XXXVI.

156 12 12
                                    

 Rayenne s'était figé lorsque ZeratoR lui avait ordonné de ne plus avancer. Il avait pourtant envie de s'approcher de lui. De le réconforter. C'était étrange... il le connaissait à peine. Pourquoi cette soudaine vague d'empathie ?

— Pourquoi ? demanda-t-il. Vous êtes blessé...

L'homme eut un petit rire rauque qui se transforma en toux et des gouttes de sang vinrent s'ajouter à la constellation rouge qui décorait déjà le sol. C'était effectivement une remarque idiote. ZeratoR était bien placé pour savoir qu'il n'était pas dans sa meilleure forme. Rayenne ne savait simplement pas quoi dire d'autre. Son esprit était brouillé.

Il n'avait aucune raison d'être là. Le discours de son oncle lui revint en tête. Cette histoire d'héritier, de stérilité... sa manière de l'enfermer ici. Il se passait manifestement quelque chose d'important et il refusait de le comprendre.

— Le roi veut que je te tue, déclara ZeratoR une fois sa quinte de toux calmée. Ou que je vous tue, puisqu'on est de retour au vouvoiement, votre majesté...

— Le roi ? Pourquoi ? répondit Rayenne ignorant la blague.

Cette fois il n'eut le droit qu'à un sourire crispé par la douleur. Le jeune homme fit instinctivement un pas vers lui.

— Recule !

Le prince sauta presque en arrière en entendant l'ordre. Il y avait autre chose dans cette voix autoritaire. De la peur. Le prisonnier le craignait-il ? Le prince se dit que c'était légitime. Les cicatrices et autres marques de violence témoignaient bien du traitement peu amical qu'il avait subi ici. Et c'était sûrement des gens comme lui qui l'avaient malmené. Il eut un pincement au cœur en réalisant pleinement à quel point il était responsable de cette situation.

— Je vais pas te faire de mal... commença-t-il pour le rassurer.

— Moi, si.

Le ton du prisonnier était factuel, sans appel. Il entrouvrit les yeux qu'il avait gardés fermés depuis l'entrée du prince dans la pièce, ses iris brillaient d'un rouge brûlant. Un démon.

Tous les éléments s'imbriquèrent peu à peu dans l'esprit du prince héritier. Les altérants qui maîtrisaient la magie noire étaient les plus redoutés par le pouvoir. Ils étaient aussi les plus étudiés. Les invocateurs en particulier. Il en connaissait donc un rayon sur le sujet et pouvait identifier sans peine cette étrange attirance qui le poussait à se rapprocher. ZeratoR était donc un manieur d'ombre. Enfin, un manieur peu doué puisqu'un démon s'était manifestement emparé de son corps contre son gré.

Il recula et mit sa main sur la poignée. La porte était verrouillée. Alors c'était vrai. Son oncle voulait le tuer. Il ferait sûrement passer ça pour un accident, il utiliserait sa mort pour lancer une chasse aux altérants sans précédent tout en asseyant sa propre descendance sur le trône.

Parce que c'était bien ça, la confidence qu'il lui avait faite à demi-mot. Sa femme n'était pas exilée contrairement aux rumeurs. Il l'avait simplement envoyé loin de la cour et de ses machinations potentielles pour la protéger et protéger son enfant. Pendant ce temps-là, il avait utilisé Rayenne comme cible de substitution.

Il repensa aux avertissements de Florence, à la tentative de fuite d'Antoine et à l'accueil que Baghera lui avait réservé. Il eut une pensée amère. Dire qu'il avait rejeté tout ça pour le trône. Qu'il s'était refusé d'être heureux, qu'il s'était forcé à tout subir sans broncher pour quelque chose qui lui était de toute manière inaccessible.

Il sentit les larmes lui monter aux yeux et dans un dernier sursaut de fierté les ravala. Il fit un pas en avant. Après tout, à quoi bon attendre. Il était évident que ZeratoR se battait contre son instinct pour ne pas le tuer. Il n'avait pas besoin de lui imposer cette torture mentale en plus de celle physique qu'il devait endurer. Peut-être qu'avec sa force vitale il arriverait à se libérer et à libérer les autres... ou au moins à semer le chaos et à se venger.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant