Chapitre 45

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Dior pouvait sentir le regard pesant de sa mère sur elle alors qu'elle se contentait de picorer dans son assiette. La matriarche Khalifa avait sorti de force sa fille de son lugubre bureau pour la trainer dans l'un des restaurants du centre-ville. Un de ceux qui alliait à la perfection architecture occidentale et culture autochtone entre ses grandes baies vitrées, ses tables en bois de la région, ses plantes locales et ses quelques masques et objets artisanaux disposés çà et là. Dior aimait beaucoup cet endroit et y venait très souvent avant son voyage. 


D'ailleurs maintenant qu'elle y pensait, elle n'était pas beaucoup sortie ces cinq derniers mois si ce n'était pour le travail. Après son retour d'Ecosse, elle n'avait fait que travailler. Quand elle s'arrêtait une seconde, la peuhle recommençait à sombrer dans ses souvenirs et ses sentiments enfouis. Elle basculait dans le calvaire d'une junkee privé de son addiction. Sa douleur n'était pas que mentale mais ses membres, son cœur et sa tête s'étaient eux aussi noyés dans cet enfer. Manger était devenu un supplice ; penser était bien pire. La peuhle ne supportait plus d'entendre le nom de l'homme qu'elle aimait. 


Cependant, l'angoisse lui nouait la gorge lorsque celui-ci ne cherchait pas à lui parler. La jeune femme était devenue accro à toutes les pages, tous les magazines et tous les articles qui parlaient de lui. Elle se nourrissait de tout ce qui avait un lien avec lui comme une boulimique. Quand elle arrivait à se mettre des limites, Dior pouvait s'en tenir à trois articles par jour. Il lui arrivait malheureusement de ne faire que ça de la journée, au détriment de la tonne de travail qu'elle avait à accomplir. Le voir était un supplice mais ne pas avoir de nouvelles d'Eliot était pire. C'était un cocktail de douleur et de bien être auquel elle se livrait sans pouvoir le contrôler. 


Par moments, elle se maudissait d'avoir décidé de partir et pleurait à chaudes larmes. Son amertume la tenait éloigné de tout et de tout le monde. Comment avancer sans sa raison de vivre ? Comment respirer sans ses bras ? Sans sa voix ? Sans son odeur ? Tout simplement sans lui ? Elle répugnait à ce style de vie qui demandait de se priver de cet homme qui lui avait appris le bonheur. L'angoisse de la solitude la brisait chaque jour un peu plus. Mais il fallait qu'elle parte pour leur bien à tous les deux. Dior ne pouvait pas laisser leur si belle romance devenir toxique alors elle avait dû être la plus mature des deux. Quitte à souffrir comme une damné, Dior s'était forcé à faire ce qui lui semblait le mieux. Progressivement, elle s'était laissé dépérir et si cela n'avait été le travail, la jeune femme se serait sans doute enfermée dans le mutisme. Il lui manquait tellement qu'elle en était tombée malade après son retour.


 Mais resté enfermé l'avait vite fait déchanté quand Dior avait commencé à le voir partout et à sentir son souffle sur sa nuque pendant qu'elle dormait.

- Bon ma fille il faut qu'on discute, dit sa mère l'interrompant dans ses pensées.

Dior souffla intérieurement. Elle se doutait bien que sa mère n'était pas venue la tirée de son bureau pour un simple déjeuner mère-fille. Aïcha avait d'ailleurs été plus longue à réagir que Dior ne l'avait imaginé.

- Je n'aime pas du tout ce que je vois depuis qu'on est rentré. Tu vivais une peine de cœur alors je t'ai laissé le temps pour que tu viennes toi-même à moi mais tu as préféré fuir.

Dior releva brusquement la tête surprise et indigné par le choix de mot de sa mère. La jeune femme n'aurait jamais cru que sa mère emploierait des mots si durs et si faux pour décrire la situation.

- Comment peux-tu dire ça maman ? Je ne fui pas.

- Bien sûr que si, répondit sa mère. Tu n'as fait que ça ces derniers temps. Tu as d'abord fuit Eliot et maintenant tu fuis tous ceux qui peuvent te dire la vérité y compris toi-même.

Sous le Ciel d'EdimbourgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant