XIII.

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— Vous vouliez me voir, mon roi ?

Le prince héritier avait un genou à terre et les yeux baissés en signe de soumission. Il savait que son oncle adorait le voir en position de faiblesse. Enfin, pas que lui. En règle générale, il aimait que les gens fassent honneur à son importante personne. Son neveu n'était qu'un rouage de plus dans cette machine qu'il dirigeait d'une main de fer.

— J'ai failli vous attendre, Rayenne. Est-ce que j'ai l'air d'avoir du temps à perdre ?

— Je suis désolé, mon roi, j'ai fait au plus vite.

— Eh bien, il faudra faire mieux à l'avenir. Je ne compte pas confier les rênes du pays à quelqu'un d'aussi lent.

Rayenne contrôlait chacun de ses muscles pour s'empêcher de réagir. Une fois, il avait été surpris à serrer la mâchoire. Les conséquences de cette rébellion à peine ébauchée le hantaient encore.

Si dans son esprit il maudissait de tous les noms possibles et imaginables l'homme dont il ne pouvait que distinguer les bottes parfaitement cirées, sa posture resta la même. Il avait appris à intérioriser tout ce qu'il subissait. Tous ces sentiments qui hantaient son esprit et qu'il avait appris à gérer d'une main de maître.

— Je suis désolé, mon roi.

Il répétait machinalement les mêmes excuses pour les mêmes erreurs qu'il avait ou non commises. De toute façon, qu'il soit innocent ou coupable, la sentence était rendue par un juge partial et le verdict était le même.

— Bien. Je préfère ça. À l'avenir, évitez de vous trouver des excuses et tâchez de faire mieux.

— Oui, mon roi.

Frédéric Sauveur laissa échapper un soupir fatigué, comme si s'occuper d'un tel individu était une tâche éprouvante.

— Bien, asseyez-vous.

Le roi n'invitait jamais les gens à se relever. Il trônait seul au-dessus de tous. De temps en temps, un sous-fifre avait l'autorisation de poser les yeux sur lui depuis l'inconfort d'une chaise légèrement trop basse. C'était tout.

Le prince héritier s'installa.

— Savez-vous de quoi je souhaitais m'entretenir avec vous ?

— Je crains de ne pas le savoir, mon roi.

— Évidemment. C'était une formule de politesse. J'ai bien conscience que votre esprit ne peut assimiler tout ce que je suis capable de voir. Mon Dieu, qu'est-ce que le pays deviendra quand il tombera entre vos mains ?

— Une meilleure nation.

Le prince héritier n'avait bien sûr pas ouvert la bouche. Il tenait à son rang, à sa vie, et à celle de ses proches. Cela ne l'empêchait pas d'être certain qu'il ferait un meilleur roi que son oncle. Lui n'aurait pas besoin de terroriser son peuple pour se faire respecter. Lui saurait écouter les gens. Il était conscient que les gens du bas avaient besoin d'être guidés, après tout, ils n'étaient pas nés du bon sang. Mais cela n'en faisaient pas des brutes incapables de ressentir la douleur. Il serait un bon roi pour cette masse qui n'avait pas eu d'autre choix que de naître ainsi. Il serait dur, mais juste.

— J'ai encore beaucoup à apprendre, répondit-il finalement.

— C'était une question rhétorique, mais encore une fois, votre esprit a été incapable de le comprendre. Chaque entrevue avec vous m'emplit de plus en plus de doutes quant à votre légitimité à occuper le trône.

Rayenne se tut, sachant très bien que c'était une défense qui ne fonctionnait jamais longtemps avec son bourreau.

— Enfin, vous avez la chance d'être entouré de personnes tout aussi incompétentes que vous, vous savez ce qu'on dit, au pays des aveugles le cyclope est roi.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant