2150, tout va bien ! [roman d'anticipation]

Chapitre 24

« Cher journal,

            Je viens de lire le dernier communiqué de presse corrigé par Célestin et deux mots me viennent à l'esprit : quel enfoiré ! Pardonne-moi d'être vulgaire, mais je suis en colère. Pire : en furie. Comment ose-t-il ? Il y a une différence entre être résigné et collaborer. Je ne peux pas lui reprocher son fatalisme ni de travailler pour l'État, puisque je fais la même chose. Mais je ne peux pas accepter sa collaboration. Je ne lui demande pas de tracter ou d'afficher publiquement son opposition. Il n'y a pas qu'une façon de dire non à l'oppression. Je ne lui demande pas de venir coller des affiches sur les quais avec les JCC ni d'écrire des tracts révolutionnaires comme à la faculté. Je lui demande seulement de respecter l'engagement que nous avions pris de nous battre pour la Vérité, et pour notre avenir.

            En prêtant serment de fidélité à l'État, il savait qu'il serait plus difficile pour lui d'informer la population. Mais nous nous étions jurés de trouver une façon de contourner le système de contrôle et leur propagande : moi en diffusant disséminant des informations dans mes cours et lui avec des indices dans ses communiqués. Mais il ne l'a jamais fait. Et maintenant, que fait-il ?

            Je peux comprendre ceux qui croient que les JCC sont des terroristes complotistes, destinés à répandre un vent de panique au sein de la population, puisqu'ils suivent aveuglement les médias qui véhiculent la parole de l'État. Ils ont confiance dans leurs dirigeants. Mais je ne peux pas comprendre comment Célestin peut cautionner ça. Comment peut-il y participer en sachant la vérité ? Comment peut-il continuer à répandre de fausses paroles alors qu'il sait pertinemment que tout est mensonger ?

            C'est notre devoir de citoyen d'ouvrir les yeux au monde. C'est notre devoir d'Agent de lutter contre notre obligation de réserve et cette fausse neutralité qu'on nous demande d'adopter. C'est notre devoir d'être humain d'éclairer la population du monde entier. Alors qu'attend-il ?

            En continuant à manipuler l'information comme il le fait, il fait honte à tous les journalistes et à sa profession. Il est de son devoir de résister contre la désinformation.

            J'ai honte pour lui. J'ai honte de lui. Il me dégoûte. Qu'est-il donc devenu ?

            Nouveau journal de Jo, mars 2150