Avalar - Tome 1 - Le peuple ancien

Chapitre 12

Saral se réveilla en transe. Cette marque... Il n'y avait qu'un seul endroit qui pourrait lui apporter les réponses dont il avait besoin, et il se trouvait justement qu'il savait comment s'y rendre.

Tout avait commencé ce jour où Alfred Eddington, l'un des maîtres archivistes les plus haut placés d'Astia, lui avait demandé de traverser la moitié de la ville pour une missive. Cela lui avait permis d'intégrer le prestigieux établissement qu'était la grande bibliothèque, et voilà trois ans maintenant qu'il travaillait pour Alfred. L'homme ne lui laissait aucun répit, si bien que Saral avait dû trouver un autre moyen de s'y faufiler la nuit pour entreprendre ses recherches sans se faire déranger. Il avait passé des cycles entiers à tenter en vain de se renseigner sur les spectres qui le poursuivaient, mais c'était presque comme si l'on avait décidé de les rayer de la surface de ce monde ou qu'ils n'existaient que dans son imagination. Il n'avait pas déniché un seul écrit les concernant, pas même une ligne dans les contes et légendes du continent, et il n'était également pas parvenu à en apprendre plus sur les mots qu'on lui murmurait dans son sommeil... En fin de compte, il ne s'agissait pas d'eldyar comme le lui avait suggéré Tess.

Sans éléments plus tangibles, Saral avait fini par se faire une raison. La bibliothèque était trop grande que pour fouiller tous les ouvrages, et ce train de vie pesait sérieusement sur sa santé. Cette réalité l'avait anéanti, et Liam et Elina s'étaient donné tout le mal du monde pendant des cycles entiers pour lui faire oublier cela...

Sa nouvelle tentative ne serait peut-être pas différente des autres. En fin de compte, il n'en savait pas beaucoup plus, mais Saral se devait d'essayer. Il avait besoin de savoir, savoir à quoi correspondait ce serpent et s'il était lié d'une quelconque manière à ses origines.

Sans attendre, il bondit hors de sa couchette pour se faufiler dans les rues désertes d'Astia. Il en était presque arrivé à apprécier cet endroit, du moins lorsqu'on ne le dévisageait pas en permanence. La solitude et la fraîcheur nocturne lui convenaient bien, cela lui laissait le temps de réfléchir à toutes ces choses dont il n'avait pas la possibilité en journée, à commencer par la proposition de Liam de quitter la ville ainsi que sa rencontre avec Tess. Avait-il pris la bonne décision ? N'aurait-il pas mieux fait de partir découvrir le monde, à la recherche de ses origines, et enfin comprendre ? Il se rassurait en se disant qu'il était libre de s'en aller à n'importe quel moment, mais il savait pertinemment bien que ce n'était pas le cas. Il était bien trop dangereux de voyager seul, qui plus est sans entraînement et sans équipement adéquat.

Lorsqu'il atteignit la grande bibliothèque, il lui gratifia un regard admiratif avant de contourner le bâtiment. Ce n'était pas la peine d'essayer de passer par l'entrée principale. Les archivistes scellaient les portes en chênes massifs dès la tombée de la nuit pour ne les rouvrir qu'aux premières lueurs du matin, mais fort heureusement, il avait appris avec le temps qu'il ne s'agissait pas de l'unique moyen de pénétrer dans l'édifice. Il existait plusieurs autres passages, moins connus, certains se trouvant au cœur des catacombes et d'autres un peu plus accessibles.

Saral s'arrêta au coin d'un cul-de-sac. Une trappe à peine visible se dessinait dans l'obscurité de la ruelle. Il crocheta avec aisance la serrure (probablement la seule chose utile qu'on lui avait enseignée à l'orphelinat), souleva la structure, et s'y engouffra sans hésiter avant de la sceller à nouveau. Un long couloir en pierre se présentait face à lui, et bien que sa nature lui permettait de voir au clair de lune comme s'il se trouvait en plein jour, il ne distinguait rien à plus de vingt centimètres devant lui.

C'était Alfred Eddington qui lui avait parlé un jour de ce passage, et Saral était à peu près certain qu'il se doutait de l'usage qu'il en faisait. Après tout, on ne dévoile pas l'existence d'un tel secret sans imaginer qu'il ne sera pas emprunté... Le couloir débouchait directement dans un recoin discret de la salle principale, et même après tout ce temps, son souffle se coupa une fraction de seconde lorsqu'il s'y glissa au travers du maigre interstice.