Chapitre 15

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Catherine's POV

Moi 
Coucou... J'espère que tu vas bien. Je voulais m'excuser de t'avoir laissé sans nouvelles.
Bonne soirée à toi.
Catherine

J'ai regretté ce petit clic sur le bouton "envoyer" à la seconde où je l'ai fait. Mes mots sont froids, sans couleurs, sans gaité, sans... réponse finalement. La sorcière. Je mérite ce surnom, je suppose.

Ignorant par la suite mon téléphone, je prends ma nuisette en soie bleu, l'enfile par le haut du corps et rejoins mon lit qui m'attend, sans même passer par la cuisine où mon repas m'attend. 
D'ailleurs, Luc m'attend lui aussi, dans le lit, avec son livre dans les mains, et une paire de lunette délicatement posée sur l'arrête de son nez. Ses yeux s'assombrissent dès qu'il me voie. Je sens dans ses pupilles dilatées tout le désir qu'il a pour moi en cet instant. Le sexe avec Luc a toujours été comme notre relation : stable, sécurisant, routinier. Quand j'entendais mes amies discuter de leurs ébats avec leurs compagnons, je me demandais si l'on vivait la même chose. Les étincelles, le piment, la sensation de s'envoler, ou mieux, de tomber du vingtième étage. Tout cela me semble inconnu, invraisemblable. Quinze ans de relations sexuelles avec mon mari, aucune étincelle. C'est un devoir conjugal, voilà tout. Je me demande si Luc ressent toutes ces choses dont tout le monde parle ? Vu le noir de ses yeux, cela ne m'étonnerait pas. 

J'ignore ses petits yeux, et soulève la couette pour me glisser délicatement dans le lit, hâte de pouvoir m'endormir et oublier cette journée. Ma tête lourde se pose sur mon oreiller, et je sens sur ma hanche la main de Luc. Je sais qu'il sait que je ne dors pas, mais ce qu'il ne sait pas c'est que j'ai absolument pas envie de coucher avec lui ce soir. Pourtant, il y a encore une trentaine de minute, l'envie pour moi de me faire plaisir était à son maximum. Mais, ce n'était pas sa main que je souhaitais voir se balader sur mon corps, c'était celle de Jade. L'idée même d'entendre son prénom dans ma tête fait tourbillonner une dizaine de papillons au creux de mon estomac.

- Luc, pas ce soir. 

Luc ne m'écoute pas et commence à déposer des petits baisers dans mon cou. C'est la première fois en quinze ans qu'au lieu de ressentir un sentiment positif, je ressens plutôt du dégoût. 

- Luc, je t'en prie. J'ai dit non. J'ai mal au crâne, je pense que tu peux comprendre, lui dis-je sèchement.

- Qu'est-ce qui t'arrives en ce moment ? Vraiment, je ne te reconnais plus, rétorque Luc en s'éloignant de moi. 

Je respire à nouveau.

- Alors parce qu'une femme ne veut pas coucher avec toi, elle a changé ? Tu ne penses qu'avec ton pantalon ? C'est trop te demander de prendre en compte un simple mal à la tête ?

Luc ne dit plus un mot. La seule chose que j'entends, c'est le crissement de la couette qui suit ses mouvements. Luc boude. Comme un enfant. Les hommes, vraiment...

J'aurais pu culpabiliser, mais ce soir, je m'en contre-fiche. J'ai besoin de sommeil. Je suis épuisée. Mes paupières sont lourdes, je peine à rester éveillée, même si dans ma tête, c'est le bazar et que mes pensées s'entretuent. Je saisis mon téléphone pour programmer mon réveil du lendemain quand une notification apparait sur mon écran. 21h07. Jade. Mon coeur sautille, ou s'arrête, je ne saurais le dire. 

Jade Halliwell
Coucou, je vais bien. Bonne soirée à toi aussi.

Waouh. Elle a l'air d'être en colère. En même temps, j'ai été la plus froide du monde avec elle. Qu'est-ce que j'étais censée faire de toute façon ? J'ai ma vie, mon mari, mes enfants. Je me convaincs que tout cela n'est que folie passagère.

Moi
Tu es fâchée...

Jade Halliwell
Pas du tout. Bonne nuit Catherine. 

Elle est définitivement fâchée.

Moi
Je sais lire entre les lignes, Jade. Je suis prof de lettres, ne l'oublies pas. ;-)


Jade Halliwell
Et je suis prof d'art, Catherine, les lignes, c'est moi qui les peint. Si je te dis que je ne suis pas fâchée, je ne le suis pas.

Moi
On va laisser ce malaise entre nous ?


Jade Halliwell
Quel malaise ? ;-)


Oh je vois. Malin. Faire mine qu'il ne s'est rien passé...
Les heures tardives, la nuit, sont dangereuses et nous rendent vulnérable. Tout le monde le sait. Je le sais. Les lignes que je m'apprête à écrire peuvent changer tout le cours de ma vie. Et pourtant...

Moi

Tu sais, je pense à des milliards de choses, mais des milliers parlent de toi.


Plus de réponses. Pas de petits points qui apparaissent et disparaissent. Rien. Rien, pendant dix minutes.

Jade Halliwell
Seulement des milliers ? Tu occupes la totalité de mes pensées. À vrai dire, tu vis dans les miennes depuis ce matin.


Tu vis dans les miennes depuis ce matin. Je suis vraiment en train de faire ce que je pense ? C'est mal, vraiment mal. Et pourtant, je n'arrive pas à m'arrêter. Luc dort à plein nez à côté de moi, et mon sommeil, lui, a disparu. 

Moi

Seulement depuis ce matin ?


Je rougis. Dieu merci, elle ne peut pas me voir. Elle ne peut pas me voir aussi vulnérable.

Jade Halliwell
Puisque tu es aussi douée pour lire entre les lignes : lis entre les miennes.
Bonne nuit, Sorcière.

Si seulement elle savait entre quoi j'ai envie de m'aventurer...

Il est 22h00 passé, je lui souhaite une belle nuit, me demandant comme vont se passer les jours et les mois qui arrivent. 

Moi, Catherine, hétéro, mariée, deux enfants, qui flirte avec la petite collègue d'art fraîchement débarquée dans mon établissement. Jade. Celle qui manie les mots comme elle manie les pinceaux, et que j'autorise, ce soir, dans une sombre nuit interdite, à manier mon coeur. 

N.B : Vos avis ?




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