CHAPITRE 8: Chez les Montoya

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Soudainement invité à dîner chez les Montoya par Enrique, Emilio Castillo s'y rendit avec beaucoup d'appréhension, tout en gardant à l'esprit l'opportunité qui s'offrait à lui, car il souhaitait se rapprocher de Natalia.
_ Tu ne crains pas qu'ils essaient de t'impliquer dans leurs affaires ? demanda Maximiliano à l'autre bout du fil.
_ Tu n'as pas à t'inquiéter... Je ne pense pas qu'ils prendront le risque de me révéler leur trafic sachant que je suis une personne honnête... Ils sont très méfiants, je le vois dans leurs regards.
_ J'espère juste que tu sais ce que tu fais.
_ Max... C'est elle et je veux qu'elle m'explique pourquoi.
_ Je comprends ton envie de lui parler, mais tu m'as toi-même dit que le père de cette avocate a insisté pour que tu restes à l'écart d'eux. Tu ne penses pas qu'il y a une raison derrière ça?
_ Si, mais je ne vais pas y prêter attention.
_ Je m'en doutais... Mais sois prudent.

Ce fameux soir, Emilio pénétra dans l'immense cour et déjà, l'ambiance semblait complètement différente. C'était une demeure impressionnante avec un espace vert orné de fleurs colorées. Un parterre de gravats longeait l'allée jusqu'aux escaliers, où se tenaient Enrique et son beau-frère Arcelio Arteaga.
_ Heureux de vous accueillir, monsieur Castillo, commença Enrique tout sourire.
_ La joie est partagée, sourit Émilio en serrant la poignée de main qu'il lui tendait.
_ Ravi de vous revoir, enchaîna Arcelio en lui saisissant courtoisement la main, dans une salutation des plus formelles.

Ils entrèrent dans le salon où ils retrouvèrent Diego et sa copine, qui se présenta comme étant Jimena Delgado, directrice adjointe d'une banque privée à Medellín. C'était une grande blonde aux racines brunes, avec un sourire éclatant et un regard aussi perçant qu'un chat.
Dès que Natalia passa la porte, l'attention de Castillo fut captivée par la démarche calme de la jeune femme qui lui rappelait tellement la nouvelle personne qu'était devenue Maddie après son séjour en Amérique. Arcelio esquissa un sourire fier avant d'embrasser affectueusement le front de sa femme.
­_ Tu nous rejoins enfin.
_ J'étais au téléphone avec notre mère... Je réglais des affaires importantes... Et elle m'a demandé de vous dire qu'elle s'excuse de son absence à ce dîner... Elle aurait aimé être présente avec nous, mais un imprévu la retient en Amérique, expliqua Natalia.
_ Elle est excusée, je comprends... Une femme aussi importante est souvent occupée, rétorqua Castillo.

_C'est tout à fait ça, on ne la voit pas souvent ! Commenta Enrique en indiquant du doigt le fauteuil où ils s'installèrent.
_ Ma femme m'a dit que vous vous intéressiez à son agence de mannequinat... Je ne vous voyais pas du tout comme ça, dit Arcelio pour engager la conversation.
_ C'est vrai... Je n'avais jamais envisagé d'investir dans une agence de mannequins avant d'arriver ici.
_ Ah oui? Et qu'est-ce qui vous a motivé? s'enquit curieusement Jimena.
_ Eh bien, je voulais relever un défi et prouver à mon frère que je pouvais être autre chose que ce que notre père a toujours voulu que je sois toute ma vie... C'était donc un moyen pour moi de m'affranchir de l'emprise de mon père.
_ Vous êtes toujours le directeur du port de commerce privé mexicain et de l'hôtel en Amérique, je me trompe? ajouta Jimena.
_ C'est vrai, mais je me tourne vers d'autres secteurs et il est vrai qu'une agence n'a absolument rien à voir avec mon métier de base, mais c'est déjà un changement gratifiant, expliqua l'homme avec un calme qui impressionnait tout le monde.
Il possédait ce don naturel d'avoir l'air imposant et charismatique sans vraiment le vouloir, un talent qu'il tenait de son père.
_ Alors, ton frère s'entend bien avec Natalia ? demanda Enrique en se tournant vers sa sœur, qui esquissa un grand sourire.
_ Il m'a dit qu'il s'entendait bien avec elle, en effet. Il dit qu'elle est charmante, répondit Emilio en fixant la jeune fille tout en évitant d'en faire trop.
_ Il a réussi à signer deux mannequins avec de bonnes marques réputées... C'est très impressionnant de voir à quel point il s'investit.
_ C'est vrai... Mon frère se donne à fond quand quelque chose lui plaît.
_ Finalement, ce choix a permis à ton frère de trouver sa voie, sourit Enrique.
_ C'est un bon point en effet, rétorqua Castillo en souriant.

