Chapitre 8

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Jade's POV :

J'ai la tête dans les chaussettes ce matin, toujours retournée et dépassée par les évènements, dépassée par ce que je ressens - ou pense ressentir -, dépassée par tout.

Je suis au lycée, arrivée très tôt ce matin, de toute manière je n'arrivais pas à dormir. Je me suis même réveillée avant Marie, ce qui n'est jamais arrivé. 

Mes feuilles dans la main, je me dirige vers l'escalier pour aller faire mes photocopies pour la matinée. Perdue dans le tumulte de mes pensées, je me cogne contre une personne. Déboussolée, je lève la tête : c'est elle. Putain.

Partagée entre la joie de la voir, d'avoir pu frôler un énième pourcentage de sa peau matte, et la colère face à ce que je ressens pour cette collègue plus âgée que moi, mariée et complètement hétéro, je ne sais plus quoi dire. Alors je me tais. 

Elle a l'air aussi étonnée que moi, d'ailleurs, elle ne passe jamais par ces escaliers, pourquoi l'a-t-elle fait ce matin ? Pour moi ? 

Son sourire me plonge dans des pensées encore plus perturbantes, mais sa voix me ramène à la réalité. Elle prend la peine de s'excuser, mais pour bloquer toutes mes pensées et par peur de dire des choses que je regretterais plus tard, je prends la fuite et lui dis que je dois aller faire mes photocopies. 

Rester à côté d'elle, à quelques centimètres de son corps, me fait perdre tous mes moyens. Je ne pouvais rien faire d'autre que de partir. Comment vais-je tenir une année comme ça ? Je ne vais pas pouvoir la fuir éternellement, surtout que le hasard a décidé de me faire travailler un projet avec elle, tout au long de l'année. Je crois beaucoup au hasard, mais là, il faut le dire, ça ne joue pas en ma faveur. 

En parlant de projet, je reçois un message de Catherine. Tiens tiens tiens, elle le fait exprès ?
Elle demande à ce qu'on se voit demain en M3 pour construire le projet ensemble. Pfff...
Conscience professionnelle oblige, j'accepte. 

Le soir, rentrée chez moi, j'en discute avec Marie, et pour me protéger, je décide d'ignorer toutes mes pensées intrusives à l'égard de Catherine et de redevenir celle que j'étais avant : quelqu'un d'enjouée, de souriant, avec des blagues débiles qui ne font rire qu'elle. Je ne peux pas laisser quelqu'un avoir autant de pouvoir sur moi et ma personnalité, je refuse de perdre mon côté lumineux. C'est décidé, je la verrais comme une simple collègue, et c'est tout. 

Mercredi. M3. Salle B102.

"Salut Jade, viens entre", dit Catherine avec un grand sourire. 

J'entre, sûre de moi, ou du moins j'en donne l'impression. Je décide de m'asseoir sur la chaise, juste en face d'elle. Stylo à la main et carnet délicatement posé sur la table, me voilà prête à travailler sereinement. J'essaye quand même de ne pas trop croiser son regard, de peur de replonger. Oui, je suis devenue accro, ultra-dépendante, ça me saoule clairement. Ressaisie-toi!

- Alors Jade, je te propose de travailler sur l'écriture d'un conte illustré. Tu pourrais t'occuper de l'illustration, évidemment, et moi de l'écriture avec les élèves. "Oui super, c'est dans mes cordes", dis-je en pouffant de rire.

"Je n'en doute pas", répondit-elle avec un clin d'oeil.

Ce clin d'oeil. Vraiment ?

- Et cela porterait sur quel thème ?

- Je ne sais pas justement, c'est pour cela que j'ai pensé bien de se réunir ce matin. 

- Hum... on resterait sur un conte classique, avec prince/princesse et château, peut-être ? Mais on devrait rajouter quelque chose de spécial. Mais quoi ?

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