Chapitre 19

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Au petit matin, dans la forêt automnale et brumeuse, après s'être isolé pour ses besoins naturels, Joar le Jeune revenait au campement sous les salutations des membres de son clan, auxquelles il répondait par des hochements de tête et quelques banalités.

Joar avait pris conscience que le clan au complet l'avait accepté comme nouveau jarl, mais lui en était incapable, car le poids du chagrin et du deuil était encore trop lourd. Cependant, quand il aperçut Iseult, il se demanda si son don de Gwrach avait bel et bien disparu, parce qu'il lui semblait qu'elle avait le pouvoir de l'apaiser par sa seule présence.

Il fut soudain pris de l'envie de l'enlacer comme la veille, ressentant plus intensément le besoin d'être avec elle, mais il n'en fit rien. Joar, en tant que jarl, n'avait encore rien accompli pour la mériter, elle. Il ne pouvait donc en aucun cas espérer la prendre à son service, d'autant plus qu'il ne rêvait que d'une chose : qu'elle soit avec lui par consentement et non par soumission.

Guthred, qui arrivait d'un pas déterminé, lui rappela qu'il avait un clan à protéger et à nourrir, tandis qu'il s'installait en face de son grand-père, assis près d'un braséro.

— Seigneur, lui déclara Esther, la nonne en lui tendant une chope de bouillon et un plat de fromage et brioche.

— Merci, accepta-t-il.

— Qu'as-tu décidé ? lui demanda Guthred en s'installant avec eux près du feu.

Joar, l'Ancien et Guthred s'étaient entretenus durant le festin de la veille sur ce qu'il fallait faire : en tant que fils, il souffrait de laisser son père sans sépulture. Quant à Liv, le frère aîné qu'il était s'inquiétait de ce qui lui était arrivé, tout comme à Sven, qui était comme un frère pour lui. C'est pour quoi, il voulait aller sur le lieu du massacre et se rendre compte par lui-même du destin tragique des siens. Ou il pouvait avoir confiance en la destinée et croire aux compétences de Liv et Sven. S'ils étaient en vie, ils retrouveraient leur clan quoi qu'il leur en coûte.

— On doit envoyer quelques hommes en Danelaw pour recruter des guerriers, approuva Joar.

— Et pour les hommes du nord ? demanda Eirik l'Ancien.

— On ne fait rien, soupira Joar. Ils doivent avoir poursuivi leur route comme convenu, donc nous aussi !

— Je suis d'accord et sur notre chemin nous brûlerons tout, approuva Guthred.

— Après les massacres d'hier, l'armée des Merciens doit nous traquer, objecta Joar. Alors, changeons de cap !

— Les Saxons voulaient empêcher nos deux armées de se regrouper, concéda l'Ancien. Ils savent que nous attaquerons Lichfield, ils voulaient nous affaiblir.

— Nous manquons d'hommes pour assiéger la forteresse et l'automne avance, soupira Joar. Nous devons accélérer le mouvement sans perdre plus de temps, insista-t-il.

— Où veux-tu en venir ? s'étonna Guthred.

— Nous allons attaquer la forteresse sans les hommes du nord, expliqua Joar.

— Et sans attendre les renforts du Danelaw ? feula Guthred.

— Non, confirma le jarl.

— L'armée Mercienne nous tombera dessus si nous patientons trop longtemps, approuva l'Ancien.

— Ou elle s'est regroupée derrière les murs de la forteresse, objecta Guthred.

— Ou ils cherchent à barrer la route à l'armée des deux frères, contesta Joar.

Vikings - Le feu sous la glace (1er jet - arrêté ) 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant