En ville, c'est comme si on croisait une espèce complètement différente. Ce sont toujours les hommes, mais ils n'ont rien à voir avec ceux des hôtels ou des airbnb ou on baise. Ici, ils ne nous insultent pas, ils ne nous touchent pas, et s'ils se risquent à certains regards plus ou moins lourds de sens, aucun n'est équivalent à ceux que j'ai reçu dans la journée. Je suppose que certains mecs sont pénibles pour des filles normales mais pour nous trois, même le siffleur le plus relou ne nous choque pas. Rien à voir avec un mec qui nous crache dans la bouche en nous traitant de salope... Même pas comparable.
Le restau est juste à côté du Grand-Théâtre. J'aime bien ce coin, il y a plein de beau monde. On croise des couples chics et amoureux, des familles qui sortent pour aller manger, des bandes d'amis qui viennent s'amuser.
Le restaurant est sympa, décoration sud-américaine, évidemment, et musique qui bouge. Il y a un groupe de mecs qui s'arrêtent de parler quand nous entrons. Normal. Trois petites meufs habillées sexy. Sam est la plus grande de nous trois. Belle brune au cheveux long, avec de grands yeux noirs et un maquillage appuyé pour la mettre en valeur. Elle a choisi une robe noire bien moulante qui mets en valeur ses seins. Son manteau est ouvert et elle aime les décolletés qui attirent l'œil. Mission accomplie, les mecs ont arrêté de manger ! Elle a 19 ans, elle aussi. Lilou est maigre, encore plus que moi, elle fait 1m60, ce qui fait qu'elle me regarde de haut ! Elle a les cheveux blonds et décolorés, et son regard clair est perpétuellement inquiet. Elle a choisi des vans, un jeans moulant et un sweat superdry rose bonbon. Elle n'a que 17ans. Elle fait super innocente et en un sens, elle l'est. Mais ce week-end encore, je la revois avec deux grosses queues qui lui déchirent la chatte. Elle a vécu tellement de choses affreuses qu'elle ne fait plus la différence entre la normalité et l'horreur. Encore moins que moi, je veux dire. Et il y a moi, brindille de 1m52, 40 kg à la dernière pesée, les cheveux châtains et raides, coupés au carré. Un léger maquillage pour soutenir le bleu de mes yeux tristes. Je me suis mis un crop top en synthétique noir, et j'enlève ma veste noire elle-aussi vu que le restau est bien chauffé. Les mecs de la tablée regardent peut-être les petites étoiles tatouées sur mon épaule, à moins qu'ils ne matent mes fesses...
On commande nos plats et prenons une bouteille de champagne. On boit tranquillement, sans trop se parler, en savourant la soirée. Pas un mec pour nous faire chier. Personne à qui obéir. L'héroïne distille sa magie, et je savoure le meilleur moment de la journée.
- Demain soir, j'ai un gros rdv.
- Plus tard Lilou, nous saoule pas avec ça toute de suite.
- Facile de dire ça pour toi. C'est pas toi qui va te prendre 4 renois.
Non, ce n'est pas moi, cette fois. Mais peut-être que cela se sera un autre soir. Chacun sa merdre, j'ai envie de dire. Lilou, tout comme Sam, est une bonne copine. Et je tiens sincèrement à elle. Mais jusqu'à un certain point. Et si je lui fais confiance, je n'irais pas lui confier mes économies. Après tout, c'est une pute et une junkie, comme moi. Nous avons toutes les 3 eu une vie de merde pour en arriver là, et je suis presque surprise de me dire que c'est moi qui aie eu la vie la plus « facile ».
Mon père me cognait dessus mais il ne m'a pas violé avant mes 15ans. Coup de bol... Il a attendu que j'ai un corps à peu près formé. Ma mère est une putain d'alcoolique, mais elle a essayé de me protéger, à sa manière. Elle prenait des coups, parfois, pour l'empêcher de s'en prendre à moi. Avec cette « bonne étoile » au-dessus de ma tête, je n'ai quitté le cocon familial qu'après mes 17 ans. J'ai commencé à tapiner toute seule, mais ça attire vite les « ange-gardiens ». Il y a plein de Farid qui pistent les indépendantes isolées. En choisir un, c'est devenir son bétail, mais c'est aussi s'assurer que les autres ne viendront pas nous emmerder. Je sais ce qu'il en coute de vouloir rester isolée : j'ai vu des filles battues à mort, le crâne à ce point explosé qu'elles ne seront plus jamais normales. Mais j'ai pas envie de parler de ça ce soir.
Il y a Lilou, la version moins chanceuse de moi-même. Un beau-père taré. Une petite enfance en enfer. Une mère toxico : Farid n'a même pas eu besoin de lui présenter la dope, elle pratiquait déjà avant lui ! Cette meuf vit dans la peur chacune des minutes de sa vie. C'est très rare que je la vois détendue. Et les hommes le sentent. L'odeur du sang, ça les excite...
Sam n'a jamais voulu nous parler de son passé. A mon avis, c'est pas terrible. Elle a des cicatrices bizarres sur plusieurs parties de son corps, et les tatouages ne parviennent pas toujours à les cacher. Elle ne parle jamais de sa famille, à croire qu'elle n'en a pas. Et même quand Farid la cogne, elle semble le prendre avec philosophie, comme si elle avait vécu bien pire avant.
C'est moi la petite chanceuse, je vous disais.
On papote au sujet de séries Netflix, des mecs de la table d'à côté, lorsque mon téléphone vibre.
"Bonsoir Emmy, t dispo ?"
Je regarde l'écran, c'est un de mes habitués. Un vieux bourgeois qui habite dans un immense appartement à côté du jardin public.
"Pourquoi ?"
"Ma femme n'est pas là ce soir, et j'aurais envie de te voir. Tu peux ?"
"Peut-être ? je suis pas très loin, mais je suis avec des copines occupée"
"500E pour toi, comme d'habitude. J'ai très envie"
"Ok, je suis là dans 45mn, cela vous vous convient ?"
"Oui merci"
Les filles m'observent. Elles aussi ont leurs petits extras. Farid tolère tant que nous bossons la journée pour lui. C'est beaucoup plus rentable, mais il faut rester discrète et pas trop gourmande.
- C'est qui ? demande Sam.
- Un vieux que je vois depuis 2 ans, celui du jardin public.
- Papi vicelard !
- Oui c'est ça...
Ce retour à notre réalité de putes change le ton de la conversation. On ne rigole plus de manière légère à la moindre connerie. Chacune pense à sa propre misère et on termine le repas rapidement. Les filles me souhaitent une bonne baise et quittent le restau avant moi. Je paye et en sortant, un des mecs de la table d'à côté s'approche de moi, en essayant d'avoir l'air cool.
- Allez Thomas, lâche rien ! se marrent ses potes.
Il est plutôt mignon. Il fait deux bonnes têtes de plus que moi, ce qui n'est pas si compliqué. Un brun, du genre fac de droit ou école de commerce...
- Bonsoir, je veux pas te déranger, mais si je t'aborde pas, tu disparais et on se verra jamais.
Il me sourit de manière engageante. Je lui rends son sourire par automatisme, mais ne répond rien.
- Bon voilà, je te laisse mon numéro, si tu as envie de boire un verre. Je m'appelle Thomas, et euh... je te trouve super mignonne.
Ses copains se marrent derrière lui. J'attrape le morceau de papier et je marmonne que je vais y penser. Je le plante au milieu du restaurant alors que ses potes sont en train de l'applaudir. Le pauvre !
Une fois dehors, je switche en mode pro. Je pense à mon client, à ses 500 euros, et aux deux heures que nous allons passer ensemble. Un client important. Friqué.
J'aurais du lui demander de m'appeler un taxi. Tant-pis, la prochaine fois.
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Emmy, 19 ans, journal d'une prostituée
Ficción General🔞 Attention : récit pornographique, violent et sans espoir. Interdit aux mineurs. 🔞 J'ai 19 ans. Je raconte mon quotidien, la drogue et les passes, les copines, les clients et Farid, mon protecteur. Je suis assez futée pour me rendre compte de l'e...