après-midi à lire, à écrire, à prendre part à des bals, à des entraînements au maniement de la rapière ou à des discussions sans fin, avait l'impression que le temps filait à toute vitesse. Elle s'était plus ou moins imaginée qu'une fois qu'elle aurait retrouvé Horty, elles en profiteraient pour passer des heures à discuter, à rattraper tout ce qu'elles avaient manqué. Ça n'avait pas été le cas.

Pourtant, cela ne la dérangeait pas le moins du monde et elle en était la première surprise. Se coucher le soir près d'elle et s'endormir en sentant sa respiration sur sa peau. Savoir qu'elle était là, en sécurité, à ses côtés. Qu'elles allaient pouvoir construire quelque chose ensemble... c'était déjà incroyable.

Bien sûr, tout n'était pas rose. Il lui arrivait parfois de pester devant l'absence de douche digne de ce nom, de vêtements adaptés, ou de confort en règle générale. Ses plaintes faisaient toujours rire Horty qui la taquinait et la faisait taire avec un baiser.

— J'ai failli foutre le feu à notre mini usine, c'était marrant, lança Horty après l'avoir embrassée alors qu'elles se dirigeaient vers la cafétéria.

— Ah bah, super ! Il s'est passé quoi ?

— Onutrem essaye de recréer des batteries pour pas être dépendant de moi, bizarre de vouloir m'éloigner, mais bref. Il m'a demandé de donner le max pour essayer de la recharger et je l'ai cramée, et comme y a du bois partout vu que le seul gars qui construit des choses c'est Ponce... bah voilà.

— Et du coup ?

— Du coup ?

— Comment ça se fait que rien n'a brûlé ?

— Ahhh. Il avait prévu le coup, il a balancé tout ça dans un seau d'eau. C'est Onu, quoi...

Angle ne put s'empêcher de sourire devant la mine quelque peu déçue d'Horty. Un incendie ne lui aurait pas particulièrement déplu apparemment.

Elles rejoignirent la queue qui attendait de se faire servir. Mynthos était seul ce soir. Étoiles avait dû l'abandonner pour l'après-midi. Angle le chercha dans les groupes déjà installés et ne le vit nulle part, il devait traîner dans sa chambre.

— Salut, vous ! Comment ça va ?

Angle salua Baghera avec un sourire. Elle avait déjà rencontré la sœur d'Horty lorsque leur histoire avait commencé. À l'époque, elle ne s'était pas vraiment donné la peine d'apprendre à la connaître. Au fond d'elle, elle avait déjà décidé que c'était une histoire destinée à l'échec. Elle s'en voulait. Parfois elle repensait aux calculs qu'elle faisait, à sa vision si froide de sa relation et des avantages que lui procurait son rang.

Elle était terrifiée à l'idée de faire partie du commun, et pourtant elle y avait créé plus de liens en une semaine qu'en une vie là-haut. Et elle admirait le fait que Baghera ne lui tienne pas rigueur de son comportement plus qu'immonde lors de leurs premières rencontres.

Elles s'installèrent toutes les trois sur les marches de leur dortoir, occupées seulement par Antoine et Ultia.

— On peut taper l'incruste où c'est un date ? demanda Baghera.