S'il avait su.
S'il avait compris ce qui se tramait, il serait vite parti de cette boutique infecte et morbide en courant.
Mais malgré sa connaissance de l'âme humaine au travers de ses lectures, il ne vit rien venir.Il était surtout subjugué par le personnage d'Émile. Comment pouvait-on adorer l'œuvre et détester l'artiste ? Cela restait un mystère à percer pour lui. Il se voyait déjà comme Holmes, Poirot ou Maigret, excité comme un chasseur qui traque sa proie et se rapproche de son terrier, sauf que la "proie", dans ce jeu de dupes, c'était lui.
Pendant que le François était perdu dans ses pensées, les adultes discutaient dans la chambre de bonne où vivait Gérard.
Le bouquiniste avait bien une maison en ville, un peu plus loin dans le village, où vivait sa femme. Mais ils étaient séparés et ne se voyaient plus guère que pour la pension alimentaire ou la garde des enfants. Il vivait comme un ermite au milieu de ces livres comme un SDF sur ses cartons.
Émile et Gérard avaient une conversation houleuse et sonore à l'étage. Soudain, on entendit un hurlement d'Émile :
— Yiiiahhh ! Allez ! On y va !
Émile ouvrit la porte violemment, chercha son préféré du regard, et une fois dans son viseur, il lui assena un :
— Montez ! Jeune homme ! Montez ! Je ne vais pas vous manger !
François eut un frisson de terreur. Les doutes, les questions, la peur de l'inconnu, tout ce mystère épais qui entourait cet homme le torturaient. Il eut envie de courir dans la direction opposée mais son corps était figé.
Il voulait aussi en savoir plus. Il voulait comprendre. Il fallait qu'il "monte". Tant pis.
Cet escalier jurait avec le reste du décor miteux. Les boiseries de la rambarde et le faux marbre des marches, c'était trop de luxe pour l'endroit !
On aurait dit une pièce rapportée.
En montant toutes ces hautes marches, qui semblaient interminables et infinies comme celles de l'escalier d'Escher, on se serait cru dans un film d'Alfred Hitchcock avec cette forme terrifiante qui nous attend en haut et qui se jette sur vous !La scène de Psychose l'avait marqué à vie. Là haut, ce n'était pas Norman Bates portant les vêtements de sa mère avec un couteau et une perruque qui l'attendait, mais un homme déguisé en écrivain qui avait, lui aussi, un côté sombre.
Émile aida notre novice à monter la dernière marche en le prenant par l'épaule comme un père l'eut fait pour son fils. C'en était presque familier.
François sentit sa grande main glacée dans son dos et fit un pas pour s'écarter de cette pression qu'il ne ressentait pas comme aidante. Il faillit du même coup chuter du haut de l'escalier. L'écrivain le retint cette fois fermement par le bras, l'empêchant de se briser la nuque arrivé en bas, et lui dit presqu'amicalement :
— Hé ben ! Ne nous quittez pas comme ça, François ! Pas maintenant ! Dit amicalement Émile.
— Mer...ci M...monsieur ! balbutia François tout effrayé.
Émile plein de colère lança d'une voix forte :
— Mais arrête avec tes "Monsieur" je t'ai dit ! C'est pas possible ! On est amis maintenant ! Et en plus je t'ai sauvé la vie ! Alors, soit tu m'appelles Émile, soit, et un sourire sadique apparut sur son visage, je te pousse vraiment dans l'escalier !
François ne savait plus où se mettre. Un petit trou de souris lui aurait bien servi de refuge. Il oscillait entre la peur, la honte et la curiosité. Qui était vraiment cet écrivain plein de mystères ?
Cela dit, il était arrivé en haut, et bien vivant ! Le grand Émile était derrière lui, et le gros Gérard le regardait fixement, vautré sur un vieux fauteuil gris.
Ça sentait le coup fourré...
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MONTEZ ! [Terminé]
Misteri / ThrillerFrançois est un lecteur insatiable ! Par curiosité Il va s'intéresser d'un peu trop près à la vie d'un célèbre auteur de best seller à la vie trouble. Sa rencontre lui fera pousser des ailes et éclore son talent pour l'écriture, mais ce ne sera pas...