IV

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- Malycia -

Le réveil est vraiment compliqué. J'ai mal au crâne et même si j'ai vomi tout le punch la veille, de la bile remonte encore dans ma gorge. Je soupire et peine à ouvrir les yeux. Je suis confortablement installée et pourtant, je ne me sens pas à ma place. L'odeur qui embaume la pièce est inconnue et la couverture est bien plus épaisse que la mienne.

Avec difficulté, je parviens à soulever une paupière et observer la chambre, qui n'est pas du tout celle de mon petit appartement. Les murs ne sont pas blancs, mais recouverts d'une tapisserie aux vieux motifs. Le lit est beaucoup plus haut et plus étroit que le mien, et les oreillers sont étrangement épais, comme s'ils étaient neufs. Les miens sont tout aplatis.

J'ai l'impression d'avoir fait un bond dans le temps. Tout dans la chambre est vieillot : le lit, l'armoire en bois, le bureau, le miroir sur pieds et le tapis. C'est comme si une grand-mère m'avait kidnappée et séquestrée dans sa maison hantée.

Quand je prends appuie sur mes pieds, le parquet craque. J'effectue pourtant des pas légers, mais ma présence n'est pas discrète. En passant devant le miroir, je pousse un cri d'effroi et sursaute, alertant encore plus mon ravisseur que je suis réveillée.

J'avais déjà oublié que je m'étais déguisée pour Halloween et qu'une tache de sang énorme s'étalait sur tout mon corset. Mon maquillage a été ruiné par la transpiration et les larmes, et transforme mon visage en un tableau caricatural de la mariée dépressive. Sous mes pieds, des trous se sont formés dans mes bras, désormais bons à être jetés à la poubelle. Par chance, les boucles qui m'ont pris une heure à faire sont toujours là et donnent une apparence plus coiffée à ma tignasse épaisse.

C'est donc dans une tenue inadéquate et avec un visage horrifique que je sors de la chambre. J'essaie de me faire discrète et longe le petit couloir qui mène à un salon, rempli de cartons. Intriguée, je tourne la tête à la recherche du propriétaire. Je tombe aussitôt nez à nez avec le fusil qu'il tend devant lui.

Je sursaute de nouveau et me fige brusquement. Je louche sur la pointe du fusil et arrête de respirer.

- PAN ! hurle-t-il en relevant le fusil.

Je ferme les yeux et enfonce mes ongles dans la paume de mes mains, mais je ne suis pas touchée. J'entends seulement un rire, puis un bruit qui me signifie que l'arme est reposée.

- Débile.

J'ouvre enfin les yeux et m'offusque en portant ma main à ma poitrine, sur mon cœur en folie.

- Pardon ?! C'est vous le débile ! Vous venez de me pointer avec un fusil !

Il ne me prête aucune attention et frotte le manche de son arme avec un chiffon blanc, sans même me jeter un regard ou m'adresser une parole. Je me sens presque invisible et m'avance vers lui pour lui faire savoir que je suis toujours là.

L'homme est à peine plus grand que moi. Cependant, il doit faire deux fois mon poids et deux fois ma carrure. Ses mains sont très grandes et très épaisses. Elles glissent le long du fusil avec autant de fermeté que de délicatesse. Il fait briller le manche à l'aide de ses doigts bronzés. Sur son annulaire, une bague.

- Qu'est-ce que tu regardes ?, finit-il enfin par dire.

- Votre bague. Vous êtes marié ?

Il semble surpris. Il se redresse et repose son tissu d'un mouvement sec.

- Tu te réveilles dans une maison que tu ne connais pas, avec un mec que tu ne connais pas, et toi, tu veux savoir si je suis marié ?

Je grimace et croise les bras avec dédain.

𝔏𝔞 𝔅𝔢𝔩𝔩𝔢 𝔢𝔱 𝔩𝔞 𝔅𝔯𝔲𝔱𝔢 (⚤) - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant