XLIV.

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 Antoine serrait la main d'Ultia. Il sentait qu'elle tremblait dans la sienne. Difficile de savoir lequel rassurait l'autre.

Il avait froid et était couvert de sueur. La fumée dans laquelle ils se frayaient un chemin les faisait tous tousser à tour de rôle. Personne ne parlait. Le choc, la fatigue et la lassitude s'étaient emparés d'eux. Ils voulaient simplement que ça s'arrête. Et pourtant ils étaient sur le point de se lancer dans la traversée d'un désert.

La voiture entama sa descente et le nuage toxique se dissipa assez pour qu'ils puissent apercevoir les lumières des autres survivants. Non. Des autres membres de la troupe, se reprit mentalement Antoine. Il était trop tôt pour estimer les pertes. Trop tôt pour commencer le deuil. Un de plus dans tous ceux qui jalonnaient sa vie.

Qu'en était-il de Rayenne ? Jusqu'à présent, seuls les membres de la troupe avaient trouvé une place dans son esprit, mais le jeune homme était là, justement avec Zera, quand ils étaient arrivés ! Florence et Horty n'avaient rien dit à son sujet... Il n'osa pas poser la question, il n'était pas certain de pouvoir entendre la réponse.

Ils se posèrent sur le sable en douceur. À vue d'œil, ils devaient être une grosse quarantaine. C'était pas si mal.

— Il y avait d'autres voitures derrière vous ? demanda Rivenzi lorsqu'ils ouvrirent la porte.

Antoine n'entendit que sa voix, il n'avait fait aucun geste pour sortir. Il n'était pas certain de pouvoir bouger.

— Oui, répondit Ponce. Il manque des gens ?

— PV, Domingo, Nimeah, Jeel, Kenny.

La mention de PV fit frissonner Antoine. Il ferma les yeux. Ultia passa un pouce sur sa main.

— On va les chercher, déclara Ponce.

— Non. On va chercher personne, répondit aussitôt Riv. Il faut qu'on se barre et vite. On est tous épuisés, tu te sens comment ?

— Mort.

— On a deux voitures qui ont mal atterri, tu vas devoir les réparer et ensuite on s'envole vers la forêt.

— On devait pas continuer à pied pour être plus discrets ?

— Changement de plan. Bouge-toi.

Ponce disparut dans la nuit sans plus de protestations et le véhicule reprit de l'altitude. Rivenzi qui donnait des ordres... alors comme ça ZeratoR avait vraiment disparu. Comment est-ce qu'ils allaient faire sans lui ? Et sans tous les autres qui manquaient à l'appel ?

Sans vraiment savoir comment, il se retrouva dehors. Les cris de panique et les flammes avaient disparu. Le vent frais de la nuit faisait frémir les arbres alentour.

— Tous ceux qui doivent se reposer, par ici !

Antoine suivit l'indication, accompagné par Ultia qui semblait dans le même état que lui. Il se demandait s'il devait être en colère. Ou triste. Peut-être les deux ? Il n'était rien. Ce qui était pire. Il se souvenait de ces semaines qu'il avait passées en camp avec la certitude que Rayenne l'avait dénoncé. Il avait été dans un état similaire. Ponce avait dit qu'il se sentait mort ? Antoine le comprenait parfaitement. C'était le mot juste.

On lui tendit une couverture et sans plus réfléchir il s'allongea avec Ultia dans ses bras, à même le sol.

— Ça va aller, chuchota Ultia. On finit toujours par s'en remettre.

— Mais est-ce qu'à un moment on pourrait pas juste finir de s'en remettre pour toujours ?

Ultia ne répondit pas. En même temps, ça aurait sonné faux.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant