Il est sept heures et demie du matin et mes collègues de travail ne sont pas encore arrivés au lycée. J'ai des photocopies à faire et je profite du calme et de la salle des professeurs vides pour imprimer mes documents. Il fait très chaud dans l'établissement, même à cette heure. La température extérieure avoisine les 25°C. La journée, les climatiseurs tournent à plein régime, mais il est encore trop tôt pour les activer.Depuis le réchauffement climatique, la température de la planète a grimpé de 6,5°C par rapport à l'an 2000. Il fait constamment chaud et les saisons n'existent presque plus. Seules les régions du Deuruta et du Pinetou ont encore des hivers, mais les nouvelles régions du Sud sont constamment en proie à des chaleurs caniculaires. Heureusement, les ministères du Logement et de l'Énergie ont équipé tous les bâtiments de climatiseurs qui rejettent la chaleur dans l'atmosphère. Ces rejets viennent se mêler à ceux des voitures qui continuent de rouler aux énergies fossiles et qu'on retrouve massivement dans les villes et sur les routes. Heureusement, le ministère de la Transition Écologique Réussie est très rassurant. Même si les taux de pollution semblent à leur plus haut niveau dans les grandes villes, il est désormais possible d'évacuer ce surplus de chaleur et les particules nocives pour l'organisme grâce à de grandes tuyaux qui les aspirent puis les rejettent directement dans l'espace.
Grâce à toutes les nouvelles technologies, la température de la Terre a cessé d'augmenter et les êtres humains peuvent s'en féliciter. Les objectifs affichés par la COP100 ont été atteints : nous avons réussi à contenir le réchauffement climatique entre 6 et 8°C.
Il n'empêche que 6,5°C de plus que l'an 2000, ça fait 20°C de température moyenne en hiver et entre 45 et 50°C l'été. Et pour un mois d'octobre dans la région du Norcam, avec nos 30 à 35°C en journée, il ferait presque frais. Je ne me plains pas trop, j'y suis habituée depuis ma naissance. Je suis née dans ce monde post réchauffement climatique et je n'ai toujours connu que la chaleur qui accentue la sécheresse. Heureusement que le Ministère des Eaux parvient à trouver de quoi irriguer les champs et que les laboratoires conçoivent nos denrées sous serres, sinon, j'ignore comment nous pourrions nous nourrir.
La photocopieuse crache mes dernières copies. Mon cours d'aujourd'hui traitera justement de l'eau. Depuis quelques jours, celle de notre appartement a un goût abominable. Célestin a beau la filtrer avec du charbon actif, on sent un arrière-goût de sel et elle pique sur la langue. Je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué. Mes collègues ne parlent plus que de ça et les élèves passent leur temps à nous réclamer à boire. Pourtant, à chaque fois qu'ils reviennent des toilettes, ils sont encore plus assoiffés. Je n'ai pas mis bien longtemps à comprendre pourquoi. Il m'a suffi d'attendre que Célestin aille se coucher hier soir pour jeter un coup d'œil sur le dernier rapport du Comité Scientifique qu'il devait corriger pour le communiqué du lendemain. Il l'avait mis de côté, dans l'attente de le broyer.
Tandis que je monte jusque dans ma salle de classe, la bouche pâteuse, je glisse ma main dans la poche arrière de mon pantalon pour saisir le papier froissé qui s'y trouve. J'arrive devant une porte verte pomme, cherche plusieurs secondes mes clefs dans une autre poche pour ouvrir la serrure et entre. Je dépose mes affaires sur mon bureau, allume l'ordinateur vieillissant et relis pour la troisième fois le document volé.
« Les derniers relevés effectués sur l'eau douce indiquent une contamination à hauteur de 95%, soit une augmentation de 5% par rapport aux derniers relevés de mars dernier. Les stations de traitement des eaux, malgré l'ajout massif de javel pour décontaminer l'eau polluée aux particules chimiques, n'ont pas pu empêcher la dégradation massive des molécules. Aussi, le Comité Scientifique International a reçu l'ordre des Grands Sages de faire cesser toute distribution d'eau douce auprès de la population, afin de préserver les 5% restants pour la classe dirigeante. Les ingénieurs en ingénierie de l'eau assurent que l'eau artificielle, sur laquelle ils travaillent depuis des mois, sera bientôt en état d'être distribuée. Dans l'attente, les Grands Sages ont proposé de remplacer l'eau polluée par de l'eau de mer, afin que la population puisse continuer à s'abreuver.
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2150, tout va bien ! [roman d'anticipation]
Science FictionImaginez, la fin du monde. Ou plutôt, la fin d'un monde. 2150. Après que l'hémisphère Sud ait été engloutie par la montée des eaux, il ne reste désormais que l'hémisphère Nord, divisé en sept régions, dirigées par les Sept Grands Sages. Des sages...