La conversation s'engagea rapidement sur le sujet de l'importation des marchandises avant que tous ne se mettent à table. Le dîner fut animé car, dans cette famille, chacun avait sa propre vision des choses. Diego avait une vision archaïque du monde, à l'opposé de son frère aîné qui avait des réflexions surprenantes et atypiques, dignes d'un innovateur. Arcelio et sa femme pensaient de la même manière et avaient une complicité quasi parfaite, ce qui n'était pas le cas de Jimena dont les idées divergeaient généralement de celles de son mari, allant très souvent à l'encontre de celles de Castillo.

Tout au long du dîner, Emilio avait cherché le regard de Natalia, mais celle-ci n'avait d'yeux que pour son mari. Il avait également remarqué le côté jovial dont lui avait parlé Camilo, comprenant qu'elle était une fille ouverte avec ses proches, qui l'adoraient énormément.
Ils racontaient tous des anecdotes sur leur passé, semant le doute dans l'esprit de Castillo qui était pourtant certain du mensonge de la jeune fille concernant sa véritable identité. L'idée lui était venue qu'elle aurait pu apprendre les choses par cœur, mais le naturel des conversations commençait à lui faire douter de ses certitudes.
À la fin du dîner, pendant que certains s'étaient rassemblés pour boire de l'alcool fort, Emilio et Enrique avaient finalement décidé de sortir fumer une cigarette, suivis peu de temps après par Arcelio.
_ Vous comptez rester longtemps au Mexique? lui demanda Enrique.
_ Après cette charmante soirée, je pense qu'on peut se passer de formalités, renchérit Castillo en calant le mégot entre ses dents prêt à fumer, bien qu'il sache que c'était strictement interdit par son médecin.
_ Tu as raison ! s'exclama Arcelio en expirant une bouffée de fumée veloutée.
_N'oublions pas que tu as su charmer notre famille, même Diego était intéressé par ce que tu racontais alors qu'il n'est généralement intéressé que par ce qui sort de la bouche de notre mère.
Ils rirent.
_Vous formez une belle et grande famille, commenta Castillo avec un petit sourire empreint de nostalgie. Avant que les nombreux drames ne frappent sa famille, Emilio avait un quotidien qu'il aurait pu qualifier de parfait.
Bien que son père fût de nature rigide et froid, il était très attaché aux coutumes familiales, donc avec sa femme, ils se réunissaient très souvent pour partager de merveilleux moments, que l'adulte qu'il était devenu gardait encore dans son esprit.
Revenant soudainement dans le présent, Emilio se rendit compte qu'un petit silence s'était installé après sa phrase.
_ Vous comptez fumer encore longtemps? s'enquit Natalia depuis le seuil.
Son ton sévère fit sourire son mari, qui écrasa son mégot dans un cendrier accroché au mur.
_ Tu as raison, la soirée n'est pas encore terminée, vous devriez venir, dit-il en s'adressant à Castillo et Enrique qui acquiescèrent sans bouger.

Elle jeta un dernier regard sur eux avant de prendre le bras de son mari et de partir.
_ Avant son accident, ma sœur vivait sans trop se soucier de l'avenir... elle était enthousiaste et négligente... Mais maintenant, elle n'est plus la même...
_ Ah oui ?
_ Oui... murmura Enrique d'un ton soudainement grave et sombre.
_ Comment a-t-elle surmonté cet accident ?
_ Avec l'aide des meilleurs spécialistes... Mais rien n'est plus pareil désormais... Elle a réalisé que la vie ne tenait qu'à un fil et qu'elle attendait un bébé. Depuis cet événement, ils ont donc pris un nouveau départ avec Arcelio et ils forment une famille plus solide.
Castillo ne pouvait s'empêcher de regarder le couple à travers la vitre; ils semblaient vraiment très complices, se demandant si Maddie l'avait réellement oublié... Ou peut-être se faisait-il des idées.
_ Soit ! s'exclama Enrique en écrasant sa cigarette. Je pense que tout le monde nous attend.
Emilio l'imita et ils regagnèrent la salle où les autres discutaient, un verre d'alcool à la main.
A la fin de la soirée, Emilio repartit avec des doutes qu'il comptait bien faire taire une bonne fois pour toutes. Il aurait aussi aimé voir leur enfant, convaincu qu'avec quelques cheveux de ce dernier, il parviendrait à obtenir des réponses. Mais il était allé dormir chez un ami.

Sur le chemin du retour, alors qu'il réfléchissait à la prochaine action qu'il voulait entreprendre, il reçut l'appel d'un numéro masqué plus qu'étrange car son interlocuteur ne disait rien.
_ Allô, répéta Émilio jusqu'à soupirer d'agacement mais au moment où il s'apprêtait à raccrocher, une voix se fit enfin entendre.
_ Émilio... Susurra-t-elle.
_ Maddie?! C'est toi?! Maddie.
_ Te quiero, mi amour, te...

Bip~ Fit le portable, laissant l'homme sans voix.

EL CONTRATO PARTIE 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant