J'entre dans la salle de classe et me présente d'un air assuré. Respire Jo, respire. Ce ne sont rien d'autres que trente paires d'yeux fixés dans ta direction. Ces gamins doivent avoir entre quinze et seize ans, ils ne vont pas te dévorer. Tu as fait le plus dur.
Je les regarde s'installer. Je me tiens la plus droite possible et balaye la pièce du regard. Je prends une forte inspiration et me retourne vers le tableau. Ma main glisse vers la souris de l'ordinateur, posée sur mon bureau, sur lequel j'ai déjà disposé plusieurs fiches et cahiers qui s'amoncellent les uns sur les autres dans un bric à brac indéfinissable. Dire que tout était rangé il y a encore cinq minutes. Je clique sur un document, attrape une petite télécommande et presse le bouton « on » pour allumer le vidéoprojecteur. Un bruit de cliquetis se fait entendre puis nous attendons, dans le silence. Les élèves continuent de me regarder sans bouger.
J'en profite pour faire l'appel. Ils répondent présents, sauf l'un d'eux, qui est porté pâle. C'est son voisin de table qui me le dit. Je rentre le nom du malade sur le logiciel de présence mis en place par le ministère et envoie le document à ma hiérarchie. Quand j'ai terminé, l'écran est allumé et ma carte est projetée au tableau. Le cours va pouvoir commencer.
Pour ce premier jour, j'ai choisi de parler de leur histoire, ou plutôt, de notre histoire. Celle de la création du Nouveau Monde. Inutile d'entrer dans les détails pour l'instant. Les élèves connaissent déjà tout. Ils ont suivi les cours de découverte en primaire et ceux de consolidation au collège. Mais ils sont au lycée désormais et ils doivent approfondir leurs connaissances et leurs compétences. Développer leurs esprits critiques. Analyser et comprendre les documents qu'on leur présente. Savoir se repérer efficacement dans l'espace géographique et se situer dans le temps.
Une main se lève.
— Oui ?
Je jette un regard sur mon trombinoscope.
— Romain ?
— Vous avez oublié de vous présenter.
— Vous avez raison jeune homme. Pardonnez-moi.
J'ai les mains moites. Comment ai-je pu oublier de dire qui j'étais ? Toujours cette fichue angoisse qui me prend la gorge lorsque je ne connais pas le public en face de moi. J'avale ma salive, desserre mes doigts crispés et réponds :
— Je suis madame Moulin et je serai votre professeure d'Histoire, de géographie, d'Enseignement Civique et de Morale cette année.
Les élèves notent mon nom sur leur carnet de correspondance.
— Prenez votre cahier de cours, laissez une page blanche pour compléter votre page de garde chez vous et allez directement à la seconde page. Sortez également un stylo. Romain, tu peux distribuer ceci ?
Je lui tends plusieurs documents. Il s'agit d'une carte. La même que celle qui se trouve au tableau et que j'ai photocopié en plusieurs exemplaires. Elle représente le Nouveau Monde. Romain en distribue une copie à chacun des élèves qui collent le document, dans le silence. Mon cœur palpite. Je n'aime pas le silence. Une fois les feuilles collées, je m'avance vers le tableau blanc sur lequel est projeté la carte et pointe du doigt plusieurs secteurs.
Entre l'an 2000 et l'an 2050, une série de catastrophes a touché la Terre : incendies, inondations, fonte des glaciers. Tout cela à cause du réchauffement climatique. La moitié de la planète a disparu, englouties par la montée des eaux ou ravagées par la fumée des incendies. Le Nouveau Monde est maintenant divisé en sept grandes régions. Elles sont chacune sous la gouvernance d'un Grand Sage qui habite un palais érigé sur l'une des sept collines du pouvoir, qui porte le même nom que les régions. Quelqu'un souhaite-t-il les réciter ? Oui. Lily ?
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2150, tout va bien ! [roman d'anticipation]
Fiksi IlmiahImaginez, la fin du monde. Ou plutôt, la fin d'un monde. 2150. Après que l'hémisphère Sud ait été engloutie par la montée des eaux, il ne reste désormais que l'hémisphère Nord, divisé en sept régions, dirigées par les Sept Grands Sages. Des sages...