XXXI.

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 — C'est quand même con que ce soit à moi de vous guider alors qu'à la base je pensais que vous alliez me sauver hein ?

La remarque d'OP Crotte ne fut pas chaudement reçue par le groupe de rescapés qui la suivait. Elle se dit qu'elle aurait peut-être mieux fait de fermer sa gueule. C'était le stress qui avait parlé pour elle. Elle sentait encore l'adrénaline couler dans ses veines.

Elle avait entendu le vrombissement caractéristique des engins de combat, mais n'avait pas voulu croire que c'était pour eux. Et puis... elle n'était pas sûre d'elle. Elle venait à peine d'arriver dans cette nouvelle communauté, ce n'était pas le moment de semer la panique pour rien. Elle était tout de même sortie voir ce qui se passait, par curiosité.

Quand elle s'était rendu compte qu'elle n'avait pas paniqué pour rien, il était trop tard. Elle avait foncé vers la première bouche d'égout qu'elle connaissait. C'était le système par lequel la plupart des altérants se déplaçaient dans la ville. Les égoutiers étaient des altérants condamnés et étaient souvent les seuls envoyés dans ces boyaux puants et mortels où tout ce que la société rejetait finissait... comme eux finalement.

C'était là qu'elle avait erré pendant presque deux ans après avoir été dénoncée par ses parents. C'était aussi là qu'elle avait gagné son surnom d'altérante. Une sombre histoire qu'elle gardait bien précieusement pour elle.

— Ouais, c'est super marrant, répondit Ponce d'un ton glacial.

Baghera lui envoya un coup de coude.

— C'est pas en étant méchant que tu vas arranger les choses, grogna-t-elle.

Ponce haussa les épaules et garda le silence. Il était blême et avançait difficilement, à moitié soutenu par Antoine.

— Désolée, reprit OP. C'est pas ce que je voulais dire... Je sais que c'est pas marrant, c'est juste... le stress...

— T'en fais pas, la rassura Baghera. C'est normal de pas savoir quoi dire. Des fois il y a rien à dire.

Elle lui adressa un sourire qui rasséréna un peu OP.

— C'est encore loin ? s'enquit Antoine.

— Ils changent souvent d'endroit... je sais pas exactement où ils sont...

— Faudrait peut-être faire une pause alors, conclut-il. Je pense que Ponce va pas tenir bien longtemps dans cet état.

— Ah oui, il t'a dit ça tout seul ? intervint Ponce avec une pincée de sel dans la voix.

— Non, mais je sens bien qu'il pèse lourd ce connard. Mais si tu veux que je t'abandonne dans la merde, pas de souci, hein, vas-y !

— Attends, je vais t'aider, intervint Baghera en passant à son tour le bras libre de Ponce autour de son cou.

— Merci, lâcha Ponce. Je vais essayer de me calmer. Mais dans tous les cas on a pas le temps de se reposer, on peut pas risquer de se faire prendre.

OP Crotte voyait bien que le reste du groupe était inquiet, mais personne ne se manifesta. Elle sentit d'autant plus la pression de son rôle. Il fallait absolument qu'elle retrouve le chemin.

— On doit plus être loin de toute façon, mentit-elle.

Elle se dit que c'était encore un choix un peu idiot... Après tout, elle n'en avait aucune idée. Il était tout à fait possible qu'ils en aient encore pour plusieurs heures. À court terme c'était sûrement motivant, mais sur le long terme...

Elle marcha d'un pas décidé.

— Elle a pas l'air de savoir où elle va, chuchota MV un peu trop fort dans son dos.

— Rohh faites-lui un peu confiance, répondit Baghera.

— C'est pas comme si on avait d'autres options de toute façon, remarqua Antoine.

Et il avait raison. OP était leur seul espoir... et c'était vraiment pas un espoir incroyable. Non. Il fallait qu'elle arrête de douter d'elle, sinon elle risquait de vraiment tous les condamner. Elle savait ce qu'elle faisait. Mieux qu'eux en tout cas. Ce n'était pas le moment de se laisser abattre.

Au même moment, elle remarqua une marque sur le sol. Une tâche comme des centaines d'autres sur le ciment humide et glissant. Pourtant, elle l'identifia immédiatement. De la cire. Donc une bougie, donc quelqu'un qui était passé par là pas longtemps avant eux.

Elle suivit les traces qui s'arrêtaient face à un mur. OP sourit. De tous les altérants qu'elle aurait pu croiser, elle était tombée sur la meilleure. Elle cogna contre la brique.

— Ava, c'est moi !

Elle sentit des regards dans son dos et se retourna.

— C'est ici, annonça-t-elle fièrement.

Les rescapés échangèrent un regard.

— Peut-être qu'elle s'est cogné la tête en tombant ici, proposa MV.

— MV ! souffla Baghera. Après... c'est vrai... que là... c'est un mur quoi.

— On va tous mourir et je vais même pas pouvoir dire adieu à Ultia, gémit Antoine.

Le mur se mit alors à vibrer. OP fit un mouvement vers l'arche qui venait de s'ouvrir avec un sourire fier.

— Qu'est-ce que je vous disais !

Ava semblait beaucoup moins ravie qu'elle.

— C'est qui tous ces gens ?

— Eh bah quel accueil...

C'était Ponce qui avait chuchoté ces derniers moments avant de perdre finalement connaissance. Baghera et Antoine poussèrent un grognement d'effort en supportant son poids.

— On a vraiment besoin d'aide, supplia OP.

Ava jeta un regard au groupe et au visage larmoyant de son amie.

— Entrez vite.

La Troupe des DamnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant