Chapitre 22

27 5 0
                                    

Les Danois avaient voyagé de nuit pour atteindre le point stratégique déterminé par Joar. Ils montèrent leur campement à l'aube et rapidement bon nombre d'entre eux prirent du repos, car Joar voulait attaquer un peu avant l'aube suivant.

En milieu de matinée, Joar qui peinait à dormir se leva avec l'idée d'aller chasser. Équipé d'un arc et de son carquois, il s'éloigna du campement assoupi... Vers midi, il prit le chemin du retour avec deux lièvres et aperçut Iseult.

— Ne t'ai-je pas dit de ne pas t'éloigner seule ? lui demanda-t-il, en arrivant d'un pas vif.

— Oui, seigneur, vous me l'avez dit, confirma-t-elle. Mais les outres n'attendent pas ! ajouta-t-elle.

Il lui sourit et s'approcha d'elle, répondant à l'envie de la toucher. Sa paume chaude et calleuse se posa sur sa joue douce et délicate. Il lui caressa les lèvres du pouce et abandonna la contemplation de sa bouche pulpeuse pour plonger le regard dans le sien :

— Comme j'aimerais te mériter, lui déclara-t-il en danois, tout en sachant qu'elle ne le comprendrait pas.

— Désolée, je ne comprends pas, s'excusa-t-elle sans craindre cette proximité.

Il soupira en lâchant prise et recula pour mieux lui sourire.

— Rentrons, lui répliqua-t-il, les yeux rivés aux siens.

— La forêt est paisible, nous pourrions rester un peu plus longtemps, lui proposa-t-elle, électrisée par ses yeux bleus.

— Ne préfères-tu pas fuir ma présence ? s'étonna-t-il.

— Je ne dois pas m'éloigner seule du campement, c'est vous qui me l'avez dit, répondit-elle.

Joar ne pouvait détacher son regard de ses yeux marron qui réchauffaient son cœur, aussi il capitula :

— Suis-moi, lui proposa-t-il en pensant qu'elle pourrait apprécier le lieu qu'il avait vu un peu plus tôt.

Ils marchèrent côte à côte dans un silence paisible.

— Je suis désolée pour votre père, déclara-t-elle. C'était un homme juste, précisa-t-elle alors qu'il la dévisageait étonné par sa compassion.

— En effet, soupira-t-il pour étouffer la blessure que cette évocation avait ravivée. Arrêtons-nous là ! ajouta-t-il en lui désignant l'endroit de l'index.

La course de l'eau vive du ruisseau, qui fendait la forêt en deux, était perturbée par une petite fracture topographique, ce qui avait créé une petite cascade où l'eau grondait perpétuellement sur des rochers mis à nu. Passé ces remous, le lit du ruisseau s'élargissait et créait une profonde cuvette où de tout petits poissons nageaient paisiblement, tandis que, en tombant, quelques arbres morts avaient formé un barrage naturel, préservant cette source de vie.

Joar invita Iseult à s'asseoir sur le tronc couvert de mousse qui bordait le cours d'eau. Ils contemplèrent ce petit ballet aquatique qui s'imposait par sa sérénité.

— Je sais ce que ça fait, lança-t-elle les yeux perdus dans sa contemplation.

— Quoi ? demanda Joar en étudiant son délicat profil.

— Ne pas savoir ce qui a pu arriver à votre sœur et à votre frère, affirma Iseult tout en soutenant ses yeux bleus.

— Sven, n'est pas mon frère, répliqua-t-il tout en tournant son attention vers le cours d'eau.

À son tour, Iseult étudia le profil du guerrier.

— Parfois, mon époux prenait avec lui notre fils alors qu'il partait pour ses affaires, expliqua-t-elle. Ce jour-là s'est écoulé comme tant d'autres, normalement. Bien qu'ils dussent rentrer dans le courant de l'après-midi, je ne me suis pas inquiétée... pas jusqu'à l'approche du crépuscule. Je me souviens avoir hésité à envoyer des gens à leur rencontre, parce que j'imaginais Edmond revenir avec notre petit Henri, mon époux riant de mon inquiétude. Mais cette inquiétude est devenue de l'angoisse lorsque la nuit est tombée... Et l'aube m'a apporté le malheur et le chagrin, conclut-elle en soutenant le regard du Danois.

Cette évocation le ravit tout autant qu'elle le surprit, tout comme elle l'incitait à vouloir se confier à la jeune femme qui était toujours meurtrie par le deuil.

— Liv et Sven sont peut-être morts ou alors ils sont prisonniers, soupira Joar. S'ils sont morts, alors ils sont au Valhalla et festoient avec les dieux... Et s'ils sont prisonniers, alors je ne peux rien faire pour eux pour le moment, expliqua-t-il.

— Ne pas savoir ne vous fait dont rien ? s'étonna-t-elle.

Joar soupira en crispant les mâchoires :

— Bien sûr que si, souffla-t-il. En tant que frère, j'aimerais aller voir ce qu'il en est, mais je suis également devenu jarl, ça m'impose des responsabilités envers mon clan. D'ailleurs, il est temps ! ajouta-t-il tout en se levant pour passer son arc à l'épaule et saisir ses lièvres d'une main. Rentrons ! lui proposa-t-il en lui tendant l'autre.

Iseult accepta la paume offerte, puis ils retournèrent au campement main dans la main.



Vikings - Le feu sous la glace (1er jet - arrêté ) 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant