Chapitre 10

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Lorsque la brume matinale commença à se dissiper, cela faisait plus d'une heure que Saral marchait au côté de Liam. Une lueur orangée s'élevait depuis le bastion blanc, et cela lui rappela combien il appréciait ces instants. L'effervescence d'Astia n'était encore qu'un murmure. Les cloches annonçant l'office ne sonneraient pas avant une bonne demi-heure, et l'on relançait seulement les forges qui cracheraient bientôt leur fumée à l'horizon. Rien ne pouvait gâcher cela, hormis peut-être le fait qu'il s'éloignait de plus en plus du canal l'unique jour depuis une éternité où il n'avait pas à travailler.

— Bordel, Liam, tu vas me dire ce que tu as derrière la tête ?

— Un peu de patience, on y est presque.

— Pourquoi Elina n'est pas avec nous ?

— Elle devait s'entraîner.

— À cette heure-ci ?

— Oui.

— Je te promets qui si on n'arrive pas bientôt, tu seras encore plus moche qu'un gnoll une fois que j'en aurais fini avec toi.

Sa remarque le fit à peine esquisser un sourire. Quelque chose ne tournait pas rond, mais il savait également que lorsque Liam se décidait à ne rien dire, cela ne servait à rien d'essayer de le faire parler. Il ne lâcherait pas un mot.

Trois ans s'étaient écoulés depuis l'incident qui l'avait séparé de Tess... Malgré toutes ses recherches, il n'était jamais parvenu à la retrouver, et il avait fini par accepter l'idée qu'il ne la reverrait probablement jamais...

Le plus dur était de ne pas savoir. Où pouvait-elle bien se trouver ? Est-ce qu'elle était même encore en vie ou en bonne santé ? L'avait-elle oublié après tout ce qu'ils avaient partagé ? Après plus d'une dizaine de cycles, ses allers-retours entre le canal et les faubourgs s'étaient espacés. Il ne pouvait continuellement traverser la moitié de la ville sans se mettre en danger, bien qu'il ne manquait jamais de faire un tour à leur cachette lorsqu'il passait dans le coin. La bourse qu'il avait déposée sous une tuile était toujours là, intacte. Elle n'était donc jamais revenue...

Il avait trouvé dans Elina et Liam un soutien sans failles qui avait peu à peu comblé le vide laissé par Tess. Liam était quelqu'un de fondamentalement bon. Il ne refusait jamais d'apporter son aide quand on le lui demandait, et il s'assurait en permanence que lui et Elina disposent d'un confort suffisant dans la maison au bord du canal. À force de traîner ensemble, Saral avait remarqué que son ami manquait parfois de discernement lorsqu'il s'agissait de prendre des décisions, ce qui n'enlevait rien à l'indéfectible loyauté qu'il lui portait. Liam faisait partie de ces personnes qui lui étaient venues en aide et qui l'acceptaient tel qu'il était, et cela valait bien plus que tout le reste.

En ce qui concernait Elina, au début, il avait gardé cette impression qu'elle essayait de l'éviter. Il ne l'avait pas mal pris, elle n'était pas la première à le voir étrangement, puis ils avaient fini par se rapprocher durant les longues soirées à imaginer à quoi pouvait bien ressembler le monde en dehors d'Astia. Elle pétillait de curiosité et ne manquait jamais de l'interroger sur la bibliothèque, mais elle rêvait également de devenir une veilleuse, et elle s'entraînait dur pour cela.

— Nous y sommes ! s'écria Liam.

Devant eux, un attelage d'une bonne quinzaine de carrioles s'élevait sur une place modeste, alors que l'on transportait diverses marchandises. Saral avait déjà entendu parler de cet endroit. C'était le moyen le plus sûr pour voyager entre les grandes villes d'Avalar sans se faire agresser, ou plutôt en étant protéger des agressions. La couronne débauchait un certain nombre de veilleurs et de gardes pour défendre le convoi, et quiconque étant capable de servir durant la traversée pouvait le rejoindre.

Avalar - Tome 1 - Le peuple ancienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant