Franchir la porte

11. Confidences pour confidences

Sous la lueur criarde d'un réverbère qui éclairait la nuit, des yeux gris enveloppés d'une détermination palpable se dévoilèrent, avant de se refaire engloutir par l'obscurité. Dans une démarche décidée, Fukushū avança quelques mètres de plus et ralentit l'allure au coin d'une rue plongée dans le noir. Contre le mur, attendait un jeune homme aux cheveux bleus. Plus haut dans l'immeuble sous lequel il faisait le pied de grue, une lumière s'alluma momentanément dans l'un des appartements, faisant un instant scintiller les anneaux argentés qu'il portait à l'arcade.

- Tu sais, c'est pas très prudent de donner rendez-vous à un homme en pleine nuit dans un ruelle sombre... railla Shissō.

Un éclat d'inquiétude traversa le visage de la kunoichi aux cheveux de jais.

- Détends-toi. Je vais pas te sauter dessus comme une bête, assura le ninja du clan Aokami. Enfin... sauf si c'est la raison pour laquelle tu m'as demandé de venir...

Pour toute réponse, Fukushū croisa les bras sur sa poitrine en dévisageant le sourire en coin qui étirait la bouche du shinobi.

- Alors, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu nous abandonnes, c'est ça ? lança Shissō qui retrouva rapidement son sérieux. Ne me dis pas que t'as décidé de retourner ta veste pour les beaux yeux de notre petit Capitaine, hm ?

- Si je laisse tomber, c'est parce que ce plan ne donnera rien, répondit la jeune femme aux yeux gris. Elle ne se laissera jamais convaincre.

- C'est bien pour ça que t'es là, ma jolie, et une fois qu'on aura obtenu d'elle ce qu'on attend, tu pourras bien en faire ce que tu veux, rétorqua dans un clin d'œil l'homme aux piercings. Mah... C'est vrai qu'on a rencontré quelques imprévus, je te l'accorde, fit-il en se grattant le coin du front. Mais tout est en ordre à présent. Encore quelques détails et on pourra lancer l'opération.

Fukushū haussa les sourcils.

- Tu plaisantes ? T'as oublié ta connerie de cet après-midi, peut-être ? s'étonna-t-elle. C'est plus qu'une question de temps avant qu'ils viennent te chercher pour te mettre les menottes aux poignets... et les autres tomberont juste après toi, mais compte pas sur moi pour couler avec le navire.

Tout en faisant craquer ses doigts les uns contre les autres, Shissō ricana d'un air suffisant.

- Évite de me prendre pour un amateur, s'il te plaît, pouffa-t-il. J'ai évidemment neutralisé la caméra de sa chambre avant de me montrer. Ils n'ont aucune image de moi.

- Mais lui, il a bien vu ton visage, non ? répliqua la kunoichi aux boucles de jais.

- Il le fallait bien, si je voulais avoir une chance qu'il me fasse confiance.

- Et quelle belle réussite ! ironisa Fukushū. Je t'avais pourtant déconseillé d'aller parler avec ce mec. C'est clairement un sale type, ajouta-t-elle d'un ton contrarié. Il a eu aucun scrupule à donner l'alerte hier... Et il va sûrement pas se priver pour te dénoncer dès qu'on le lui demandera.

D'un geste vif, le shinobi aux piercings agrippa le bras de la jeune femme pour la ramener vers lui, l'attirant plus profondément dans ruelle. Cette dernière heurta le torse de son aîné, alors qu'un groupe d'hommes visiblement éméchés traversaient l'avenue de laquelle elle venait de disparaître. Sans dire un mot, Shissō attendit que leurs rires s'éloignent, avant de relâcher la kunoichi aussi subitement qu'il l'avait attrapé.

- Ce sera la parole d'un meurtrier psychopathe qu'il gardent enfermé depuis près de sept ans contre la mienne, murmura le ninja du clan Aokami. Et puis, tu te doutes bien que c'est pas par hasard si j'ai attendu ce jour précis pour tenter ma chance avec lui.