La période est trouble, car Ubbe Ragnarsson est mort et il était le seul capable de réunir tous les clans derrière lui pour former la Grande Armée Danoise.
Comme beaucoup d'autres, le jarl Joar le Valeureux et ses héritiers devront faire des choix...
La clémence des cieux céda à la pluie, qui tomba dru à l'annonce de l'approche d'un convoi Danois.
Siger, qui était assis sur un tronc près du feu, venait d'achever l'affûtage de son scramasaxe. Il se leva prestement tout en rangeant sa dague dans son fourreau, fixé à son ceinturon tout comme l'épée qui battait son flanc, et gagna la tente de son frère aîné.
— Des Danois, affirma-t-il alors que Storm était allongé sous ses peaux avec une esclave, qui gloussait de satisfaction.
— Combien ? demanda Storm en s'asseyant, oubliant son envie de labourer la femelle.
— Une cinquantaine, répliqua Siger, le poignet calé sur le pommeau de son épée.
« Poussez-vous » entendirent-ils répéter à l'extérieur.
Siger imagina sans peine Magni, pressé et le pas lourd, repousser tous ceux qui se dressaient sur son passage.
— Les boucliers portent les couleurs du jarl Joar Eirikson, annonça Magni, essoufflé, en franchissant les rabats.
Magni était guère plus âgé que les deux frères, sa carrure épaisse était accentuée par un visage sévère et un peu joufflu. Ses cheveux étaient maintenus en arrière par des nattes dont certaines étaient emmêlées au point d'être devenues des dreadlocks. Ses lèvres fines étaient surplombées par une moustache bien fournie, qui rejoignait négligemment une barbe touffue, parsemée de quelques poils blancs. Son aspect bestial était confirmé par deux petites cornes en os et métal liées de part et d'autre de son menton, tel un animal.
— Joar le Valeureux, approuva Siger.
— Autrefois, maugréa Storm tout en écartant les peaux qui couvraient l'esclave. Allez, file, lui ordonna-t-il, le ton dur.
Elle obéit prestement et se leva pour enfiler sa tunique sans un mot, tandis que Storm prenait le temps de se vêtir. Siger et Magni s'écartèrent des rabats pour la laisser sortir.
— Storm, insista Siger. Nous savons tous les deux qu'il nous faut plus d'hommes pour prendre la forteresse de Lichfield.
— Cinquante, ce n'est pas suffisant ! objecta Storm, l'air sévère.
Siger étudia son frère, plus âgé d'une seule année : grand et massif, ses yeux bleus étaient froids et perçants. Sa longue barbe brune était scindée en deux et maintenue par deux anneaux d'argent. Comme lui, il avait le crâne rasé sur les côtés, ses cheveux étaient maintenus en arrière et une bande de cuir était enroulée sur toute la longueur.
— Voyons ce qu'il a à dire, ensuite parlementons ! affirma-t-il.
Storm poussa un grognement de lassitude tout en soutenant le regard insistant de Siger :
— Magni, feula Storm. Nous allons recevoir le jarl sous le grand abri, fais-nous porter boissons et nourriture.
— Je m'en occupe, obéit-il prestement.
En entrant paisiblement dans le campement, Joar le Valeureux et les membres de son clan jetèrent un bref regard au nidstang qui était tourné vers l'extérieur. Fraîchement installé au vu de la tête de bouc qui était encore bien charnue, ce poteau surmonté de l'offrande servait à repousser les mauvais augures, tout comme il maudissait également l'ennemi qui aurait l'audace d'approcher.
Protégés de la pluie par l'auvent de la tente, les deux frères regardèrent les voyageurs faire halte à proximité. Le jarl Joar le Valeureux abaissa la capuche de son épais manteau et les toisa, tout en contrôlant la nervosité de sa jument, qui piaffa d'impatience.
— Soyez le bienvenu, jarl Joar, clama Storm, en avançant sous la pluie, peu enclin à la jovialité.
— Storm, Siger, les salua-t-il toujours en selle. Je n'arrivais pas à croire la rumeur qui disait que la Mercie Saxonne vous avait botté le cul pour vous renvoyer jusqu'en Northumbrie, ajouta-t-il avant de mettre pied à terre.
— Ce n'est pas ce qui s'est passé, feula Storm, le regard plissé de colère.
— Il ne faut pas croire tout ce qu'on entend, répliqua Siger, le ton calme et posé, en tendant l'avant-bras au jarl qui accepta la salutation.
— Où est Guthred ? demanda Storm, en étudiant les deux cavaliers dissimulés sous leur capuche et perchés sur leur monture. Ton bras droit est-il au Valhalla ? ajouta-t-il, déçu par la chute probable d'un aussi bon guerrier.
— Il est en vie, avec le reste de mes troupes, précisa Joar qui fit signe à ses deux compagnons de descendre de cheval. Voici, mon fils, Joar le Jeune, présenta-t-il alors que son fils avait dévoilé son visage tout comme sa sœur. Et Liv, ma fille cadette, ajouta le jarl.
— Allons discuter au sec, proposa Siger, souriant, après avoir étudié brièvement la fille du jarl.
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ce nidstang n'a plus de chair, mais ça donne un aperçu
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