Chapitre 2

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Un déferlement de visages inconnus entoura Saral. Des gens qui se croisaient ou même se bousculaient dans l'indifférence la plus totale, si bien qu'un asura aurait pu passer au milieu de l'avenue sans que personne ne s'en rende compte. Le contraste avec les couloirs sombres et les salles sans vie de l'orphelinat était indescriptible. Comment une simple ouverture pouvait-elle séparer deux mondes si différents ?

— On fait quoi maintenant ? demanda-t-il à Tessa et Ilian.

Il avait cette désagréable sensation que l'on posait le regard sur lui à chaque instant.

— Tu fais ce que tu veux. Moi, je me casse, lança Ilian. Je me débrouillerai mieux sans vous deux.

Ilian était lui aussi un passeur, et ils avaient déjà négocié à plusieurs reprises une fois la nuit tombée. C'était un dur à cuir qui ne se laissait impressionner par personne, précisément le genre de personne qu'il s'efforçait de fuir, mais la place n'était pas aux sentiments.

— Ce que tu dis est stupide, le contredit-il. On sera plus fort si l'on reste ensemble, surtout si on tombe sur des voleurs d'enfants...

— C'est toi qui es stupide ! Tu crois vraiment que l'on aura une chance de s'en sortir face à des adultes ? De toute façon, je ne veux pas m'encombrer d'un hybride et d'une geignarde, vous ne ferez que me ralentir.

Saral n'avait ni le courage ni l'envie de le retenir plus longtemps, et sans un mot de plus, Ilian disparut au bout de l'avenue.

— Et toi, tu en penses quoi ? demanda-t-il en se retournant vers Tessa.

Elle semblait à peine l'avoir entendu. Dans un sens, Ilian n'avait pas tort. Ils avaient plus besoin de lui que lui d'eux. Ne ferait-il pas mieux d'essayer de se débrouiller seul, comme il l'avait toujours fait jusque maintenant ? L'idée était tentante, mais il ne pouvait pas non plus abandonner Tessa sans se sentir responsable de ce qu'il pourrait lui arriver. Une inquiétude si grande se lisait sur les traits de son visage. Il aurait voulu lui souffler que tout irait bien et qu'il n'y avait rien à craindre, mais il ne pouvait promettre une telle chose...

— Je... Je pense qu'il vaut mieux qu'on se serre les coudes, bredouilla-t-elle.

— C'est décidé dans ce cas ! Rien ne pourra nous arriver tant que l'on reste ensemble.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Tessa, un sourire qui semblait sceller ses paroles, et l'espace d'un instant, Saral crut réellement à ce qu'il venait de lui raconter.

— Tu as une idée de ce qu'on peut faire maintenant ? lui demanda-t-elle.

— Je ne sais pas. Un des garçons de mon dortoir nous racontait plein d'histoires sur Astia, mais au plus j'y pense, au plus j'ai l'impression qu'il faisait cela juste pour se rendre intéressant.

— Il ne t'a rien dit qui pourrait nous servir ? Où se réfugier une fois la nuit tombée ou comment se nourrir ?

— Pas vraiment. Il nous a surtout mis en garde contre les voleurs d'enfants, et sur le fait qu'il ne faut accepter de l'aide de personnes.

— C'est déjà ça.

— Et toi, tu en sais un peu plus sur Astia ?

— Non, on évitait d'en parler dans le dortoir. Cela faisait peur aux plus petites.

— En tout cas, ce n'est pas en restant ici que nos problèmes disparaîtront. Je propose qu'on aille faire un tour de ce côté-là, dit-il au hasard en pointant le bout de l'avenue.

Tessa acquiesça d'un hochement de tête, et ils s'éloignèrent de l'orphelinat pour se perdre dans l'immensité de la ville.

Un dédale de ruelles étouffantes les submergea, parfois si étroites que les rayons caressaient à peine ses cheveux de jais, puis d'autres assez larges, pour que trois personnes puissent s'y croiser sans devoir s'écarter. On aurait dit qu'un bouillonnement continu émanait d'Astia, peu importe où il allait. La ville semblait s'étirer sur des dizaines et des dizaines de kilomètres sans jamais s'arrêter.

Avalar - Tome 1 - Le peuple ancienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant