Chapitre 26

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« Cher journal,

            En arrivant au lycée ce matin, j'étais déprimé. Ça m'arrive de plus en plus souvent, lorsque je vois que ce que nous avons fait la nuit, en collant nos affiches, n'a servi à rien. Les Grands Sages ont demandé à tous les Agents d'État de traquer les JCC. Hier encore, j'ai failli me faire prendre. Si j'ai échappé à l'arrestation, ce n'est pas le cas de Léon et Jonas qui étaient avec moi. Ils ont été pris sur le fait, alors qu'ils accrochaient notre dernier tract sur un mur, près des quais. Nous, nous avons eu de la chance. Un homme est passé et nous a entrainé à bord d'une péniche.

            Une fois à l'intérieur, j'ai eu l'impression de plonger dans un autre monde. Sur les murs, on trouvait un amoncellement d'objets en tout genre. Et, dans la pièce, plusieurs dizaines de personnes étaient rassemblées pour s'échanger des produits ou discuter politique. Ania était avec moi. Notre sauveur a dit qu'il s'appelait Guy et que nous devions nous méfier. « Les Agents de l'Ordre ne tarderont pas à vous attraper, si vous n'êtes pas plus discrets » nous a-t-il prévenu. Nous lui avons demandé ce qui allait arriver à nos camarades. Il a promis de se renseigner et de revenir vers nous.

            Nous sommes restés à bord de la péniche bleue jusqu'à minuit. Guy nous a ensuite accompagné pour s'assurer que nous n'avions pas été repérés. Je l'ai remercié plusieurs fois. J'ai pu rejoindre ma chambre en passant par la fenêtre que j'avais laissé ouverte. Heureusement que nous habitons au rez-de-chaussée de l'immeuble.

            Ce matin, donc, j'étais anxieux. Je commençais à douter de l'utilité de notre entreprise. Pourquoi afficher des tracts partout dans les rues si c'était pour voir notre monde disparaitre dans quelques mois ? Après tout, si les « événements météorologiques » étaient bien des phénomènes climatiques, combien de temps avions-nous ? Et surtout, cela valait-il la peine de lutter contre quelque chose de trop grand pour notre entendement ?

            Mais, tout à l'heure, Mme Moulin nous a proposé un nouvel exercice. Elle a parlé de géographie prospective et d'un « monde de demain ». Sa démarche m'a laissé rêveur. Je me suis jeté à fond dans l'exercice. Mes camarades de classe étaient un peu dépassés. Lilly n'a pas semblé très intéressée. Elle trouve toujours tous les devoirs ennuyeux et ne fait pas le lien entre ce que nous voyons en classe et le monde dehors. Elle n'est focalisée que sur des problèmes qu'elle juge extrême et que je trouve insignifiants : doit-elle opter pour une manucure ou changer de coupe de cheveux pour le printemps ?

            Ma ville du futur. Ma ville de demain.

            En quittant le cours, j'ai dit à Mme Moulin qu'il ne s'agissait pas d'une utopie. C'est un projet. Un vrai. Celui que je prévois pour le futur. Parce qu'il y a des solutions et de l'espoir pour notre avenir. Et cela, je ne dois jamais l'oublier. C'est elle qui me l'a appris.

            Journal de Romain, avril 2150

2150, tout va bien ! [roman d'anticipation]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant