XVIII

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- Adrian -

"Le complexe du héros", encore une belle connerie inventée par des pseudo-psychologues, pour décrire le simple fait de vouloir aider son prochain. Les hommes sont tellement mal perçus qu'on leur colle une étiquette de héros dès qu'ils font un truc ordinaire, un truc bien. Malycia est un putain de serpent. Elle est vicieuse et cela ne m'étonnerait même pas qu'elle se soit mise dans cette situation volontairement, dans le seul but de m'amadouer et de me foutre dans son lit. Elle est complètement accro.

La voix de ma mère me hante depuis que je l'ai rencontrée.

Sois gentil, mon fils.

Accorde-lui l'attention qu'elle réclame.

Ne refoule pas tes sentiments, Adrian.

Tu es un héros.

Même lorsque je pose les yeux sur Malycia, c'est ma mère qui me guide.

C'est une très jolie femme, Adrian. Ne la repousse pas.

En effet. Malgré la haine que je lui voue, je n'arrive pas à la trouver hideuse. Je l'imagine avec des boutons, des lunettes, des cheveux jaunes et même des caries, mais rien n'y fait. Malycia est physiquement parfaite. Je la trouve encore plus jolie lorsqu'elle retire tous ses artifices, et qu'elle ferme sa gueule.

D'une démarche assurée, comme si elle vivait ici, la jeune mariée descend les marches en faisant glisser ses doigts fins et manucurés le long de la rambarde en verre. Elle ne porte qu'une chemise et a dressé sa crinière pour en faire un chignon. Elle a enlevé ses colliers, qui habillaient son décolleté. La chemise m'appartient, alors elle est trop grande pour elle. Elle retombe sur ses seins pour les couvrir légèrement, mais s'ouvre entre ses jambes pour exposer ses longues jambes et sa culotte en dentelle noire.

J'ai l'impression d'avoir passé une autre nuit de noces en sa compagnie. Tout est si fluide, si parfait, comme si nous étions un vrai couple solide. Malycia a le goût du luxe, elle irait parfaitement avec la décoration de mon salon.

Après une longue inspiration pleine de rage, je reprends la découpe rapide de mes patates, baissant les yeux sur le comptoir pour ne plus voir l'ange de la mort s'approcher. Je ne la vois plus, mais je l'entends et je la sens. Je sens sa présence et son parfum, malgré le mien. Malycia s'est douchée avec mes produits. Elle a imprégné son corps de mon odeur.

- Je te prierais de ne pas fouiller dans mes affaires, je dis en jetant les morceaux de patate dans un saladier. Tu n'es pas chez toi, ici.

Penchée au-dessus du comptoir, m'offrant impunément son décolleté, la belle se redresse et porte une main à sa bouche avec un air faussement choqué.

- Oh, pardon ! Vous voulez que je la retire ?

Je sentais la connerie venir. Son ton passe de surpris et désolé à malicieux et tentateur. Elle remonte ses mains sur le col de la chemise et les pose sur le premier bouton attaché, attrapant le tissu du bout de l'ongle. Elle baisse la tête pour observer ses propres mouvements, me laissant le soin de la regarder également, comme hypnotisé. Est-ce qu'elle va vraiment retirer la chemise ? J'ai déjà vu ses seins. Ils sont sublimes.

- Non. C'est bon.

Je me racle bruyamment la gorge et me retourne pour ne plus me laisser tenter.

- Je peux allumer la télé ? demande-t-elle sur un ton joyeux, l'air de rien. Je n'ai jamais vu un écran aussi grand de toute ma vie !

- Fais ce que tu veux, tant que tu ne me déranges pas.

Je tourne légèrement la tête pour la regarder du coin de l'œil, la porte du frigo ouverte.

- Et que tu fermes ta gueule.

- Merci !

Malycia ne réplique rien. Elle ne retient que mon autorisation et s'en va en sautillant. Elle se laisse tomber et rebondir sur le canapé. Je fais abstraction du fait qu'elle y pose ses pieds et continue à cuisiner en essayant d'ignorer sa présence, étrangement calme.

Il m'arrive – très souvent – de lever le regard sur elle. Je m'attends toujours à voir son visage, à ce qu'elle soit retournée et me provoque avec ses yeux de serpent, mais elle reste concentrée sur la télévision. Elle change de chaîne plusieurs fois avant de trouver une émission chinoise débile, devant laquelle elle se marre toute seule. Et à chaque rire, chaque gloussement, je relève la tête. Le rire naturel de Malycia est d'une douceur...

En quelques secondes, elle est redevenue la Malycia adulte, mature et calme. Ce qui est dommage, c'est tout ce qu'on doit faire pour en arriver là. Il faut lui trouver une occupation, un nouvel intérêt, ce qui me prouve qu'elle n'est pas faite pour moi. Combien de temps lui faudrait-elle pour qu'elle se lasse de moi et aille voir ailleurs ? Au vu de la facilité avec laquelle elle s'est laissé baiser la première fois, je ne veux pas risquer que ça se reproduise avec un autre.

Je termine de préparer le repas. Je ne perds pas de temps à lui demander de l'aide pour la table, deux assiettes, deux verres, des couverts et c'est terminé. Il est rare que je mange sur ma table. Soit, je mange sur mon bureau, soit je mange dans le canapé. Mais j'essaie de faire bonne impression. Malycia me considère déjà comme un homme des cavernes, si elle apprend que je ne vis pas en dehors du travail, elle va se foutre de ma gueule.

Ça ne me dérange pas d'être seul, et de ne vivre que pour mon travail. J'ai toujours été solitaire, et avant qu'il ne meure, je passais mon temps libre avec mon père. Je l'aidais dans sa maison, nous partions en randonnée, nous chassions dans les bois... J'avais des occupations, des raisons de ne pas penser aux femmes, même si mon père ramenait toujours le sujet sur le tapis.

Après ma naissance, ma mère est tombée malade et n'a jamais pu refaire d'enfants. Elle est morte et puisque mon père n'a jamais aimé une autre femme, il espérait que je lui fasse des petits-enfants. Il voulait redécouvrir la joie de s'occuper d'un nourrisson, de le voir grandir, de lui inculquer les bases de la vie. Le fait que moi, je n'en veuille pas, a été la plus grosse déception de sa vie. J'ai pensé à une vasectomie, pour m'assurer que ce ne soit pas un problème, mais à force de réflexion, je me suis dit que cette opération serait inutile. Je ne fréquente pas beaucoup de femmes, si ce n'est pour combler un désir réciproque. Généralement, c'est expéditif. Sauf avec Malycia.

Quand je m'approche d'elle, mon cœur se resserre et me fait souffrir. Il effectue des battements irréguliers, et une force émane de moi. Mon corps réagit de cette manière lorsque la rage et le désir sexuel est trop intense. Je ne me contrôle plus et je la baise. Je regrette toujours mes actes, et mes pensées tordues, même si les femmes apprécient. Malycia aime ça, et elle en redemande constamment. Pourtant, une fois le plaisir retombé, je me déteste. Je déteste agir sous le coup de la colère. Déjà enfant, je tapais dans le mur pour me calmer, jusqu'à ce que ma mère ne me fasse découvrir la douceur des oreillers et des matelas. Elle ne voulait pas que je me blesse, alors que c'était bien là le but de ma démarche. Et quand je baise, je me montre sans cœur avec mes partenaires, sûrement parce que c'est plus facile pour moi de passer à autre chose si elles me rejettent. Aujourd'hui, ma méthode semble rouillée.

Je serre le poing. Cette force qui essaie de me contrôler veut que j'enserre sa nuque. Et cette pulsion est encore plus alarmante lorsque la belle sent ma présence et relève la tête pour m'observer innocemment. Elle expose sa gorge, l'ouverture de la chemise qui dévoile la séparation de ses seins, et ses jambes nues, fraîchement épilées. Elle bat des cils et sourit, les mains croisées sur ses genoux. Je la regarde, et avant que je ne finisse par l'étrangler, je tourne les talons.

- C'est prêt.

𝔏𝔞 𝔅𝔢𝔩𝔩𝔢 𝔢𝔱 𝔩𝔞 𝔅𝔯𝔲𝔱𝔢 (⚤) - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant