Chapitre 33 - Nuit magique

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François entra dans la douche avec le sourire mais le malaise revint comme un boomerang, et il sentit comme une main puissante lui serrer la gorge. Il repensa à tous les souvenirs douloureux que sa grand-mère avait fait remonter à la surface. Il chercha à faire taire les voix malsaines et les images violentes de son passé. Il prit le pommeau de douche et refit machinalement un geste qu'il faisait quand il était plus jeune et "sous pression", il plaçait le jet d'eau au dessus de son crâne, il levait un peu la tête et faisait en sorte que l'eau coule sur ses deux oreilles en même temps. De la sorte il était comme sous une cascade et le bruit assourdissant de l'eau prenait enfin toute la place dans sa tête et monopolisait le bruit et l'attention. Cela le relaxait totalement. Il avait remplacé une mauvaise pression par une plus agréable. Là il n'était plus en enfer, mais aux anges. Il quittait enfin ce corps meurtri, cette âme souillée et cette vie de misère. Il s'effaçait doucement, disparaissait presque, et se liquéfiait totalement. Plus de peur, ni de mal. Plus de douleurs. Il était devenu cette myriade de gouttelettes chaudes qui lavaient son cœur de sa noirceur. Et l'eau coulait sans discontinuer sur lui comme on bénit les enfants au catéchisme, mais là, plus qu'un baptême, c'était une place auprès de Dieu qu'il demandait.

La pause paradisiaque ne dura pas car sa grand-mère se permit de frapper brutalement à la porte en criant :

— Hé ho ! Ça va pas de faire couler autant d'eau depuis des heures ! Tu remplis une piscine ou quoi ? C'est pas toi qui paye l'eau !

Et François dût vite arrêter sa parenthèse enchantée, plein d'écume et d'amertume.

Il sortit vite et dit à Anna :

— Ne sois pas trop longue sous la douche ! Tu as entendu ma grand-mère !

— Hola oui ! je l'ai entendue ! Et je crois même que tout le village l'a entendue ! dit Anna en souriant.

François fila se coucher sans bruit.
Anna prit une douche éclair sans avoir eu droit aux flammes du dragon. Elle rentra dans la chambre et découvrit que son lit, enfin son matelas au sol, était fait. François, recroquevillé dans son petit lit, la regardait comme on regarde un ange, émerveillé par ses longs cheveux blonds encore mouillés, et plongé dans ses grands yeux bleus extraordinaires. Elle ne s'était presque pas séchée et son corps perlait encore de mille petites gouttes d'eau qui traversaient un grand T-shirt transparent. François laissait ses yeux parcourir les lignes parfaites de son corps qu'il devinait.
Anna était nue sous son T-shirt et sa peau humide collait par endroit au tissu, ce qui laissait apparaître des reliefs, des rondeurs, des formes, et des pointes. François la dévorait des yeux. Elle vit son regard intense et pénétrant sur elle. Elle lâcha un grand sourire et un petit cri retenu de joie.

— Ne me regarde pas avec autant d'intensité ! On dirait que tu vas me dévorer comme le gâteau de ta grand-mère ! murmura Anna en souriant.

— Désolé Anna ! Je ne voulais pas être impoli ! Excuse moi ! Mais je préfère un morceau de toi que du gâteau au chocolat !

— Pffff ! C'est pas gentil pour ta mamiiiiie, dit-elle en se jetant sur lui pour l'embrasser mais ses pieds nus et humides glissèrent et heurtèrent le matelas au sol. Elle tomba de tout son corps sur François et cela enleva presque la serviette mouillée qui entourait son corps. Lui, par réflexe, voulut la retenir et posa ses mains sur sa poitrine. Elle était entièrement sur lui et elle le regardait fixement, avec des yeux de malice mêlée de désir et de joie. On aurait dit une enfant dans un corps de femme. François voulut enlever ses mains mais Anna lui fit comprendre qu'il pouvait les laisser...François frémissait de gêne et de désir. Il allait l'embrasser quand la grand-mère coupa court et cria :

— C'est pas bientôt fini oui ce vacarme !

Et les deux amoureux, enlacés sans s'en lasser, collés l'un sur l'autre dans une étreinte sensuelle, repartirent dans un fou rire incontrôlable. Anna fit un baiser furtif à François et regagna d'un bond agile son matelas par terre. François ne lâchait pas des yeux son corps tonique et musclé à la peau d'albâtre, d'une souplesse féline et d'une beauté sculpturale. Son T-shirt ne cachait plus rien du tout. Il se perdait dans la volupté de ses courbes sensuelles quand Anna mit un drap sur elle en disant d'une voix enfantine :

— Pas ce soir ! Mamie va nous gronder ! Bonne nuit mon chéri !
Demain on s'en va !

— Heu ! ...oui ! ...ok ! balbutia François tout chose. Bonne nuit Anna !... Je t'aime.

— Moi aussi j't'aime ! répondit-elle du tac-au-tac en éteignant la petite lampe de chevet d'un autre âge.

François ne mit pas longtemps à redescendre de son nuage et à retrouver son angoisse et son mal être. Il avait beau avoir à côté de lui la femme de sa vie, belle, aimante, drôle et mutine, il ne pouvait empêcher ses démons intérieurs de revenir le harceler. Son lit était trop petit pour lui et il frissonnait. Une voiture qui passait dans la rue fit apparaître des raies de lumières qui traversaient la pièce d'un bout à l'autre et s'évanouirent. On aurait dit les lumières clignotantes rouges et bleues des voitures de police...un frisson de frayeur le parcourut...puis le calme revint.

Il se rappela son chez lui. Et il se repassa en mémoire ses moments de solitude et de tristesse. Il entamait un bilan de sa vie et de ses pires moments. Il commençait à s'agiter, à être inconfortable, il murmurait des "Non ! " qu'il ne pouvait pas retenir. Sa peur, sa terreur, son angoisse, bref ses démons retoquaient à sa porte. Sa petite voix commença à le mitrailler de réflexions désobligeantes et négatives.
Il était au plus mal.

Sans un bruit, sans un mot, comme un chat, Anna vint subrepticement se glisser sous son drap et se serra fort contre lui.
François sourit et se calma presque instantanément. Ses voix s'arrêtèrent, son cœur ralentit, les démons de ses ténèbres furent balayés par la lumière et la chaleur du corps d'Anna. Il put, enfin, accéder à la paix intérieure qu'il cherchait tant.

Ils s'endormirent collés l'un à l'autre dans ce petit lit d'enfant qui datait d'une autre ère mais qui, pour eux, fut le plus beau des "dodos" !

MONTEZ ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant